Festival de Cannes : « Après la bataille » de Youssry Nassrallah, en compétition pour la Palme d’or
« Après la bataille », nouveau film du réalisateur engagé Youssry Nassrallah et premier long-métrage à traiter de la révolution égyptienne, est en compétition au Festival de Cannes, où il sera diffusé dans la soirée du jeudi 17 mai.
2 février 2011. Des hommes, à cheval et à chameau, armés de bâtons et de fouets, attaquent les manifestants de la place Al-Tahrir, venus réclamer la démission du président Hosni Moubarak. Youssri Nassrallah, célèbre réalisateur égyptien, a fait de cette journée noire de la révolution un des thèmes centraux de son dernier film, Après la bataille.
Seul film africain en lice pour la palme d’or du Festival de Cannes, Après la bataille relate la rencontre de Reem, jeune femme publicitaire, révolutionnaire des beaux quartiers, et celle de Mahmoud, cavalier illettré et sans travail, qui faisait partie des attaquants de la place Al-Tahrir.
Extrait de "Après la Bataille"
Youssry Nassrallah met en scène deux personnages qui apprennent à surmonter leurs différences et parviennent à franchir la ligne de fracture révolutionnaire qui divise l’Égypte en deux. Quand Mahmoud réussit à comprendre la révolution et ses objectifs, Reem, elle, découvre que les « baltageyas » du régime, ne sont peut-être que des pauvres types, sans travail ni éducation, manipulés et achetés par les appareils de sécurités.
Engagement social et politique
Ce 2 février 2011, Youssry Nassrallah était présent place Al-Tahrir lors de la bataille des chameaux. « Ces cavaliers ont été payés pour attaquer les manifestants, mais la foule s’est retournée contre eux et les a frappés. Je me souviens que nous les avons frappés durement, et que nous avons confisqués leurs chevaux », explique le disciple du célèbre Youssef Shahine, dans une interview au quotidien américain The New York Times, avant de préciser que ce n’est que bien plus tard qu’il a réalisé que l’arrivée des cavaliers place Tahrir était « un moyen de détourner l’attention de ce qui se passait réellement sur la place. Pendant les manifestations, des snipers tiraient dans la foule pour tuer les gens. Mais nous ne les avons jamais retrouvés. »
Extrait de "Après la Bataille"
Ce n’est pas la première fois que Youssry Nassrallah fait du 7e art un engagement. On se souvient de « Femmes du Caire » (sorti en France en 2010), où tout en abordant le sujet de la condition de la Femme égyptienne, il révélait, en filigrane, la censure exercée par le régime de Moubarak sur les médias.
Aujourd’hui, alors que l’ancien régime, qui a un nom différent certes, lutte encore pour faire échouer la révolution, Youssri Nassrallah semble prêt à poursuivre son combat pour la liberté. Autant contre le Conseil suprême des forces armées, qui dirige la transition militaire du pays, que les islamistes, vainqueurs des élections législatives de novembre 2011.
« Notre présence, ici à Cannes, est un merveilleux message, envoyé à tous ceux qui veulent mettre un terme à l’art en Égypte » a-t-il mis en garde, lors d’une conférence de presse organisée sur la Croisette. Certainement en référence aux trois mois de prison dont a écopé le célèbre acteur égyptien, Adel Imam, pour s’être moqué dans ses films de la tenue traditionnelle des salafistes.
Premières réactions négatives
Le thème de « la bataille des chameaux » avait déjà été abordé, avec brio, par la célèbre réalisatrice égyptienne, Mariam Abou Ouf, dans l’un des dix courts-métrages du film collectif 18 jours, présenté en 2011 à Cannes. Youssry Nassrallah connaîtra-t-il le même succès ? Pas si sûr si l’on en croit les premières réactions à la sortie de la projection de l’après-midi du 17 mai.
« J’ai eu l’impression que le scénario n’était pas très clair, il manque un peu de cohérence », explique la blogeuse tunisienne Sarah Ben Hamadi, à la sortie de la projection. « Le réalisateur du film voulait nous dire que la révolution n’avait pas encore réussie, mais il avait du mal à faire passer le message » poursuit-elle, avant de préciser : « Je ne crois pas qu’il soit trop tôt pour évoquer la révolution, mais il est trop tôt pour en parler de la sorte. Il aurait peut-être mieux valu faire un film sur les raisons qui ont conduit à la révolution. »
Même constat pour Siegfried Forster, journaliste chez RFI. Dans un article publié sur le site internet de la chaîne de radio, il explique que le film laisse le spectateur avec « l’impression d’un projet essoufflé et trop complexe. (…) Le film se pose rarement, les images restent agitées et apparaissent aussi laborieuses à comprendre que la réalité. »
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