Mohamed Mahmoud Ould Jaafar : « L’opposition souffre aujourd’hui d’un réel manque de popularité! »
Mohamed Mahmoud Ould Jaafar est le secrétaire exécutif chargé des affaires politiques de l’Union pour la République (UPR). Installé dans son bureau, au siège du parti présidentiel, il a accepté de recevoir « Jeune Afrique » pour commenter la profonde crise politique que traverse la Mauritanie.
Entre Mohamed Ould Abdelaziz et son opposition, le dialogue est rompu. Alors que depuis quelques mois, ils sont nombreux à contester le chef de l’État mauritanien, la Coordination de l’opposition démocratique (COD) en a profité pour passer à la vitesse supérieure en exigeant son départ du pouvoir. La tenue des élections législatives et municipales, prévues en novembre 2011 et reportées sine die, est la seule solution à la crise politique. Mais à peine nommée, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) est déjà vivement contestée….
Jeune Afrique : La Ceni vient d’être désignée. Les élections législatives et municipales en Mauritanie vont-elles pouvoir se tenir d’ici à la fin de l’année ?
Mohamed Mahmoud Ould Jaafar : Nous le souhaitons vivement. Plus tôt une date sera fixée, mieux ce sera. Cette instance, qui a vocation à piloter l’ensemble du processus électoral, résulte des réformes engagées à l’issue du Dialogue national scellé en octobre 2011. Aussi, elle est de nature à rassurer l’ensemble des acteurs politiques quant à la fiabilité des élections dans notre pays.
Nous vivons dans un pays où l’ensemble des institutions fonctionne normalement.
Mais la Ceni est vivement contestée par la Coordination de l’opposition démocratique (COD), qui réclame le départ du chef de l’État Mohamed Ould Abdelaziz.
Premièrement, quand on se dit démocratique, cela suppose un minimum de fidélité à ce principe. Or, la COD le trahit en appelant à la destitution du pouvoir par des procédés illégaux. Nous considérons que cela est d’autant plus inapproprié que nous vivons dans un pays où l’ensemble des institutions fonctionne normalement. Ensuite, outre la création d’une Ceni, le Dialogue national a permis d’engager des réformes telles que l’augmentation du nombre de sièges à l’Assemblée nationale [de 95 à 146 NDLR.] et la refonte du code électoral. Les conditions pour une alternance pacifique étant réunies, cela devrait encourager les acteurs politiques à prendre part aux élections. Mais l’opposition préfère s’en désintéresser.
Êtes-vous surpris ?
Non. Malheureusement, l’expérience démocratique mauritanienne a toujours souffert du rôle négatif joué par l’opposition. Quand des élections sont organisées, soit elle refuse d’y prendre part, soit elle en conteste les résultats. Elle participe à presque toutes les présidentielles mais dès qu’il s’agit de scrutins locaux, qui concernent la vie de la nation, elle boycotte. Soyons un peu franc. L’opposition souffre aujourd’hui d’un réel manque de popularité ! Lors de la dernière présidentielle, elle a pu réunir à peine 24% des voix.
Justement, l’opposition a dénoncé des irrégularités dans le scrutin de juillet 2009.
Il est vrai qu’au début, elle a contesté les résultats. Mais les leaders de l’opposition ont quand même fini par les reconnaître ! Maintenant, ils demandent la destitution du régime. Vraiment, il est très difficile de les suivre.
Comment analysez-vous les différents mouvements de contestation dans le pays, qu’il s’agisse des Négro-mauritaniens, des anti-esclavagistes ou des jeunes ?
Qu’il y ait des manifestations témoigne de l’ancrage de la démocratie et des libertés dans notre pays. D’ailleurs, nous n’avons aucun prisonnier d’opinion et aucun acteur politique n’a jamais été inquiété, ni pour ses propos, ni pour son comportement.
L’expérience démocratique mauritanienne a toujours souffert du rôle négatif joué par l’opposition.
Mohamed Lemine Ould Dadde, l’ex-commissaire aux droits de l’homme, a notamment été condamné à 3 ans de prison pour détournement de fonds publics. Or, les organisations des droits de l’homme s’insurgent contre ce qu’elles considèrent être un procès politique.
L’UPR n’a pas vocation à commenter les décisions judiciaires. Mais, je peux dire que nous menons une lutte acharnée contre la gabegie. Quiconque, y compris au sein de nos rangs, s’amuse à recourir à de telles pratiques, doit répondre de ses actes.
Jamais un président mauritanien n’a été aussi contesté que Mohamed Ould Abdelaziz…
De par notre appartenance culturelle, historique et géographique au monde arabe, nous aurions tort de prétendre que nous ne sommes pas concernés par l’agitation qui le secoue. Mais, si la Mauritanie a été épargnée par ce phénomène, c’est d’abord parce que le Printemps arabe est l’expression d’un manque de liberté et de démocratie. Or le régime actuel a été porté au pouvoir en 2009, dans le respect des échéances électorales. Sans compter que les élans de soutien qui accompagnent le chef de l’État pendant ses déplacements ne se sont jamais essoufflés. Si une poignée de personnes s’agite, la majorité des mauritaniens lui sont fidèles.
Le fort taux de chômage alimente aussi la grogne sociale. Quelles mesures ont été prises pour y remédier ?
Ce fort taux de chômage s’explique en partie par l’inadéquation de notre système éducatif avec les besoins du marché. On trouve difficilement un ingénieur ou un technicien au chômage, contrairement aux littéraires ou aux philosophes. Aujourd’hui, des réformes structurelles ont été engagées et nous privilégions l’enseignement professionnel en favorisant l’accès aux filières scientifiques. Et, les efforts entrepris contre la pauvreté contribuent à la lutte contre le chômage. Pour la première fois, le PNB mauritanien a enregistré une croissance de plus de 30% par habitant. Le président de la République a réalisé 60% des engagements pris lors de la campagne présidentielle… L’histoire se chargera de juger l’opposition.
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Propos recueillis à Nouakchott par Justine Spiegel
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