Mali : Cheick Modibo Diarra, Premier ministre en milieu hostile
Alors que le nouveau Premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra, cherche à former son gouvernement de transition pour résoudre la crise au Nord, les membres de l’ex-junte ont procédé à l’arrestation de 22 personnalités considérées comme proches du régime de l’ex-président Amadou Toumani Touré (ATT). Le prétexte officiel du coup de filet – la « découverte » d’armes neuves chez certains des responsables visés – fait planer un climat lourd de menaces à Bamako.
C’est dans un climat de tension que le nouveau Premier ministre malien de transition, Cheick Modibo Diarra, mène des consultations à Bamako pour former son gouvernement, avec pour objectif de sortir le Mali de la crise dans laquelle il est plongé. Depuis lundi soir, pas moins de 22 personnalités ont été arrêtées – « onze civils, dont un banquier (…) et onze militaires », selon le directeur général de la gendarmerie malienne, le colonel Diamou Keïta. Les responsables du ce vaste coup de filet ? Des membres de l’ex-junte, qui a renversé Amadou Toumani Touré (ATT) le 22 mars, lequel a depuis trouvé refuge à la résidence du Sénégal, dans la capitale malienne, d’où il devrait bientôt rejoindre Dakar.
Ces arrestations, qui concernent entre autres l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé et l’ex-ministre et ancien président de la Commission de l’UEMOA, Soumaïla Cissé, sont-elles le résultat d’une justice parallèle de la junte ou liée à la volonté de racketter des personnalités qui se sont peut-être elles-mêmes enrichies pendant l’ère ATT ? À ce stade, seules deux choses sont sûres : les interpellations en question sont totalement contraires à l’État de droit, et la junte confirme qu’elle est bien décidée à régler ses comptes avec l’ancien régime. Même si elle a partiellement restitué le pouvoir à un gouvernement civil – pour le moment embryonnaire.
"Découverte d’armes"
« Des investigations menées dans certains domiciles, il est apparu que des caisses d’armes neuves ont été découvertes » et ces armes « ne font pas partie de la dotation de l’armée régulière », a justifié le colonel Keïta, ajoutant : « Nous faisons face à une nouvelle menace, cette infiltration aujourd’hui d’armes de guerre dans notre pays ». Des affirmations graves qui ne sont pour l’instant pas sérieusement étayées par la présentation de preuves concrètes et crédibles.
« Les interpellations font suite à des enquêtes qui ont été menées par nos différentes structures depuis quelques jours. (…) Ce n’est point une chasse aux sorcières », a pourtant assuré le patron de la gendarmerie, sans néanmoins fournir plus de détail. Un des responsables putschistes, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, avait indiqué mardi soir qu’elles avaient été faites « sur instructions de la hiérarchie » – comprendre le capitaine Amadou Haya Sanogo, ex-leader de la junte – et « sur la foi d’indications précises et d’informations graves et concordantes ».
Les arrestations ont été condamnées par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon qui réclame « la libération immédiate » des personnes concernées, selon son porte-parole, de même que par la plupaert des partis politiques maliens : le Rassemblement pour le Mali (RPM) de Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), mais aussi le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la République (FDR), coalition de partis et d’organisations de la société civile, dont les membres pourraient refuser d’entrer gouvernement de transition tant que les personnalités arrêtées n’auront pas été libérées.
Voyage avorté à Ouagadougou
Cheick Modibo Diarra a-t-il voulu faire pression sur la junte via la médiation burkinabè ? Selon son entourage, il a tenté de rencontrer mercredi le président du Faso, Blaise Compaoré, mais son avion n’a pu atterrir à Ouagadougou en raison du mauvais temps, et il est revenu à Bamako. Évoquant « la gravité de la situation », le nouveau Premier ministre a en tout cas indiqué qu’il prendrait le temps nécessaire pour former son gouvernement : « c’est un travail qui ne peut pas se faire à la hâte ».
La priorité numéro un de l’exécutif sera de régler la crise au Nord-Mali, contrôlé par des rebelles touaregs, des islamistes et des groupes armés criminels, et plongé dans une très grave crise humanitaire. Plus de 268 000 personnes ont fui leurs domiciles depuis mi-janvier, début de l’offensive des rebelles touaregs, pour trouver refuge ailleurs dans le pays ou à l’étranger, selon l’ONU. Dans une déclaration diffusée par l’ORTM et Radio France internationale (RFI), Cheick Modibo Diarra a affirmé envisager l’ouverture de « corridors », pour que les habitants du Nord « puissent être ravitaillés en médicaments et en nourriture ».
(Avec AFP)
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