Législatives algériennes : « Le FLN ne recueille que 20% des voix de l’ensemble des électeurs »

Le Conseil constitutionnel algérien a annoncé mardi 15 mai les résultats définitifs des législatives du 10 mai, remportées par le Front de libération national (FLN) et marquées par le faible score des partis islamistes. Deux tendances qui ont surpris en Algérie mais qu’un sondage, réalisé en mars par l’institut d’études Ecotechnics et publié le 4 avril par le quotidien El Watan, annonçait déjà (de même que le faible taux de participation, 44%). Le directeur général d’Ecotechnics, Saïd Ighilahriz, commente pour Jeune Afrique les résultats des élections. Les nombreux partis mécontents, notamment islamistes, ont jusqu’au 17 mai, pour faire appel.

Dépouillement dans un bureau de vote à Alger, le 10 mai. © AFP

Dépouillement dans un bureau de vote à Alger, le 10 mai. © AFP

Publié le 17 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

Les résultats des législatives algériennes ont été contestés. Selon vous, correspondent-ils à la réalité de l’opinion des Algériens ?

Je pense que oui. Même les trucages, s’ils étaient avérés, n’y changeraient pas grand-chose, le nombre de recours formulés étant limités. Maintenant, il faut souligner que 56% des inscrits se sont abstenus et que 18% des bulletins étaient nuls. Le divorce entre les autorités et les partis, d’une part, et la population, d’autre part, est quand même très important.

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À quoi est dû l’échec de l’Alliance verte, alors que le contexte laissait penser à ses chefs et à certains observateurs qu’elle serait performante ?

Le terrorisme islamiste fait peur aux Algériens. La majorité des sympatisants islamistes ne semble pas se retrouver dans le MSP (Mouvement de la société pour la paix, proche des Frères musulmans, NDLR) ni dans aucun autre parti. Une part importante d’islamistes aurait ainsi tendance à s’abstenir. Ceci n’est pas le cas en Égypte, en Tunisie et au Maroc, où les partis islamistes ont joué un rôle analogue à celui du Front islamique du salut (FIS) algérien de 1989 à la fin 1991. Les différences de taux de participation aux scrutins législatifs entre l’Algérie et la Tunisie (90%) ou l’Égypte (plus de 60%) est importante. Elle l’est beaucoup moins, il est vrai, avec le Maroc (45%).

Le sondage Ecotechnics du 4 avril

Sur la base des sondés qui avaient donné leur intention de vote : 54,3% ont répondu FLN (contre 47,6% lors des législatives), 11% Rassemblement national démocratique (RND) (contre 14,7%), 9% Parti des travailleurs (PT) (contre 4,3%), 4,3% Alliance verte (contre 10,4) et 4,3 Front des forces socialistes (FFS) (contre 4,5). La campagne, qui n’avait pas débuté lors du sondage, réalisé en mars, « a eu pour effet d’augmenter les voix pour le RND et surtout pour l’Alliance de l’Algérie verte, au détriment du FLN », indique Saïd Ighilahriz. S.A.A.

Le FLN est surtout une véritable machine qui arrive à mobiliser des troupes importantes.

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Le "vote refuge" décrit par le ministre de l’Intérieur pour expliquer la vague FLN a-t-il une réalité ? Qui vote encore pour ce parti ?

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Qui dit « vote refuge » dit vote pour la sécurité. Si cette image du FLN existe chez un certain nombre d’Algériens, cela est loin d’être le cas pour leur écrasante majorité puisque le FLN ne recueille finalement que 20% des voix de l’ensemble des électeurs. Il est vrai aussi que l’électorat FLN draine une majorité de personnes issues de couches populaires (dans notre sondage, 38% de ceux qui avaient l’intention de voter FLN étaient analphabètes) pour laquelle ce parti signifie « stabilité ». Le FLN est surtout une véritable machine qui arrive à mobiliser des troupes importantes.

Beaucoup continuent aussi à assimiler le FLN à l’administration. Ils se croient obligés de voter pour ce parti afin de ne pas avoir de problèmes administratifs. Enfin, il ne faut pas oublier que dans son discours de Sétif, à 48 heures du vote, le président Bouteflika a appelé à voter FLN. Or, il a une forte crédibilité. À une question sur la satisfaction des Algériens vis-à-vis de son action depuis son élection, en 1999, plus de 60% affirment dans notre sondage qu’ils sont contents ou très contents.

Êtes-vous étonné par le fait que la presse n’ait, semble-t-il, pas utilisé votre sondage pour étayer son analyse des résultats ?

Non. Notre presse est très largement une presse d’opinion voire de spéculation. L’exigence de rigueur n’est pas très élevée. Cette exigence viendra sans doute avec le temps et avec elle une culture du sondage.

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Propos recueillis par Saïd Aït Atrit

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