Abdelkader Messahel : « L’Algérie n’a pas les moyens de régler les problèmes du Mali »
Le ministre algérien chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, participe au sommet de l’Union africaine à Addis Abeba. Il répond aux questions de notre envoyée spéciale sur la crise malienne. Interview.
Jeune Afrique : L’Algérie est un acteur clé dans la sous-région. Peut-elle continuer à ne pas vouloir intervenir militairement au Nord-Mali ?
Abdelkader Messahel : D’abord, il y a beaucoup d’exagération dans tout cela : l’Algérie n’a pas les moyens de régler les problèmes du Mali, il faut que cela soit clair. Ensuite, les problèmes du Mali ne peuvent être réglés que par les Maliens eux-mêmes et je crois en leur capacité à ouvrir le dialogue au Nord et à reprendre les positions que l’armée a perdues.
Mais l’Algérie a une expertise en la matière…
Une expertise que nous n’avons jamais refusé de partager, même s’il faudrait que chaque pays s’approprie la lutte contre le terrorisme. Bien sûr, cela n’exclut pas une coordination et un soutien réciproque entre les pays du champ, et nous apportons depuis longtemps une aide logistique au Mali, dans le cadre de notre coopération bilatérale. Nous lui avons fourni des moyens militaires, nous partageons nos renseignements et nous avons beaucoup contribué à la formation de contingents spécialisés dans la lutte anti-terroriste.
Vous privilégiez donc le dialogue au Nord. Cela signifie-t-il que l’on peut négocier avec les islamistes du mouvement Ansar Eddine ?
Les membres d’Ansar Eddine ne sont pas des salafistes, on oublie trop souvent que le mouvement a une composante touarègue.
On peut négocier avec le MNLA [le Mouvement national de libération de l’Azawad, NDLR] et avec Ansar Eddine, oui.
Ansar Eddine est pourtant très proche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi)…
Il y a, sur ce sujet, beaucoup de confusion. Les membres d’Ansar Eddine ne sont pas des salafistes, on oublie trop souvent que le mouvement a une composante touarègue, et on aurait tort d’exclure Iyad Ag Ghali, son chef. N’a-t-il pas autrefois été l’un des négociateurs du Pacte national ? C’est un interlocuteur comme les autres.
Quels sont les points non négociables ?
Il faut respecter la souveraineté et l’intégrité du Mali. On ne s’accommodera jamais d’une partition ou d’une déclaration d’indépendance. De la même manière, tous les acteurs de cette crise, quels qu’ils soient, doivent renoncer définitivement au terrorisme et au crime organisé. Cela n’est pas négociable.
La lutte contre Aqmi et les trafics, c’est l’affaire de tous.
Ceci étant dit, les problèmes du Nord doivent être réglés dans le cadre d’un dialogue national. Cela s’est déjà fait avec la signature du Pacte national en 1992 ; cela s’est encore fait avec la signature des accords d’Alger en juillet 2006 – des accords qu’il est temps de réviser. Mais cela, c’est l’affaire des Maliens, tandis que la lutte contre Aqmi et les trafics, c’est l’affaire de tous.
À l’heure actuelle, faute d’un leadership politique fort, Bamako ne paraît pas en mesure de négocier quoi que ce soit…
C’est pourtant aux Maliens de mener à bien la transition politique pour remettre de l’ordre dans la maison Mali.
Le capitaine Sanogo qui a pris la tête des putschistes le 21 mars dernier, peut-il encore jouer un rôle ?
C’est aux Maliens de le dire, mais il faut tenir compte de tous ceux qui pourraient participer au renforcement du leadership à Bamako, qu’ils soient issus de la classe politique, de la société civile ou de l’armée.
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Propos recueillis à Addis-Abeba par Anne Kappes-Grangé
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