Présidentielle égyptienne : douze candidats dans les starting-blocks…

À quelques jours seulement de l’élection présidentielle, l’Égypte peut enfin profiter d’un moment de répit. Après une intense bataille électorale, les candidats sont sommés de garder le silence. « Jeune Afrique » vous propose un petit tour d’horizon des douze candidats en lice pour le scrutin, particulièrement serré, du 23 et 24 mai.

Portraits des douze candidats à la présidentielle égyptienne. © AFP et Reuters

Portraits des douze candidats à la présidentielle égyptienne. © AFP et Reuters

Publié le 22 mai 2012 Lecture : 9 minutes.

Liste des candidats à la présidentielle égyptienne (cliquez sur un nom pour accéder directement à sa fiche)

Les caciques de l’ancien régime

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Amr Moussa, le diplomate (76 ans)

Après une carrière bien remplie dans la diplomatie, Amr Moussa aurait pu prendre sa retraite pour profiter de la vie dans sa villa cossue, située dans une des banlieues huppées de la capitale égyptienne. Mais l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe (2001-2011) et ex-ministre des Affaires étrangères (1991-2001) de Hosni Moubarak n’est pas encore déterminé à quitter la scène politique. Populaire auprès des libéraux et des classes aisées, il se veut le rempart contre les islamistes qui selon lui cherchent à monopoliser le pouvoir.

Accusé d’être un cacique de l’ancien régime, il répond, toujours très diplomate, qu’il a l’expérience d’homme d’État qui manque à ses adversaires. Et affirme avoir été nommé à la Ligue arabe justement parce qu’il était souvent en désaccord avec l’ancien dictateur égyptien, notamment en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien. Connu pour ses positions anti-israéliennes, Amr Moussa a été l’objet d’une chanson composée dans les années 1990 par le très populaire Chaaban Abdel Rahim. En tête dans la plupart des sondages d’opinion, il est considéré comme le favori de l’élection présidentielle.

(Photo ©AFP)

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Ahmed Chafiq, produit de l’ancien régime (71 ans)

Ahmed Shafiq est déterminé à gagner l’élection présidentielle. Officiellement candidat depuis décembre,  l’ancien commandant en chef de l’armée de l’air n’a suspendu sa campagne électorale que trois jours, après la mort de sa femme, le 20 avril. Ce militaire de carrière a également été ministre de l’Aviation civile. Ses détracteurs lui reconnaissent des réussites à la tête de ce ministère, qui aurait été créé spécialement pour lui, par Hosni Moubarak. Shafiq a dirigé l’impressionnante rénovation de l’aéroport du Caire, tout en faisant d’Egypt Air une des compagnies les plus importantes du continent.

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Dernier Premier ministre d’Hosni Moubarak, nommé le 29 Janvier, Ahmed Chafiq a démissionné le 3 mars, après un passage remarqué sur la chaîne de télévision ON TV : le chef du gouvernement avait perdu toute contenance face au célèbre écrivain Alaa el-Aswani, qui lui reprochait son appartenance à l’ancien régime. Depuis, il est devenu la risée des révolutionnaires, qui aiment tourner en dérision son impressionnante collection de pull-over et ses déclarations improbables. Après avoir affirmé en mars  avoir "participé à des guerres, j’ai tué et j’ai été tué", il s’est récemment dit déçu de voir la révolution réussir.

(Photo ©AFP)

Les islamistes

Mohamed Selim el-Awa, islamiste modéré, vraiment ? (70 ans)

Sur ses affiches électorales, il se définit comme un "intellectuel musulman et politique". Titulaire d’un doctorat en droit comparé de l’École des études orientales et africaines de Londres (SOAS), Mohamed Selim el-Awa est en effet l’auteur de pas moins d’une vingtaine d’ouvrages concernant la jurisprudence islamique. Son intérêt académique pour le shiisme et ses positions favorables au régime iranien ont amené certains à croire qu’il s’était converti. Une rumeur qu’il continue jusqu’à ce jour de démentir avec véhémence.

Présent place Al-Tahrir lors des 18 jours de la révolution égyptienne, Mohamed Selim el-Awa semble cependant avoir perdu son souffle révolutionnaire avec la chute de Moubarak, le 11 février. En décembre 2011, il expliquait ainsi à la presse égyptienne avoir confiance dans le Conseil suprême des forces armées, qui d’après lui avait respecté les promesses faites au peuple. Il a cessé de participer aux manifestations, sauf lorsqu’elles sont organisées par des Forces politiques islamistes. Aujourd’hui, el-Awa se veut le défenseur d’un islam modéré. Il a cependant du mal à faire oublier ses propos controversés concernant les coptes. En 2010, il avait ainsi accusé l’Église égyptienne de garder en captivité une fidèle qui souhaitait se convertir à l’Islam. Tout comme il avait affirmé que les chrétiens entreposaient des armes dans leurs lieux de culte.

