France : Hollande et le désir d’Afrique

Michel Scarbonchi est ancien député européen, élu sous les couleurs du Mouvement des radicaux de gauche en 1994, puis du Parti socialiste de 1999 (jusqu’à à 2004). Il est aujourd’hui consultant à l’international.

Publié le 24 avril 2012 Lecture : 4 minutes.

L’Afrique n’est guère présente dans la campagne présidentielle française, et ce malgré la présence de 122 millions de locuteurs français sur le continent. Certes, les difficultés économiques, financières et sociales de la France comme de l’Europe expliquent en partie un débat présidentiel essentiellement « franco-français ». Beaucoup le regretteront tant nos intérêts, dans l’avenir, vont profondément dépendre de l’Afrique.

Le 6 mai 2012, la France aura un président et il est probable qu’il sera socialiste. Il appartiendra alors au nouveau chef de l’État de définir clairement et fortement une nouvelle relation entre la France et l’Afrique, entre l’Europe et l’Afrique. Et de mettre ainsi fin au désengagement et à la perte de crédibilité de notre pays, qui ont été la marque de la politique française sur ce continent depuis 2007.

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En effet, un retour sur cinq années de « Sarkozyafrique » illustre quatre déficits majeurs dans la politique africaine de la France. Déficit politique avec le calamiteux discours de Dakar réfutant la place de l’homme africain dans l’histoire et dans le progrès humain. Ce discours historiquement faux et arrogant avait provoqué l’ire des intellectuels et des élites ainsi que l’incompréhension des populations. L’image de la France en a été durablement abimée… Déficit moral avec la persistance de pratiques affairistes et la démission du ministre Jean-Marie Bockel. Déficit humain avec une politique d’immigration stigmatisante, humiliante et contraire à nos valeurs républicaines. Déficit économique avec des investissements vers l’Afrique subsaharienne qui ne représentent plus que 1,5% des investissements directs à l’étranger ; la participation de nos banques dans le système bancaire ouest-africain passant en 10 ans de 80 à 33% ; la baisse du nombre de nos expatriés et une APD toujours loin de ses objectifs…

François Hollande a pour lui d’être un homme neuf dans son rapport au continent

Au crédit de Nicolas Sarkozy, notons néanmoins la renégociation des accords de défense et la volonté de développer nos relations bilatérales hors du pré-carré francophone, notamment avec le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola même si celles-ci sont à minima. Il est paradoxal et encore plus dommageable que ces « déficits » surviennent au moment du formidable « décollage » de l’Afrique.

François Hollande devra faire face aux nombreux défis de la « révolution africaine ». Il en a déjà pris toute la mesure puisque dés juillet 2011, dans une interview à Jeune Afrique, il précisait que ses deux premiers actes forts en politique internationale, s’il devenait Président, seraient l’Allemagne et l’Afrique. Il a pour lui d’être un homme neuf dans son rapport au continent. Il n’a été mêlé à aucun réseau, aucune affaire et à même su, dans le dossier ivoirien, faire preuve d’autorité à l’égard de nombreux socialistes avec qui il était en désaccord dans leurs rapports avec Laurent Gbagbo.

Il a posé d’entrée trois principes inaliénables dans sa relation à l’Afrique : principe de la légitimité dans ses relations avec les chefs d’État élus démocratiquement et reconnus par la communauté internationale ; principe de la médiation dans les crises et les conflits par les instances régionales et l’Union africaine ; principe de la coopération  « gagnant-gagnant » et du respect des engagements pris pour l’APD à l’objectif 2015.

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Les premiers défis du nouveau président

La crise malienne va être la première épreuve africaine de la prochaine mandature. La guerre OTAN-Libye uniquement conçue pour éliminer Kadhafi et non pour construire un État moderne en Libye a provoqué une véritable catastrophe, hélas prévisible, en transformant le pays en « Irak-bis » et en déstabilisant toute la zone sahélienne. On aurait voulu affaiblir l’Afrique que l’on ne s’y serait pas pris autrement ! L’Union africaine avait raison de vouloir imposer son plan de paix dans la crise libyenne car elle avait anticipé, à l’inverse des Occidentaux, les conséquences dramatiques du chaos libyen pour le continent africain : affrontements inter tribus, scission des grandes régions, indépendances des capitales, proliférations d’armes ultramodernes, trafics en tout genre.  En somme, un tsunami au cœur de la zone modèle du continent en termes de croissance et d’intégration régionale : l’Afrique de l’Ouest.

L’Union africaine avait raison de vouloir imposer son plan de paix dans la crise libyenne

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Et, après la « Libye-Irak » voici le « Mali-Afghanistan» ! Comme l’a écrit l’ancien ministre des affaires européennes britanniques, et député travailliste Denis Macshane (dans Le Monde en août 2011), « vingt ans de guerre ça suffit !  L’Occident devrait agir autrement que les armes à la main ».

François Hollande devra donc être le président de la paix et du développement en Afrique. Un projet ambitieux et passionnant pour un président dont les Africains apprécient l’humanité et qui saura, n’en doutons pas, conjuguer le pluriel des identités africaines avec celles de la France et de l’Europe au service d’intérêts mutuels et partagés.

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