Soudan – Soudan du Sud : pour Khartoum, le gouvernement de Juba est un « ennemi »
À Khartoum, les députés ont adopté lundi 16 avril une résolution reconnaissant le gouvernement de Juba comme « ennemi ». Une nouvelle étape de franchie qui fait craindre un peu plus encore une guerre entre les deux Soudans.
« Le gouvernement du Soudan du Sud est un ennemi et tous les organismes d’État doivent le traiter selon ce principe ». C’est ce qu’à annoncé le Parlement soudanais dans une résolution adoptée à l’unanimité par les députés lundi 16 avril.
Alors que la menace d’une guerre entre les deux Soudans se fait sentir, à Khartoum, les élus ont haussé le ton face à leur voisin du Sud. Ahmed Ibrahim El-Tahir, le président du Parlement, a appelé au renversement du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), le groupe d’ex-rebelles sudistes aujourd’hui au pouvoir au Soudan du Sud, qui a acquis son indépendance en juillet 2011. « Nous rassemblons toutes nos ressources pour combattre le SPLM jusqu’à ce que nous mettions fin à son gouvernement », a-t-il menacé.
Ces déclarations interviennent au lendemain d’un bombardement aérien en territoire sud-soudanais, dans l’État d’Unity. Selon Juba, en visant un camp de Casques bleus de l’ONU, l’armée soudanaise a provoqué la mort de 10 civils aux alentours du camp et en a blessé 14 autres, selon les Sud-Soudanais. La mission de maintien de la paix de l’ONU a confirmé le raid mais n’a pas déploré de victime dans le camp. Quant à l’armée soudanaise, elle a démenti toute responsabilité dans ce raid. « Nous n’avons rien à voir avec ce qui se passe dans l’État d’Unity au Soudan du Sud. L’armée défend son territoire après l’agression menée par les troupes sud-soudanaises et n’est aucunement responsable de ce qui se passe hors du territoire soudanais », a estimé le porte-parole, Sawarmi Khaled Saad.
La résolution du parlement soudanais a été jugée « regrettable » par le ministre de l’Information sud-soudanais Barnaba Marial Benjamin. « Nous n’avons jamais été leur ennemi. Notre position est que nous ne les considérons pas comme notre ennemi », a-t-il clamé.
"C’est une guerre"
Si les relations entre Khartoum et Juba sont tendues depuis la partition, notamment à cause de certaines questions restées en suspens telles le tracé des frontières, le partage des revenus pétroliers ou encore le statut de la province frontalière d’Abyei, la tension est montée d’un cran ces derniers jours. En cause : la prise de contrôle par l’armée sud-soudanaise, le 10 avril, de la zone contestée de Heglig, dans l’État du Kordofan-Sud (au Soudan) qui renferme la moitié des réserves pétrolières du pays. Fin mars déjà, les deux armées s’étaient directement affrontées pour la première fois lors d’une première incursion des forces sud-soudanaise à Heglig.
« C’est une guerre », a jugé un diplomate étranger. « Le problème c’est qu’il y a un déséquilibre logistique militaire entre le Nord et le Sud, c’est que le Sud ne dispose pas d’aviation. Ils sont obligés de répondre sur terre », a-t-il analysé.
Condamnant « ferrmement » le bombardement du camp de l’ONU, les États-Unis ont pour leur part ordonné à Juba et Khartoum de cesser « immédiatement et sans conditions » les hostilités. « Nous voulons que le Soudan du Sud retire ses forces immédiatement et sans conditions de Heglig » a exhorté le département d’État.
Juba ne parait pourtant pressé de retirer ses troupes de Heglig. Les autorités sud-soudanaises ont en effet annoncé que l’armée ne quitteraient ce territoire que lorsque Khartoum aura cessé ses bombardements aériens et quitté la province voisine d’Abyei. « Comment avons-nous pu perdre Heglig en quelques heures? » s’est pour sa part interrogé Samia Habani, une député soudanaise, jugeant cette offensive « inacceptable ». Une telle prise est « rare dans l’histoire de l’armée soudanaise » et quelqu’un doit en être tenu pour responsable, a renchérit Alfa Hachem, député du Darfour. Premier visé, le ministre de la Défense Abdelrahim Mohammed Hussein, sur la sellette depuis la prise de Heglig.
Il faut dire que cette zone est cruciale pour l’économie du pays, qui souffre d’une perte de plus de 75% de production pétrolière depuis la sécession du Soudan du sud. Outre les déboires économiques, l’urgence humanitaire est de plus en plus pressente.
Dans le camp de Yida dans l’État d’Unity, à 25 km de la frontière soudanaise, quelque 400 réfugiés arrivent tous les jours, a déclaré l’ONG l’International Rescue Committee. Ces personnes fuient les combats et la faim dans les montagnes du Nuba, au Kordofan-Sud, où l’aide est bloquée par l’armée soudanaise.
(Avec AFP)
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