(Photo ©AFP)

Mohamed Morsi, le plan B (61 ans)

Lorsqu’il se déclare candidat, début avril, Mohamed Morsi n’est que la roue de secours de l’influente confrérie des Frères musulmans, dont le candidat officiel est l’homme d’affaire Khairat el-Shater. Mais ce dernier ayant été évincé le 17 avril par la Haute commission en charge de l’organisation de l’élection présidentielle, Morsi se retrouve propulsé sur le devant de la scène.

L’ingénieur originaire de la province égyptienne de Sharqiyah, a effectué une partie de ses études aux États-Unis. À la tête du parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), organe politique des Frères musulmans, Morsi fait partie de la branche conservatrice de la confrérie. En 2007, il supervise ainsi la mise en place d’un programme politique qui refuse aux chrétiens et aux femmes le droit d’être président. Député entre 2000 et 2005, Morsi se dit en faveur d’un système parlementaire. Porteur d’un projet de "renaissance", qui vise à développer l’Égypte selon des principes islamiques, il s’est prononcé pour les privatisations et les dérégularisations économiques, dans le but de favoriser la croissance. Il appelle par ailleurs au maintien de relations "équilibrées" avec les États-Unis, affirmant que l’Égypte ne devrait pas hésiter à rompre le traité de paix qui la lie à Israël si l’Amérique venait à couper son aide économique.

(Photo ©Reuters)

Abdel Moneim Aboul Foutouh, le réformateur (61 ans)

Candidat de consensus. C’est ainsi que se voit Abdel Moneim Aboul Foutouh, qui rassemble sous sa houlette jeunesse révolutionnaire des beaux quartiers et salafistes puritains. L’ancien membre du bureau de guidance des Frères musulmans prône un Islam modéré et tolérant. Lors d’une célèbre émission télévisée, il a ainsi affirmé ne pas être contre la conversion d’un musulman au christianisme.

À la tête du syndicat des médecins arabes depuis 2004, Aboul Foutouh a également obtenu une licence de droit, qu’il a préparée lors de son passage dans les geôles de Moubarak, entre 1996 et 2001. Présent place Al-Tahrir lors des 18 jours de la révolution, Aboul Foutouh a un long passé de militant, qui remonte à son engagement au sein des syndicats étudiants de l’université du Caire. Sur un enregistrement sonore diffusé sur internet, on entend ainsi un Aboul Foutouh jeune étudiant s’opposer ouvertement au président Anouar el-Sadate, reprochant à ce dernier de réprimer les manifestations et d’empêcher la participation politique des islamistes.

(Photo ©AFP)

Les révolutionnaires

Hamdeen Sabahi, au nom de Nasser (58 ans)

Pour certains, Hamdeen Sabahi est un anachronisme. Et pour cause : il se dit nassériste. Comme Abdel Moneim Aboul Foutouh, l’ancien journaliste peut se targuer d’avoir un passé d’opposant, et, comme pour Aboul Foutouh, un enregistrement audio circule sur internet pour le prouver. On y entend Hamdeen Sabahi reprocher au président Sadate ses politiques de libéralisation économique.

Militant de longue date, Hamdeen Sabahi est ainsi l’un des fondateurs du mouvement d’opposition Kefaya (2004), tout comme il a participé à la création de l’association nationale pour le changement (2010), dont l’objectif était de soutenir le retour en Égypte de Mohamed al-Baradei. Député indépendant de 2000 à 2010, Hamdeen Sabahi s’est fait le héraut des paysans et des classes défavorisés.

Selon ses détracteurs, ses positions panarabes l’auraient cependant amené à entretenir des liens ambigus avec certains dictateurs tels que Saddam Hussein ou Moummar Kadhafi. Ce dernier aurait ainsi financé le lancement de l’hebdomadaire que dirige Sabahy, al-Karama ("dignité"). Des accusations vivement démenties par l’intéressé.

(Photo @Reuters)

Khaled Ali, le défenseur des pauvres (40 ans)

Le plus jeune candidat à l’élection présidentielle s’est fait connaître par son combat contre  les privatisations économiques sauvages menées par le régime de Moubarak. Inconnu du grand public, Khaled Ali est une célébrité parmi les ouvriers, les paysans et les classes sociales les plus défavorisées. Cet avocat originaire d’un milieu modeste, qui continue de vivre dans un quartier défavorisé de la capitale, a fondé en 2009 le Centre égyptien pour les droits sociaux et économiques, après avoir participé à la création du centre Hisham Moubarak pour le droit. Les deux associations sont considérées comme des piliers de la société civile égyptienne.

