Mali : le styliste touareg Alphadi dénonce la charia des islamistes à Tombouctou

Le Touareg Alphadi, styliste de mode le plus célèbre du Sahel, était présent à la semaine de la mode à Dakar, où ont défilé ses mannequins. L’occasion pour lui de dénoncer l’instauration de la charia par Ansar Eddine et Aqmi à Tombouctou, sa ville natale.

Le créateur nigérien d’origine malienne Alphadi est applaudi à la fin de son défilé le 13 juin. © AFP

Le créateur nigérien d’origine malienne Alphadi est applaudi à la fin de son défilé le 13 juin. © AFP

Publié le 20 juin 2012 Lecture : 2 minutes.

Les bras nus et les tuniques légères de Sidahmed Seidnaly, alias Alphadi, sont aux antipodes des codes vestimentaires imposés depuis près de trois mois à Tombouctou. Le styliste le plus réputé du Sahel ne parvient pas à se faire à l’idée que sa ville d’origine, « perle du désert » malien, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, soit plongée dans l’obscurantisme le plus primaire. Les islamistes d’Ansar Eddine et les combattants d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) y ont contraint l’armée malienne à la retraite et y imposent depuis la charia aux habitants qui n’ont pu fuir.

"Tombouctou a toujours été une ville laïque"

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Outré, Alphadi exhibe, à l’occasion de la 10e édition de la semaine de la mode de Dakar, une collection scintillante aux couleurs vives qui prend des allures de pied-de-nez aux codes rigoureux de la charia des islamistes. « C’est bien ça l’idée ! », rit le styliste de 55 ans, qui se dit choqué par la situation à Tombouctou. « Tombouctou a toujours été une ville laïque, tout le monde y vivant ensemble, Noirs et Blancs, une ville mystérieuse, très cosmopolite », ajoute-t-il.

Ancien haut-lieu touristique du Mali, grand centre intellectuel et commercial d’Afrique, Tombouctou est aujourd’hui une ville désertée, où les femmes ne portant pas le voile risquent le fouet, monnaie courante pour tout écart à la loi islamique. Alcool et tabac sont proscrits, les bars ont été fermés et incendiés. 

Beaucoup ont choisi de fuir la ville. Quelque 41 000 Maliens ont ainsi trouvé refuge au Niger depuis le début de la crise dans le nord de leur pays, il y a six mois. Alphadi s’appuie sur sa popularité pour lever des fonds et leur venir en aide. Il a ainsi recueilli quelque 50 millions de francs CFA (76 000 euros) lors d’un téléthon organisé à Niamey, somme qu’il remettra mercredi au Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR). Côté podium, l’engagement du styliste s’est manifesté à travers la tenue qu’il a choisi de porter, aux couleurs du drapeau malien, pour montrer son attachement au pays, qu’il n’oublie pas.

"Sortir notre pays des griffes des islamistes"

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Alphadi n’était pas seul à militer par son art. Mariah Bocoum, autre styliste malienne présente à Dakar, a vécu avec ses enfants le coup d’État militaire du 22 mars à Bamako qui a renversé le régime du président Amadou Toumani Touré et précipité la chute du nord du pays aux mains des groupes armés, islamistes et rebelles touaregs.

Ces tragiques événements lui ont inspiré une mini-collection de cinq modèles : deux avec bérets et ceintures verts et rouges, couleurs des soldats mutins et loyalistes qui se sont battus lors du coup d’État et après, les trois autres représentant « la population malienne comme j’aimerais la voir, pleine de couleurs qui expriment la joie, bleu, vert, orange, jaune ».

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« C’est une invitation à se débarrasser de cette haine entre nous », explique-t-elle, « bérets verts contre bérets rouges, des Touaregs (du Nord) contre les habitants du Sud et vice-versa. Mon rêve est de voir les Maliens main dans la main, pour sortir notre pays des griffes des islamistes ».

(avec AFP)
 

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