Israël : pour Tsahal, chaque enfant palestinien est-il un terroriste en puissance ?

Alors que le dossier palestinien n’en finit plus d’agiter l’ONU et la communauté internationale, un rapport du ministère anglais des Affaires étrangères épingle Israël sur les conditions de détention et d’arrestation des jeunes de Cisjordanie. Dans ce territoire sous juridiction militaire, selon le document, chaque enfant palestinien serait un ennemi en puissance aux yeux l’armée israélienne.

Un enfant palestinien arrêté par l’armée israélienne à Beit Omar, en Cisjordanie. © Reuters

Un enfant palestinien arrêté par l’armée israélienne à Beit Omar, en Cisjordanie. © Reuters

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Publié le 5 juillet 2012 Lecture : 4 minutes.

« Tous les enfants palestiniens sont traités comme des terroristes potentiels ». C’est ce qu’indique un rapport, soutenu par le Foreign Office britannique et réalisé par une délégation de juristes indépendants. Publié le 26 juin, celui-ci détaille le traitement des enfants palestiniens par l’administration militaire qui pèse en Cisjordanie.

Selon le rapport, intitulé « Children in Military Custody », une chose saute aux yeux : Tsahal ne s’embarrasse que peu avec le droit des enfants. En particulier avec la Convention des Nations Unies sur les Droits de l’Enfant, interdisant les traitements cruels, inhumains et dégradants, que Tel Aviv a pourtant signée en 1991.

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De fait, dès douze ans – âge de responsabilité pénale en Cisjordanie -, un enfant peut être arrêté. Selon le ministère israélien de la Justice, environ 45% des interpellations dans ce territoire concernent des suspects de moins de 16 ans en 2011. Dans des conditions, relate le document, souvent violentes. La grande majorité des opérations a ainsi lieu en pleine nuit, au domicile des parents. Pour « raisons de sécurité », expliquent les autorités.

Contrairement à leurs « camarades » de nationalité israélienne, les Palestiniens sont soumis à la législation militaire.

Sans avocat pendant 90 jours

Menottés, les mains dans le dos, les enfants seraient alors souvent jetés à l’arrière d’un camion et emmenés en détention, où leur séjour peut durer plusieurs mois. En effet, contrairement à leurs « camarades » de nationalité israélienne, les Palestiniens sont soumis à la législation militaire. À ce titre, ils ont droit à un sévère « traitement de faveur » (voir tableau ci-dessous) et peuvent être détenus 90 jours sans avoir accès à un avocat, et même 188 jours sans avoir connaissance des charges retenues contre eux. Enfin, lorsque celles-ci leur ont été notifiées, ils peuvent encore passer deux ans en prison avant que leur procès ne soit clôt.


Source : Rapport "Children in Military Custody", juin 2012

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La convention internationale des droits de l’enfant est pourtant claire : « Les enfants [âgés de moins de 18 ans selon les législations en vigueur en Palestine comme en Israël, NDLR] privés de liberté ont le droit d’avoir rapidement accès à l’assistance juridique (…), ainsi que le droit de contester la légalité de leur privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente, indépendante et impartiale, et à ce qu’une décision rapide soit prise en la matière. » Évidemment, toute l’affaire tourne autour de l’interprétation de la notion de « rapidité » inscrite dans les textes internationaux… Mais ce n’est pas tout.

"Maltraités verbalement et physiquement"

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Durant leur séjour dans les prisons de Cisjordanie, bon nombre de ces enfants palestiniens seraient victimes d’injures verbales, voire de violences physiques. Selon l’ONG « Defence for Children International », 69% des enfants interrogés témoignent de techniques d’interrogatoires dites « coercitives » et 38% rapportent des violences physiques ou verbales.

« Quel ne fut pas notre choc d’assister à une audition préliminaire dans un tribunal militaire israélien, où un très jeune enfant fut amené revêtu d’un uniforme marron et enchaîné aux pieds », raconte Me Greg Davies, un des auteurs du rapport. « En détention, ils sont privés de sommeil, et maltraités verbalement et physiquement, contraints de signer des aveux qu’ils ne peuvent même pas lire », car écrits en hébreu, précisent les auteurs dur apport, qui indiquent toutefois que le ministère de la Justice israélienne a réfuté ces accusations.

Chaque année, les prisons israéliennes de Cisjordanie enfermeraient ainsi entre 500 et 700 enfants palestiniens. Toujours selon « Defence for Children International », une peine d’emprisonnement aurait été prononcée en 2009 dans 83% des cas. La peine maximale encourue pour un jet de pierre vers une personne étant de 10 ans d’emprisonnement, mais 20 ans si un « véhicule » est directement visé.

C’est la faute de l’Autorité palestinienne.

Amir Ofek, Porte-parole de l’ambassade d’lsraël à Londres

Des peines pour « acte terroriste » qui paraissent disproportionnées, aux yeux des auteurs du rapport. Qui notent que le régime israélien affirme cependant avoir apporté certaines améliorations à la condition judiciaire des enfants, comme la création en 2009 d’une Cour spéciale pour eux, alors qu’ils étaient auparavant jugés par un tribunal « pour adultes ».

Mais le discours de l’État hébreux reste martial. Le porte-parole de l’ambassade d’lsraël à Londres, Amir Ofek, a même livré une réaction en forme d’aveu, dès le lendemain de la publication du rapport, le 27 juin. « C’est la faute de l’Autorité palestinienne qui n’est pas capable d’empêcher ces enfants de commettre des délits », a-t-il déclaré. Et de conclure : « Cela nous oblige à agir de la sorte ».

Pression sur Tel-Aviv

Le rapport  « Children in Military Custody », bien qu’indépendant, a reçu le soutien du gouvernement britannique. « Une équipe d’avocats indépendants, intéressés par les droits de l’enfant, a d’abord monté le projet puis a approché le Foreign Office pour obtenir des financements », explique ainsi Bea Randall, coordinatrice du groupe.

Rédigé après une visite en Cisjordanie en septembre 2011, le document intervenait dans un contexte défavorable pour l’État israélien, l’ONU se penchant au même moment sur la possibilité de donner à la Palestine un statut d’État à part entière. Une période d’intense activité diplomatique durant laquelle Benjamin Netanyahou a arpenté les capitales occidentales, tandis que ces dernières, en particulier les européennes, ont cherché à mettre la pression sur le régime de Tel-Aviv pour faire avancer le processus de paix.

Mais leurs efforts qui n’a pas vraiment donné de résultats spectaculaires à ce jour. Le gouvernement britannique, interrogé par le quotidien anglais The Guardian, a néanmoins déclaré être déterminé à poursuivre ses efforts. Au Parlement britannique, 34 députés, en majorité membres du Labour, ont notamment lancé une pétition, le 27 juin, afin de pousser le 10, Downing Street à accentuer ses pressions sur Tel-Aviv.

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