Procès Habré : accord historique entre l’UA et le Sénégal pour la création d’un tribunal spécial
L’Union africaine (UA) et le Sénégal ont annoncé, mercredi 22 août, avoir signé un accord historique pour que l’ex-président tchadien Hissène Habré soit prochainement jugé à Dakar par un tribunal spécial, composé de magistrats africains et sénégalais.
Cette fois-ci, c’est sûr. Menacé depuis plusieurs semaines par la perspective d’un procès au Sénégal, Hissène Habré sera bien jugé à Dakar. Mercredi soir, le Sénégal et l’Union africaine (UA) ont signé un accord portant création d’un tribunal spécial pour juger l’ex-président tchadien dans le pays où il est réfugié depuis plus de vingt ans.
Cet « accord entre l’UA et le gouvernement de la République du Sénégal sur la création de chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises » en vue du procès de M. Habré a été signé par Mme Aminata Touré, ministre sénégalaise de la Justice, et Robert Dossou, représentant de l’UA. « À travers l’accord, nous réglons la procédure par laquelle le procès doit se tenir. Nous nous acheminons directement vers l’ouverture de l’instruction. Il n’y a plus d’obstacles », a déclaré Mme Touré à la presse.
Et d’ajouter : « ceci est un grand pas, nous marquons une étape décisive vers un procès équitable. Nous avons perdu beaucoup de temps, mais l’essentiel est en train d’être fait. Nous nous acheminons résolument vers la tenue d’un procès tant attendu. (…) Nous sommes en train d’écrire une nouvelle page du droit international et c’est à l’honneur de l’Union africaine ».
Nous sommes sur le segment de parcours qui va déboucher sur la démonstration que l’Afrique peut juger l’Afrique, et cette preuve se fait au Sénégal.
Robert Dossou, représentant de l’UA
« L’UA se réjouit de ce que le principe de (lutte contre) l’impunité prend désormais corps. Nous sommes sur le segment de parcours qui va déboucher sur la démonstration que l’Afrique peut juger l’Afrique, et cette preuve se fait au Sénégal », a de son côté affirmé Robert Dossou.
Quatre chambres africaines "extraordinaires"
Hissène Habré vit en exil à Dakar depuis sa chute en 1990, après huit années au pouvoir (1982-1990) au Tchad. Il est accusé de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de torture. Le Sénégal, qui avait accepté en 2006 de le juger à la demande de l’UA, n’a jamais organisé le procès sous le mandat de l’ex-président Abdoulaye Wade. Son successeur Macky Sall, qui a pris ses fonctions le 2 avril dernier, s’était lui engagé à ce que le jugement débute d’ici à la fin de l’année.
La Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, saisie par la Belgique en février 2009, avait ordonné en juillet à Dakar de poursuivre « sans aucun autre délai » Hissène Habré ou de l’extrader.
Les « chambres africaines extraordinaires » créées mercredi sont au nombre de quatre : deux pour l’instruction et l’accusation, une Cour d’assises et une Cour d’appel. Fin juillet, lors d’une réunion à Dakar, les deux parties avaient indiqué que ces chambres seraient toutes présidées par un magistrat africain assisté de juges sénégalais.
Les faits pour lesquels M. Habré sera jugé concernent la période allant du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990. « Nous comptons démarrer avec les ressources déjà disponibles. Nous pensons que le budget (pour la tenue du procès) pourra être mobilisé », a indiqué la ministre Touré.
Financement du tribunal
L’accord Sénégal-UA a été salué dans un communiqué par le Comité international pour le jugement équitable de Hissène Habré, regroupant plusieurs ONG de défense des droits humains dont Human Rights Watch (HRW), la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (Raddho), ainsi que deux associations de victimes tchadiennes.
Le précédent budget pour juger Habré avait été estimé à 8,6 millions d’euros.
Le document « engage les parties à ce projet et à un calendrier selon lequel le tribunal serait opérationnel avant la fin de l’année », a précisé le comité dans un communiqué. « Nous espérons que les donateurs accepteront d’aider au financement du nouveau tribunal », a pour sa part déclaré HRW.
Le précédent budget avait été estimé à 8,6 millions d’euros avec des contributions annoncées par le Tchad l’Union européenne (UE), la Belgique, les Pays-Bas, l’UA, l’Allemagne, la France et le Luxembourg, mais cet argent « promis n’existe plus », avait récemment indiqué HRW à Dakar.
(Avec AFP)
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