Cédric Kanté : « Le Mali est revenu vingt ans en arrière »

Cédric Kanté retrouve Sochaux et la France, après trois saisons passées au Panathinaïkos Athènes (Grèce). L’ancien capitaine des Aigles, qui s’est mis en marge de la sélection, s’inquiète beaucoup de la situation au Mali.

Cédric Kanté : « Certaines personnes n’ont pas envie que le Mali progresse ». © Franck Fife/AFP

Cédric Kanté : « Certaines personnes n’ont pas envie que le Mali progresse ». © Franck Fife/AFP

Alexis Billebault

Publié le 2 juillet 2012 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Souhaitiez-vous terminer votre carrière en France ?

Cédric Kanté : Ce n’était pas forcément une priorité. Je suis né à Strasbourg, où j’ai joué, puis à Valence, Istres et Nice, et revenir en France faisait partie des possibilités. J’ai eu d’autres contacts, avec Toulouse et des clubs étrangers, mais c’est Sochaux qui m’a fait l’offre la plus concrète.

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Vous n’étiez plus payé en Grèce ?

Comme beaucoup de joueurs, y compris ceux du Panathinaïkos. Mon ancien club me doit encore de l’argent, mais cela va s’arranger. En Grèce, quand je suis arrivé en 2009, le pays allait bien. Puis cela s’est dégradé, et une grande partie de la population est en grande difficulté. Au quotidien, nous le ressentions dans les stades, où la fréquentation était en baisse. C’est pour cela que, par solidarité avec les gens, les joueurs acceptent plus facilement d’avoir des retards dans le versement des salaires.

Vous avez décidé après la CAN 2012 de ne plus répondre aux convocations de la sélection malienne. Votre décision est-elle définitive ?

Il y a un manque d’ambition évident au niveau de la fédération malienne et du ministère des sports.

Pas forcément, mais j’ai 33 ans, et je veux me consacrer d’abord à mon club. J’avais accepté de revenir en sélection, avec pour objectif de participer à la CAN 2012. Nous avons réalisé un parcours fantastique, en terminant à la troisième place. Dans mon esprit, tout était clair : je voulais continuer pour essayer d’aller à la Coupe du Monde au Brésil. Le problème, c’est qu’il y a un manque d’ambition évident au niveau de la fédération et du ministère des sports. Les choses fonctionnaient très bien avec Alain Giresse et son staff.

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Mais comme on a cherché à lui imposer certaines choses dans le contrat qu’on lui proposait, il est parti… Cette CAN avait donné un élan formidable à la sélection. Mais j’ai l’impression que certaines personnes n’ont pas envie que le Mali progresse. Dans ces conditions, je m’imagine mal revenir…

La situation du pays a-t-elle également pesé dans votre décision ?

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Forcément. Même si le football est secondaire par rapport à ce qui se passe sur place. J’étais loin d’imaginer que les Touaregs pourraient faire alliance avec les islamistes d’Aqmi pour s’emparer du nord du pays. Car les Touaregs ne sont pas des fondamentalistes. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) est en train de se faire doubler par ses alliés.

J’étais loin d’imaginer que les Touaregs pourraient faire alliance avec les islamistes d’Aqmi pour s’emparer du nord du pays.

Le Mali était un pays relativement stable, avec une démocratie qui fonctionnait. Aujourd’hui, le pays est coupé est deux, et rien ne se passe. L’armée est dépassée, et je pense qu’ une intervention militaire étrangère est nécessaire.

La Cedeao semble se diriger vers cette issue…

Cela fait longtemps qu’il en est question. Mais quand ? Car cette situation ne peut pas durer. Les Maliens sont pour la plupart musulmans, mais ce sont des musulmans qui aiment la musique et s’amuser. Les populations civiles du nord ne veulent pas de la charia. Si rien n’est fait, nous nous dirigeons vers une situation comparable à celle du nord du Nigeria, où des islamistes ont imposé la charia.

Cette intervention militaire doit-elle selon vous se limiter à une seule coalition africaine ?

Je ne pense pas que les Européens ou les Américains aient envie de s’impliquer directement dans une intervention. Ils seront sans doute présents d’une autre manière… Mais il faudrait qu’un jour, les Africains parviennent à régler eux-mêmes leurs problèmes. Je pensais que l’intervention française en Côte d’Ivoire en 2011 serait la dernière d’un pays occidental. À mon avis, il y en aura d’autres…

Le sud du Mali est-il menacé ?

Je ne le pense pas. Mais on se demande qui gouverne vraiment dans ce pays. Quand je vois que Dionconda Traoré, le président par intérim, a été pris en otage au palais présidentiel par quelques militaires venus à pied (voir ici la vidéo exclusive de l’agression), il y a de quoi s’interroger… Le Mali ne donne pas une bonne image. Il est revenu vingt ans en arrière…

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Propos recueillis par Alexis Billebault

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