Présidentielle égyptienne : résultats incertains, l’armée entend garder le pouvoir

Alors que les résultats de la présidentielle se font attendre – même si la balance semble pencher du côté du candidat des Frères musulmans -, de nouvelles manifestations sont attendues au Caire. Objectif des militants pro-démocratie : dénoncer la volonté de l’armée égyptienne de conserver le pouvoir législatif et de contrôler le processus constitutionnel.

Des résultats provisoires donnent les Frères musulmans vainqueurs de la présidentielle. © AFP

Des résultats provisoires donnent les Frères musulmans vainqueurs de la présidentielle. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 19 juin 2012 Lecture : 3 minutes.

Ce n’est que jeudi que les résultats officiels de la présidentielle égyptienne seront annoncés par la Commission électorale. En attendant, le candidat des Frères musulmans, Mohamed Morsi, a revendiqué la victoire, lundi, ce que lui a aussitôt contesté son rival Ahmed Chafiq, ancien chef d’état-major de l’armée et dernier Premier ministre de Hosni Moubarak. Ce dernier accuse Morsi de vouloir « voler » la présidence, et assure être en possession de résultats provisoire lui donnant 51 à 52% des voix.

« C’est un acte de piraterie de revendiquer une victoire en utilisant des chiffres totalement faux », a fustigé Ahmad Sarhan, un responsable de la campagne de Chafiq. Mais les chiffres avancés par les Frères musulmans le sont aussi par des médias gouvernementaux. La télévision d’État a annoncé un score provisoire de 52% des voix pour Morsi contre 48% pour Chafiq. Et le site internet du quotidien gouvernemental al-Ahram donne lui aussi une courte avance aux Frères musulmans, avec 51% des suffrages.

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Proche de Hosni Moubarak, Ahmed Chafiq est considéré comme le candidat de l’armée.

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Verrous institutionnels

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Si la victoire des islamistes était confirmée, ce serait une première dans l’Égypte moderne. Mais le nouveau président n’aurait encore que très peu de pouvoir. Peu avant la fermeture des bureaux de vote, dimanche, l’armée a confirmé qu’elle ne rendrait le pouvoir aux civils qu’au compte goutte. Si elle entend bien remettre l’exécutif aux mains du nouveau président, elle garde en revanche le pouvoir législatif sous sa coupe, ainsi que d’autre verrous institutionnels, au nom de « l’équilibre des pouvoirs ».

L’armée conserve un droit de veto sur tout article de la future Constitution qu’il estimerait "contraire aux intérêts suprêmes du pays".

De fait, dans une « Déclaration constitutionnelle amendée », le Conseil suprême des forces armées (CSFA) stipule qu’il garde la haute main sur « tout ce qui relève des forces armées » et possède un droit de veto sur tout article de la future Constitution qu’il estimerait « contraire aux intérêts suprêmes du pays ». Le CSFA annonce en outre qu’il exerce le pouvoir législatif jusqu’à l’élection d’une nouvelle Assemblée du peuple, la chambre des députés dominée par les Frères musulmans ayant été dissoute en application d’un arrêt de la Haute cour constitutionnelle pour un vice juridique dans la loi électorale.

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Le candidat des frères musulmans, Mohamed Morsi, réfute la dissolution de l’Assemblée populaire.

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"Coup constitutionnel"

Une décision à laquelle se sont vivement opposés les Frères musulmans qui ont affirmé que l’Assemblée du peuple restait valide, le Conseil militaire « n’ayant pas le pouvoir de la dissoudre ». La confrérie a en outre annoncé qu’elle participerait aux manifestations prévues  à partir de mardi pour contrer « le coup constitutionnel ». Les États-Unis se sont dits lundi « profondément inquiets » des prérogatives que la junte s’est attribuées. Washington attend du CSFA qu’il transfère « l’intégralité du pouvoir à un gouvernement civil démocratiquement élu, comme le CSFA l’avait auparavant annoncé », a déclaré le porte-parole du ministère américain de la Défense, George Little.

Seule avancée notable pour l’élaboration de la prochaine Constitution : un juge respecté, Hossam al-Ghariani, a été désigné lundi à la tête de la commission chargée de rédiger le texte fondamental lors de la première réunion de celle-ci. Mais l’avenir de ladite commission semble compromis après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée du peuple.

(Avec AFP)

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