Rumeurs, racisme et clichés… les dérangeantes suggestions de Google
Google a récemment fait le ménage dans son algorithme de suggestions de recherche, en supprimant des mots-clés injurieux ou à connotation sexuelle. En revanche, malgré le succès d’une médiation judiciaire en France, les suggestions racistes et les rumeurs sur les personalités publiques sont toujours d’actualité.
Depuis 2008, le moteur de recherche Google assiste les internautes dans leurs requêtes en leur suggérant automatiquement des formules. Ce service, baptisé Google suggest, est basé sur un algorithme (« Autocomplete ») qui prend en compte la popularité des requêtes des internautes. Autrement dit, plus un mot clé, ou une expression, est saisi, plus il va être suggéré aux internautes. Si ce service est très utile pour trouver la piscine municipale la plus proche de chez soi ou la billetterie en ligne de telle ou telle franchise de cinéma, Google suggest est aussi un étrange indicateur des rumeurs quand on l’utilise pour « googler » le nom de personnages publics. Qui n’en fait pas l’expérience quotidienne ?
Mais ces derniers mois, en France, le sujet fait polémique. Des associations antiracistes se sont aperçues que les internautes français semblaient faire une fixation sur la judéité avérée ou supposée de toute personne ayant accès à la notoriété publique, donnant par la même occasion naissance à une sorte d’immense « fichier » de recensement qui pourrait tomber sous le coup de la loi. Le nom propre de nombreuses personnalités était associé systématiquement au mot clé « juif » dans le moteur de recherche. Les dites associations – SOS racisme, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), J’accuse !, le Mouvement pour le rapprochement et l’amitié entre les peuples (MRAP), la Licra et Mémoire 2000 – ont alors décidé de prendre le taureau Google par les cornes et l’ont assigné en justice pour que les occurrences « douteuses » ne soient plus suggérées.
À l’issue de la première audience du 23 mai au tribunal de grande instance de Paris, la juge des référés, Martine Provost-Lopin, a donné jusqu’au 27 juin aux deux parties pour s’accorder. Quelques jours après cette date butoir, une annonce est faite dans la presse, un accord – ultra confidentiel – a été trouvé. Fin de l’épisode judiciaire.
Mission impossible ?
Doit-on être satisfait pour autant ? Pas si sûr. En pianotant sur Google, on constate en effet que le ménage a été fait, voire un peu plus que de raison. Comme le démontrait récemment un article publié sur Slate.fr, si le moteur de recherche ne vous propose plus des mots clés comme les indémodables « merde », « fesses » ou « pute », il ne vous proposera plus les mots comme « Maman », « Lolita » ou encore « homosexuel ». Et on se demande bien pourquoi.
Et, plus surprenant encore, il semblerait même qu’on soit revenu au point de départ. Sur Google, on – les internautes – se demande toujours si « François Hollande est juif »* :
Et que dire des résultats d’occurrences associés aux requêtes comprenant une expression avec des termes relatifs à la religion ou à la couleur de peau ? Les captures d’écran qui suivent parlent d’elles-mêmes :
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Seules les requêtes concernant les bouddhistes semblent refléter une curiosité moins suspecte.
Même constat concernant les suggestions relatives à la couleur de peau ou à la provenance géographique…
Dans les expressions contenant les mots-clés "Afrique" et "africains", les dérapages algorithmiques sont légions…
…on notera au passage la persévérance dans la mémoire numérique du « discours de Dakar » de Nicolas Sarkozy.
En revanche, Google semble être parvenu à bloquer complètement les suggestions relatives aux expressions comprenant le terme « arabes ».
Alors, Google peine-t-il à maîtriser totalement son algorithme tant la France est raciste et antisémite ? Toute opération de nettoyage serait-elle vaine en raison du volume des requêtes ? Maître Lagarde, avocat des associations françaises qui ont assigné Google en justice, n’y croit pas. Selon lui, au lendemain de l’annonce du succès de la médiation judiciaire, et du nettoyage opéré par Google dans son algorithme, « le moteur ne suggérait plus « François Hollande est juif » mais « François Hollande est Juf »». « Je n’ai pas de preuves, mais je pense que tout cela est le fait de petits malins qui instrumentalisent le moteur de recherche pour diffuser une idéologie nauséabonde. C’est très grave, car cela détruit tout un travail d’éducation fait en France pour rapprocher les gens. Ce qui m’intéresse, c’est donc de remédier à cela. Si on n’agit pas, c’est la Radio des mille collines », conclut-il.
Et en Afrique, qu’en est-il ?
À en croire les suggestions de Google, sur le continent, les internautes sont moins passionnés par la confession religieuse des dirigeants. En revanche, l’appartenance à un ordre maçonnique passionne…
… comme la situation conjugale et la santé…
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Ce n’est pas un dirigeant africain, mais le cas de Barack Obama est peut-être le plus emblématique de la gravité et, à la fois, de l’absurdité de l’affaire :
C’est d’ailleurs aux États-Unis que se pose la question de « la neutralité de la recherche » de Google. L’idée qu’un groupe d’experts puisse accéder à l’algorithme afin d’en garantir la neutralité, ferait son chemin.
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* captures effectuées le 17 juillet 2012
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