Égypte : la presse applaudit la mise à l’écart des militaires, mais redoute la censure
Pour la presse égyptienne, les décisions prises dimanche par le président Mohamed Morsi – mise à la retraite du maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA), ainsi que de son « numéro deux », le général Sami Anan, et annulation des prérogatives politiques dont bénéficiaient les militaires -, sont véritablement « révolutionnaires ». Selon les analystes, la nouvelle donne bouleverse le rapport de force entre l’armée et les Frères musulmans.
![Le président égyptien (c) et le maréchal Tantaoui, le 6 août dans le nord du Sinaï. © AFP](https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/cdn-cgi/image/q=auto,f=auto,metadata=none,width=1215,fit=cover/https://prod.cdn-medias.jeuneafrique.com/medias/2012/08/14/014082012091232000000aaadadadaadccc.jpg)
Le président égyptien (c) et le maréchal Tantaoui, le 6 août dans le nord du Sinaï. © AFP
La décision prise dimanche 12 août par le président égyptien Mohamed Morsi de mettre à la retraite le maréchal Hussein Tantaoui, et le « numéro deux » du Conseil suprême des forces armées (CSFA), le général Sami Anan, mais aussi d’annuler toutes les prérogatives politiques dont bénéficiaient les militaires, suscite de nombreuses réactions.
Pour la presse égyptienne, ces mesures bouleversent le rapport de force entre l’armée et les Frères musulmans. « Les Frères officiellement au pouvoir », titrait ainsi le journal indépendant Al-Watan, tandis qu’un hebdomadaire proche de certains cercles militaires, Al-Ousboua, dénonçait « la dictature des Frères ». « Morsi met fin au pouvoir du Conseil suprême des forces armées » dirigé par le maréchal Tantaoui, affirmait pour sa part Al-Chorouq. Pour ce journal indépendant, les mesures constitutionnelles annoncées donnent même au président Morsi « des prérogatives plus importantes que celles de (Hosni) Moubarak ».
Une réorganisation en profondeur
Outre la mise en retraite du maréchal Tantaoui, et du "numéro deux" du CSFA, Mohamed Morsi a fait sortir du conseil militaire les chefs de la marine, de l’aviation et de la défense aérienne, pour leur confier des postes élevés dans le secteur public. Le chef de la marine, le vice-amiral Mohab Mamich, prend ainsi la direction de l’organisme chargé du canal de Suez, une des premières sources de revenus du pays. Un autre membre du CSFA, le général Abdel Fattah al-Sissi, chef du renseignement militaire, remplace à la Défense le maréchal Tantaoui. Mohamed Morsi a également nommé vice-président un magistrat, Mahmoud Mekki. Une nomination qui pourrait augurer d’une reprise en main de la hiérarchie judiciaire héritée de l’ancien régime, Mahmoud Mekki s’étant distingué lors d’une fronde des juges contre le système Moubarak lors des élections de 2005.
Le chef de l’État a aussi récupéré à son compte la possibilité de former une nouvelle commission chargée de rédiger la Constitution, en cas de blocage des travaux de la commission actuelle. « Ce qui s’est fait l’a été en coordination et après des consultations avec les forces armées », a assuré dimanche un responsable militaire cité par l’agence officielle Mena. Mohamed Morsi a, lui, pris soin de déclarer qu’il n’avait l’intention de « marginaliser » personne mais de promouvoir une « nouvelle génération ».
Alors que des journaux se sont inquiétés d’une volonté selon eux de contrôle des médias de la part des Frères musulmans, le Parquet a annoncé lundi avoir déféré devant la justice le patron d’une chaîne privée et le rédacteur en chef d’un quotidien indépendant pour offense au président Morsi.
Moins d’inquiétude du côté de la Bourse du Caire où les annonces de M. Morsi sont perçues comme pouvant favoriser la stabilité du pays », estime l’analyste financier Moustafa Badra. Résultat : une hausse de 1,5% de l’indice de référence EGX-30.
La décision du nouveau président égyptien a eu un impact mondial. La Maison Blanche ont appelé les militaires et le gouvernement à travailler ensemble, en disant espérer que « l’annonce du président Morsi serve les intérêts du peuple égyptien », tout en indiquant que le « partenariat » militaire qui lie les deux pays n’était pas remis en cause. Les États-Unis accordent une aide annuelle militaire d’environ 1,3 milliard de dollars à l’Égypte.
Son de cloche différent en Israël, lié depuis 1979 par un accord de paix avec l’Égypte. « Il est prématuré de faire des évaluations car tout est en devenir en Égypte, mais nous suivons de très près et avec quelque inquiétude ce qui s’y passe », a affirmé à l’AFP un responsable gouvernemental sous couvert de l’anonymat.
Ce coup de théâtre survient alors que sur le plan de la sécurité l’Égypte fait face à une grave crise dans le Sinaï, où 16 de ses gardes-frontières ont été tués le 5 août près de la frontière avec Israël et Gaza. L’armée égyptienne mène depuis une large offensive dans la péninsule.
(Avec AFP)
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