Sénégal : Kawawana, la réussite communautaire qui dit non au business des ONG

Dans une Afrique où l’argent des ONG joue un rôle controversé, l’association Kawawana fait figure d’exception. Regroupant des centaines de pêcheurs, elle met un point d’honneur à ne pas dépendre des aides extérieures. Pour mieux préserver les ressources naturelles et la biodiversité de ses mangroves, source de pêche. Reportage.

Un pêcheur de la commune rurale de Mangagoulak, en Casamance. © Maxime Le Hégarat pour J.A.

Un pêcheur de la commune rurale de Mangagoulak, en Casamance. © Maxime Le Hégarat pour J.A.

Publié le 24 août 2012 Lecture : 3 minutes.

« Kawawana » : « préserver notre patrimoine ancestral », en langue diola. L’association qui porte ce nom a été créée à l’été 2010 par les habitants de la communauté de Mangagoulak, en Casamance (Sud du Sénégal). Son objectif est aussi simple qu’ambitieux : protéger les ressources en poissons de cette commune rurale pour assurer la sécurité alimentaire de la population. Et ça marche.

Interdiction formelle de pêcher dans certains bolongs (bras de fleuve, entourés de mangroves), limitation dans d’autres : soit à la simple pêche de subsistance, le surplus devant être vendu au village à un prix modéré, soit à la pêche commerciale mais sans utilisation de pirogues à moteur, ni de filets en nylon ou encerclants…

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Bref, tout est fait pour éviter la surpêche et veiller au repos biologique de la ressource. Mais quand un modèle de développement durable fonctionne, cela ne veut pas dire pour autant qu’il est pérenne… C’est d’ailleurs l’une des principales craintes de Salatou Sambou, le président de Kawawana. Que l’expérience communautaire soit « récupérée » par des tiers aux intérêts divergents.

Pirogue sans moteur, filets en coton… les pêcheurs appliquent les réglementations de l’association Kawawana.

© Maxime Le Hégarat pour J.A.

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Appui ponctuel

C’est pourquoi l’association a dit oui à la Fondation internationale du Banc d’Arguin (Fiba) et au Center for sustainable development (Cenesta), mais uniquement pour de légers appuis ponctuels comme l’expertise ou l’aide financière.

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La Fiba a par exemple financé deux pirogues motorisées. L’essence, les pêcheurs l’achètent avec l’argent de la vente de leur pêche. « Souvent la population initie un projet puis une ONG va prendre le relai. Là nous ne sommes intervenus qu’à la fin du processus porté par les habitants », explique Simon Mériaux, un des coordonnateurs de l’ONG, à Dakar.

Nous avons travaillé longtemps sans les ONG et nous n’acceptons pas les organisations qui viennent uniquement pour s’approprier notre expérience communautaire.

Salatou Sambou, président de l’association des pêcheurs de Kawawana

Trois autres organismes ont d’ailleurs frappé à la porte de l’association, qui décliné leur soutien. Et lorsqu’une autre structure, dakaroise, a proposé moto, téléphone, crédit téléphonique et salaire à Salatou Sambou, le président de l’association des pêcheurs, il a refusé tout net. « Nous avons travaillé longtemps sans les ONG et nous n’acceptons pas les organisations qui viennent uniquement pour s’approprier notre expérience communautaire, se faire des millions d’euros via les bailleurs de fonds et qu’au final, il n’y ait pas de retombées pour les populations », explique-t-il.

Côté Fiba, on est plutôt d’accord avec cette analyse. « Quand trop d’argent est apporté par rapport aux besoins réels, cela pervertit les rapports entre populations et ONG. Parmi ces dernières, certaines peuvent vouloir récupérer un projet pour montrer un bel exemple de réussite mais les populations veillent à ce qu’il n’y ait pas trop de dérives », explique Simon Mériaux.

Scepticisme

Aujourd’hui, l’expérience communautaire a porté ses premiers fruits. Selon l’association, sur quinze espèces qui avaient disparu (barracuda, capitaine, carpe noire…), cinq ont déjà réapparu. Et – aspect non négligeable – le revenu des villageois c’est aussi amélioré. « Les pêcheurs vendent plus car la ressource se régénère. Ils ont donc plus de moyens pour prendre en charge leur famille et mettre les enfants à l’école », souligne Maiména Goudiaby, chargé des questions socio-économiques au sein de l’association.

Mais tout n’est pas allé de soi. Il a fallu notamment surmonter le scepticisme des pêcheurs. « J’utilisais des filets en nylon. Je savais qu’ils détruisaient les fonds marins, mais bon, c’était efficace pour les prises. Petit à petit j’ai compris l’importance de tout ça et j’ai rallié la majorité des pêcheurs », raconte Jean-Marie Diédhiou. Et puis, il faut gérer la fraude. Les pirogues de surveillance sont moins utilisées, faute d’essence. L’association a cependant des relais un peu partout à l’entrée des bolongs. Et en cas d’infraction constatée, on communique par téléphone portable. Ça limite les dépenses.

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Par Aurélie Fontaine, à Ziguinchor
 

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