Kenya : alerte aux lions à Nairobi

À proximité du Parc national de Nairobi, les incursions de lions dans certains quartiers de la capitale kenyane se font plus fréquentes. Signe d’une urbanisation galopante, et du manque de moyens des autorités municipales.

Avertissement concernant la présence de lions à l’entrée d’une zone résidentielle de Karen. © AFP

Avertissement concernant la présence de lions à l’entrée d’une zone résidentielle de Karen. © AFP

Publié le 19 juin 2012 Lecture : 3 minutes.

À sept km des quartiers d’affaire de la capitale kenyane, la faune du Parc national de Nairobi reprend ses droits. Une simple clôture sépare la capitale de cette vaste étendue sauvage de 117 kilomètres carrés où imposants félins, buffles ou rhinocéros vagabondent librement, offrant parfois un spectacle surprenant, comme celui de girafes arpentant une vaste savane avec des gratte-ciel en arrière-plan (photo ci-dessous, © AFP).

Mais cette fois, les lions étendent leurs droits jusqu’aux quartiers résidentiels, suscitant l’inquiétude des habitants. « Les incursions de plus en plus fréquentes (de lions dans la ville) font augmenter le risque » d’attaques contre des humains, même si elles n’ont visé jusqu’ici que des chiens, explique Francis Gakuya, vétérinaire en chef du Service kényan de la faune (KWS), à son siège de Nairobi.

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Une lionne repérée récemment dans la banlieue cossue de Karen avec sa progéniture a dû être abattue par les garde-forestiers du KWS, qui n’ont pas eu le temps de l’anesthésier avant qu’elle ne les attaque. En mai, une autre lionne avait été capturée dans Karen, mais a depuis réussi à s’échapper et a sans doute rejoint le Parc.Une girafe du Nairobi National Park, à 7 km de la capitale kenyane, le 8 juin 2012.

"Tapis dans les herbes hautes, prêts à bondir"

Anecdote de l’Histoire, ce quartier était déjà un lieu de passage improvisé pour les prédateurs au début du XXe siècle : dans sa célèbre autobiographie « La Ferme africaine », l’écrivain danoise Karen Blixen évoque léopards et lions qui rôdent dans la plantation de café qu’elle exploite entre 1914 et 1931 au pied des Ngong Hills, près de Nairobi, alors bourgade de quelques dizaines de milliers d’âmes.

Le KWS a récemment appelé les habitants des quartiers qui le jouxtent à la vigilance « car il est possible que plus d’un lion soit sorti du Parc ». Et les félins ne se sont jusqu’ici pas laissé prendre au piège des cages à appâts. « Les lions peuvent se cacher au point d’être invisibles dans les herbes hautes. C’est effrayant de penser qu’ils peuvent être tapis à proximité, prêts à bondir », s’inquiète Mary Okello, qui vit non loin de l’endroit où des lions ont récemment été capturés.

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La raison de cette présence inquiétante et pour le moins indésirable ? Excepté côté ville, le Parc est totalement ouvert, permettant la migration annuelle des animaux sauvages. Zèbres et gnous migrent traditionnellement hors du Parc par des itinéraires informels, suivis par les félins carnivores en quête de proies, mais l’urbanisation galopante rapproche la ville et les hommes de ces routes.

Inégalités criantes

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« Certains animaux ne trouvent plus leur chemin et s’égarent », s’inquiète également Nicholas Oguge, président de la Société d’Ecologie pour l’Afrique de l’Est, une ONG, qui souligne la « nécessité urgente » d’une politique foncière.

« Si l’on ne met pas en place des couloirs formels pour les animaux sauvages, le Parc national de Nairobi va devenir une île, un énorme zoo fermé », prévient M. Oguge, également professeur à l’Université de Nairobi.

Selon les défenseurs de la nature, la protection de la faune sauvage ne fait pas partie des priorités de la municipalité, confrontée aux inégalités criantes d’une ville où se côtoient villas cossues et bidonvilles sordides et dont infrastructures et services publics sont dépassés par la croissance démographique.

Lions décimés

À travers l’Afrique, les lions ont perdu plus de 80% de leurs territoires historiques et « le Parc national de Nairobi est une image en réduction de ce qui ce passe ailleurs », regrette Luke Hunter, président du groupe Panthera de protection des félins sauvages.« Dans les zones protégées, les lions se portent bien (…) mais ailleurs ils sont décimés », ajoute-t-il.

Les responsables de KWS et d’autres organisations de protection de l’environnement travaillent à l’établissement de couloirs protégés pour la faune sauvage, notamment en référençant les principaux itinéraires suivis. « La difficulté est que toute la terre au sud de Nairobi appartient à des gens », explique Paul Mbugua, le vice-directeur de KWS.

Outre qu’elle est très chère, la terre au Kenya est une question hautement politique. Le sujet a été un important facteur des violences post-électorales de 2007 et créer des couloirs protégés est plus compliqué que de simplement tracer une ligne sur une carte.

« Les lions respectent et craignent les hommes et cherchent à s’en écarter », rappelle M. Hunter, mais « avec l’urbanisation de zones importantes pour les lions, les humains et les lions vont se mélanger de plus en plus (…) et de ce mélange, le lion sort inévitablement perdant ».

(avec AFP)
 

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