Maroc : le rappeur Mouad Lhaqed, héros malgré lui

Condamné à un an de prison pour outrage à la police, le rappeur contestataire Mouad Lhaqed est en train de devenir une icône de la liberté d’expression. À son corps défendant.

Mouad Belghouat, un artiste en proie avec la justice marocaine. © Hassan Ouazzani pour J.A

Mouad Belghouat, un artiste en proie avec la justice marocaine. © Hassan Ouazzani pour J.A

Publié le 18 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

Poursuivi pour outrage à la police, le rappeur marocain Mouad Belghouat, alias Lhaqed ("l’enragé", en arabe) a été condamné le 11 mai à un an de prison ferme et à une amende de 1 000 dirhams (90 euros) par le tribunal de première instance de Casablanca. Le verdict n’a pas surpris les observateurs et les militants des droits de l’homme, qui s’étaient déjà mobilisés pour obtenir sa libération en janvier. À l’époque, Mouad avait été accusé par Mohamed Dali, membre d’un groupe de jeunes royalistes, de coups et blessures. La défense avait pointé de nombreuses incohérences dans la procédure. Condamné le 12 janvier à quatre mois de prison ferme, il avait été immédiatement libéré pour avoir déjà purgé sa peine en préventive.

Cette liberté au goût amer, saluée par un concert improvisé devant les portes de la prison Oukacha, aura finalement été de courte durée, puisque le rappeur a de nouveau été arrêté le 29 mars, en sortant de chez lui, dans le quartier populaire de Hay Hassani. À l’origine de cette arrestation, une plainte de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) pour outrage à la police, un délit passible de un an de prison. À l’appui de ces accusations, les avocats de la DGSN produiront une vidéo postée sur Youtube, accompagnant une chanson de Lhaqed datant de 2008. Diatribe sans nuances contre les abus de la police marocaine, la chanson "Klab addawla" (« les chiens de l’État ») y est illustrée par la photo d’un policier affublé d’une tête d’âne. Après de nombreux reports, le procès s’est accéléré début mai.

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"Détourner l’opinion"

Interpellé le 30 avril par la presse, le ministre de la Justice et des Libertés, El Mostafa Ramid, s’était réfugié derrière la non-ingérence. « Les militants des droits de l’homme sont dans leur rôle, mais nous ne pouvons pas abandonner les poursuites. » « Les tribunaux étudieront l’affaire et décideront de ce qui est approprié. Nous ne pouvons interférer dans ce dossier », avait ajouté le ministre PJD, qui s’était rendu célèbre comme un avocat des libertés civiles.

Me Omar Bendjelloun, avocat de Mouad, est convaincu que ce deuxième procès « est un moyen pour détourner l’opinion publique nationale et internationale des vrais problèmes que connait le Maroc ». La suite du procès, incidents d’audience, rejet de toutes les demandes de liberté provisoire, vices de forme, tentatives d’intimidations des soutiens de Lhaqed, puis le verdict lui-même accréditent la thèse de l’acharnement, aux yeux de la défense.

À seulement 24 ans, le chanteur est donc un récidiviste aux yeux de la justice marocaine. Pour ses soutiens, en revanche, Mouad est un héros (bien malgré lui) du mouvement de contestation du 20 février. Rappeur confidentiel, à la renommée et au talent modestes, la nouvelle scène marocaine, Lhaqed n’est devenu célèbre qu’après son arrestation en septembre 2011. Ses chansons, dans lesquels il dénonce la corruption ou une réforme constitutionnelle en trompe-l’œil, ont souvent été réduites au slogan « vive le peuple ». Mais derrière ses phrases choc et la posture d’un refuznik, le jeune artiste s’est trouvé sans soutiens solides.

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Appel

Alors qu’une poignée de militants s’étaient réjouis d’avoir gagné la partie lors de la libération de Mouad en janvier, la mobilisation a été moins forte après sa deuxième arrestation, fin mars. Sa porte-parole, Maria Karim, a même été brièvement détenue, en plein procès début mai, lorsqu’un des avocats de l’accusation l’a couverte d’injures. Elle a été relâchée après deux jours de détention, mais la manœuvre avait provoqué le retrait de la défense d’El Haqed. Une défense qui a dénoncé de nombreuses violations de la procédure, jusqu’au prononcé de la sentence,  en l’absence de Mouad, pourtant placé en détention provisoire. Tous ces éléments devraient appuyer l’appel que préparent aujourd’hui les avocats. « Une nouvelle bataille pour Mouad et pour la liberté d’expression », précise Omar, membre du comité de soutien du rappeur.

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