En 2010, Khaled Ali avait obtenu un jugement qui établissait le salaire minimum des employés du secteur public à 1200 livres égyptiennes (155 euros). Une victoire, dans un pays où 40% de la population vit avec moins de deux dollars par jour. « Ma décision de participer à l’élection n’a pas pour but de combler un vide », avait-il confié à l’agence de presse Reuters. « Il s’agit de faire entendre une voix différente, présenter une nouvelle génération et un nouveau discours politique. »

(Photo ©AFP)

Hisham el-Bastawissi, le juste (61 ans)

La justice est aveugle et Hisham el-Bastawissi est sans aucun doute un juge impartial. L’actuel vice-président de la cours de cassation est une des figures de proue de la révolte des juges de 2005 : à l’époque, il dénonce les irrégularités qui ont lieu lors de la première élection présidentielle du pays et les pressions exercées sur les juges qui doivent superviser le scrutin. En 1982 et en 2003 déjà, il avait fait annuler les scrutins législatifs des circonscriptions qu’il supervisait. Soutenu par le parti socialiste égyptien (Tagammu’), il reste cependant peu connu du grand public.

(Photo ©Reuters)

Aboul Ezz el-Hariri, 68 ans, à gauche toute !

À 68 ans, Aboul Ezz el-Hariri est une figure de la gauche égyptienne. Ancien cadre du parti socialiste égyptien, il est le fondateur de la Coalition populaire socialiste, nouveau parti postrévolutionnaire représenté au sein de l’assemblée nationale par 6 députés. El-Hariri est également une des rares personnalités à avoir réussi à plusieurs reprises à siéger au Parlement, et ce malgré les malversations électorales orchestrées par l’ancien régime.

En faveur de plus de justice sociale et d’une redistribution plus équitable des richesses, Aboul-Ezz el-Hariri se dit en faveur d’une révision des rapports diplomatiques avec les États-Unis et Israël, appelant les autorités égyptiennes à revoir le traité de paix de Camp David, dont la signature représente selon lui une honte pour le pays.

 (Photo ©Reuters)

Les trois inconnus de l’équation

Hossam Khairallah, militaire en retraite (67 ans)

À 67 ans, Hossam Khairallah n’est pas le candidat de l’armée, et il ne cesse de le répéter. Mais il pourrait bien l’être. Issu d’une famille de « spécialistes de la sécurité d’État » – son grand père était gouverneur militaire, son père a fondé les CRS égyptiens et son oncle faisait partie de la garde royale du roi Farouk -, cet ancien militaire, vétéran de plusieurs guerres, a fait carrière au sein des services de renseignements, avant de prendre sa retraite en 2005. Un de ses projets phares : la transformation du littoral méditerranéen égyptien en terres agricoles. Il se dit favorable à un système politique mixte, à la fois parlementaire et présidentiel. Mais il est inconnu du grand public et ses chances de convaincre les électeurs restent donc très faibles.

 

 

(Photo ©Reuters)

Mohamed Fawzi Eissa et Mahmoud Hossam : les policiers

Inconnus du grand public eux aussi, Mohamed Fawzi Eissa et Mahmoud Hossam ont en commun leur carrière au sein des forces de police. Une caractéristique qui n’est pas pour les rendre sympathiques auprès des électeurs, qui continuent d’entretenir de la méfiance, pour ne pas dire de la haine, envers le ministère de l’Intérieur et ses troupes.

Comme tous les candidats, Mohamed Fawzi Eissa prône justice sociale et réforme de l’éducation. Né en 1945, ce titulaire d’une licence de droit s’est spécialisé dans la police scientifique lors de son passage par l’Académie de police. Il a été commissaire de plusieurs villes « sensibles ». Parmi elles, celle de Naga Hamadi, connues pour ses affrontements interconfessionnels.

(Photo ©Reuters)

À 48 ans, Mahmoud Hossam est quant à lui le deuxième plus jeune candidat de l’élection présidentielle, derrière le candidat révolutionnaire Khaled Ali. Lui aussi est titulaire d’une licence de droit et d’un master en sciences politiques. De 1992 à 1994, il a notamment travaillé au bureau des droits de l’homme, au département Moyen-Orient, des Nations-Unies. Son programme économique insiste sur la revitalisation du secteur agricole égyptien, et sur la réforme du ministère de l’intérieur et des forces de polices. Cet Alexandrin d’origine est le fondateur d’un parti politique, largement composé d’anciens membres du Parti National démocrate de Moubarak.

 

 

 

(Photo ©AFP)

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