Législatives françaises : 2012, année de la « diversité » ?
UMP, PS, extrême gauche, centristes, écologistes… L’ensemble des partis républicains français présentent des candidats issus de la « diversité » aux élections législatives qui se dérouleront les 10 et 17 juin. Objectif : que l’Assemblée nationale reflète enfin toutes les couleurs de la France.
Législatives françaises : 2012, l’année de la diversité ?
L’entrée au gouvernement de plusieurs représentants de la « diversité » va-t-elle déteindre sur les élections législatives françaises qui se dérouleront les 10 et 17 juin ? Attendu par certains, redouté par d’autres mais dans tous les cas nécessaire, le métissage du Palais Bourbon aura-t-il lieu en 2012 ?
Car c’est peu dire que l’Assemblée nationale reflète peu les couleurs de l’Hexagone : elle ne compte aujourd’hui presque aucun élu d’origine maghrébine ou africaine. Lors des dernières législatives, 15 personnalités noires ou métisses ont été élues dans les circonscriptions d’Outre-mer, et une seule en métropole. Il s’agissait de l’Antillaise George Pau-Langevin, aujourd’hui ministre déléguée chargée de la réussite éducative. En 2007 pourtant, un nombre important de candidats issu de la « diversité » avaient été investis : 17 au Parti socialiste (PS), 15 à l’Union de la majorité présidentielle (UMP, aujourd’hui Union pour un mouvement populaire), 28 au MoDem et plus de 70 au Parti communiste français (PCF). Mais cette volonté de renouveau s’était notamment heurté à la sanction anti-parachutage.
C’est à gauche et chez les écologistes que les candidats de la « diversité » sont les plus représentés avec une cinquantaine d’investitures.
« Quand on voit des générations entières de personnes qui sont issues entre autres des immigrations maghrébines ou africaines qui (…) ont des parcours militants extrêmement longs ou des engagements politiques sur la longue durée, il était anormal d’être dans une situation dans laquelle l’Assemblée nationale de fait, excluait une partie de la population », s’est insurgé Dominique Sopo, président de SOS Racisme, le 25 mai dernier sur RFI.
En 2012, l’ensemble des partis républicains, de droite comme de gauche, présentent des candidats issus des « minorités visibles ». Sans surprise, c’est à gauche et chez les écologistes (Europe Écologie Les Verts, Alliance écologique indépendante) qu’ils sont les plus représentés avec une cinquantaine d’investitures. L’UMP présente une quinzaine de candidats. De son côté, le Centre pour la France (rassemblement créé par le MoDem) annonce « 10 % de candidats issus de la diversité ».
La carte des candidats de la "diversité" aux législatives des 10 et 17 juin 2012 en France. N’y figurent que les personnalités dont l’origine est de notoriété publique, en raison de la loi française qui interdit la publication d’informations pouvant donner lieu à des "statistiques ethniques".
© J.A.
Des approches différentes
Les deux plus grands partis français ont adopté des approches différentes. Au PS, le concept de « diversité choisie » a été mis en avant. Le parti a ainsi annoncé avoir désigné 25 candidats issus de la « diversité », dont dix dans de « bonnes » circonscriptions, c’est-à-dire susceptibles d’entrer à l’Assemblée nationale. « Aujourd’hui, il n’y a qu’une seule élue, George Pau-Langevin, qui est aujourd’hui ministre. Nous aimerions arriver à au moins dix », a expliqué Martine Aubry, la première secrétaire du PS.
Lobbyisme interne
Répondant à l’évolution de la société française, la montée en puissance des candidats issus de la diversité est également la conséquence de la multiplication d’initiatives internes. Au Parti socialiste, l’impulsion est donnée à partir de 2007, sous la houlette de Ségolène Royal, fer de lance du concept de « république métissée ». Faouzi Lamdaoui et Mehdi Ouraoui sont respectivement nommés secrétaire national au Partenariat équitable et à l’Égalité et responsable national en charge de la Citoyenneté et des Nouvelles Solidarités.
Du côté de l’UMP, le « cercle de la diversité républicaine » est crée en 2005 par Hamid Hanni et Nassimah Dindar. Un des axes de travail était l’intégration des minorités dites « culturelles ». Le processus a débouché sur la nomination de plusieurs ministres issu de la diversité dans le premier gouvernement de François Fillon, mais il a été altéré par les récents choix politiques de l’UMP qui n’a pas hésité à raccoler sur les terres idéologiques de l’extrême droite.
Reste l’accueil fait par la base des militants aux choix réalisés au niveau national. Les socialistes ont par exemple « gelé » des circonscriptions réservées à des candidats de la diversité. Une stratégie qui, comme tout cas de parachutage, a posé problème. Kader Arif, dans la 10e circonscription de Haute-Garonne, est ainsi confronté à deux candidatures dissidentes (Daniel Ruffat et Gilbert Hébrard) et a été contraint de justifier son investiture devant les militants socialistes.
Plus problématiques, certains parachutages ont même eu pour cible des circonscriptions déjà occupées par des candidats issus de la « diversité ». Une pratique qui a suscité un léger malaise au sein du parti. Investi dans l’Essonne au détriment de Fatima Ogbi après un vote particulièrement serré des militants, Malek Boutih, déjà parachuté et battu en 2007, s’est attiré les foudres de celle qui était la suppléante sortante de Julien Dray, en délicatesse avec le parti. « Je n’ai jamais joué de ma "diversité" pour obtenir quelque avantage que ce soit. J’ai toujours tenu à ce qu’on me juge sur mes qualités », a fustigé Fatima Ogbi.
Le processus d’intégration des minorités dites « culturelles » à l’UMP a été altéré par la droitisation du parti.
Cas similaire dans la 4e circonscription des Hauts-de-Seine (Nanterre/Suresnes), où Yacine Djaziri, soutenu par Benoît Hamon, a écarté dans les mêmes conditions Habiba Bigdade, militante et présidente de la Ligue des droits de l’homme de ce département. « Le PS semble les considérer [les candidats issus de la diversité, NDLR] comme interchangeables (…) Le parachutage de ces socialistes nationaux d’origine contrôlée dans des circonscriptions déjà occupées par des militants locaux de la diversité montre à quel point le PS a du mal à exorciser cet inconscient colonial », a analysé le sociologue Nasser Demiati dans les colonnes du Monde.
Pas de "discrimination positive" à l’UMP
L’UMP quant à elle se défend de faire une politique particulière ou de délimiter des « circonscriptions réservées », même si au sein du parti on note que le nombre de militants issus de la « diversité » augmente d’année en année. « Ce n’est pas un choix, c’est parce qu’ils sont issus de ces circonscriptions, ils n’y sont pas parachutés », plaide l’UMP qui explique que « s’ils sont candidats, c’est parce qu’ils sont dans l’appareil politique de la circonscription et non pas parce qu’ils sont issus de la "diversité" », rapporte l’AFP.
Rarement facilitée, l’investiture de ces candidats a même parfois été entravée dans le parti de Nicolas Sarkozy. L’ancienne secrétaire d’État à la Santé, Nora Berra, entendait se présenter dans la 4e circonscription du Rhône mais c’est confrontée au refus du bureau politique de l’UMP. En cause, selon elle, ses origines algériennes. « On m’a dit clairement qu’à un certain moment, les candidats de la "diversité" risqu(aient) de démobiliser l’électorat », affirme-t-elle.
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Par Vincent Duhem, avec Olivier Bedora
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