Tunisie : le « consensus », maître mot au congrès d’Ennahdha
Les ténors d’Ennahdha, parti islamiste au pouvoir, ont appelé au consensus lors d’un congrès historique, le 12 juillet.
Le discours se veut conciliateur, alors que l’opposition laïque craint une dérive autoritaire d’Ennahdha, mouvement politique islamiste qui se dit pourtant modéré. « Ce congrès est celui de l’union du peuple tunisien. Nous sommes un peuple uni », a ainsi déclaré le chef du parti, Rached Ghannouchi, devant une vaste foule de partisans.
« Je veux rassurer le peuple, le pays est entre de bonnes mains », a ajouté le leader historique du premier parti islamiste tunisien, lors de l’ouverture du congrès de son parti, qui se tient jusqu’à dimanche dans la banlieue de Tunis.
Faisant référence aux tensions entre Ennahdha et deux partis du centre gauche, le Congrès pour la république et Ettakatol, Rached Ghannouchi a également indiqué que les crises secouant la Tunisie et la coalition au pouvoir étaient « normales » après une révolution.
De son côté, Mustapha Ben Jaafar, président de l’assemblée nationale constituante a pour sa part appelé à combattre toute forme de dictature, notamment celle fondée sur le religieux. « Il faut affronter la dictature qu’elle soit au nom de la religion ou de la modernité » a-t-il ainsi expliqué avant de préciser : « notre réussite est liée à notre capacité à préserver l’esprit de consensus. » Le chef du parti d’Ettakatol a également appelé à « un régime républicain civil pour instaurer un état moderne qui préserve l’identité du peuple arabo-musulman. »
Le Premier ministre Hamadi Jabali, issu d’Ennahdha, a lui aussi promis un « engagement pour la démocratie et les droits de l’homme », avant d’estimer qu’il fallait « renforcer le critère civique (d’Ennahdha) et son attachement à la liberté, aux acquis de la société et à la défense de l’identité et de la référence islamique. »
Ennahdha dans le viseur
Des discours qui n’empêchent pas l’opposition de craindre une dérive autoritaire du premier parti islamiste de Tunisie, surtout après la décision du gouvernement d’extrader l’ancien Premier ministre libyen al-Baghdadi al-Mahmoudi, malgré l’opposition du président Moncef Marzouki. Le gouvernement a également été accusé par l’instance en charge de la réforme du secteur des médias « d’user d’outils de désinformation et de censure.» Enfin, Ennahda a aussi été critiqué pour son manque de fermeté à l’égard de la mouvance salafiste, responsable de plusieurs coups d’éclats lors de ces derniers mois.
Toujours est-il qu’Ennahda reste la principale force politique du pays, après avoir été réprimé pendant plusieurs années par le dictateur déchu Zine el Abidine Ben Ali. Le parti s’attendait à recevoir entre 25 000 et 30 000 participants lors de ce qui peut être vu comme le premier congrès public organisé depuis 1988.
Vendredi et Samedi, les quelques mille délégués doivent débattre de motions dont le contenu n’a pas encore été transmis à la presse. Dimanche, ils se prononceront sur ces textes qui détermineront la stratégie politique du parti, sa position sur ses alliances, son orientation sur les questions de société et sur l’organisation interne du parti. Un défi se pose cependant au congrès : il devra concilier les positions des modérés et des radicaux qui font partie d’Ennahda.
Les délégués seront également chargés d’élire la nouvelle direction du mouvement, qui, sauf surprise, devrait garder Ghannouchi à sa tête.
Des invités de marque sont par ailleurs présents au Congrès, comme le chef du mouvement islamiste palestinien Khaled Mechaal, chaleureusement accueilli par le slogan « Le peuple veut libérer la Palestine. » Les militants ont aussi lancé des appels au départ du président Bachar al-Assad, criant "Bachar, dégage" en soutien à la révolte réprimée dans le sang en Syrie.
(Avec AFP)
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