Ahmed Ben Bella : des origines modestes (1916-1945)

Premier président de l’Algérie et héros de la guerre d’indépendance, Ahmed Ben Bella est décédé à l’âge de 95 ans, le mercredi 11 avril 2012, à son domicile d’Alger. À cette occasio, l’historien Omar Carlier a rédigé pour Jeune Afrique une biographie de cet homme qui a marqué l’histoire de l’Algérie contemporaine. Il relate ici les trente premières années de la vie de Ben Bella.

Ahmed Ben Bella est né le 25 décembre 1916 à à Maghnia. © Michel Clément

Ahmed Ben Bella est né le 25 décembre 1916 à à Maghnia. © Michel Clément

Publié le 13 avril 2012 Lecture : 3 minutes.

Algérie : Ben Bella, l’homme, le mythe et l’histoire
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Algérie : Ben Bella, l’homme, le mythe et l’histoire

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Ahmed Ben Bella est venu au monde dans l’extrême ouest algérien le 25 décembre 1916 à Maghnia, un ancien marché rural placé sous la protection de la sainte éponyme, qu’on dit originaire de Marrakech. Le père du petit Ahmed s’est installé ici peu avant 1900. Il y épouse peu après sa cousine. Il y ouvre un fondouk (sorte d’auberge), obtient en concession une terre de trente hectares, mais pierreuse et sans eau, que les aînés de ses fils s’efforceront tant bien que mal de faire fructifier. Ahmed, l’avant-dernier des cinq garçons d’une fratrie de huit, renoncera plus tard à prendre définitivement la relève, à travailler lui-même une terre ingrate sur laquelle ses droits seront d’ailleurs contestés, sans doute pour des raisons politiques. Le futur président algérien est donc marocain et « berbère » par ses origines, rural et provincial par son statut social.

Le fils du moqaddem est aussi un élève sportif et convivial, longtemps en quête de lui-même. Le père ne fait pas obstacle à l’inscription d’Ahmed à l’école coloniale, ni au prolongement de sa scolarité au-delà du certificat d’études, puisque le garçon a montré qu’il avait les aptitudes nécessaires. Mais il ne s’accroche guère aux études. Suffisamment toutefois pour parvenir au niveau du brevet et acquérir une excellente maîtrise du français, tant orale qu’écrite, dont témoignent ses lettres ultérieures. Son niveau en arabe classique ou moderne est plus que faible et génère un complexe et une frustration qu’on retrouvera plus tard.

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Pour ce qui est de la langue maternelle, il ne semble pas que les parents aient cherché à transmettre la langue berbère de leurs ancêtres, ni que l’enfant se soit attaché à celle-ci. Ben Bella sera un nationaliste arabe francophone, et un Berbère réfractaire au « berbérisme ».

En garnison à Marseille

Revenu à Maghnia sans le sésame du diplôme, Ben Bella retrouve ses copains d’enfance et anime l’équipe de foot. Mais après avoir végété un temps au fondouk et sur la parcelle de son père, puis travaillé un court moment à la SAP, il est finalement appelé à l’armée. Comme tant d’autres avant lui, il fait l’expérience de l’écart entre colonie et métropole quant au traitement des « indigènes ».

La ville de Marseille, où il est en garnison, lui plaît. Il y fait ses classes, suit un peloton, est nommé adjudant. Il retrouve des compatriotes – dont l’étudiant en médecine Nekkache, qu’il nommera en 1962 ministre de la Santé – et confirme son talent de footballeur, sans parvenir à s’imposer à l’OM, pour lequel il jouera néanmoins un match officiel. Il se distingue dans la défense antiaérienne de la ville, avant d’être démobilisé, en juillet 1940, et de regagner Maghnia.

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Médaille militaire

Rappelé à l’été 1943 dans les tirailleurs algériens, muté ensuite dans les tabors marocains où l’état d’esprit est bien meilleur, il fait la campagne d’Italie. C’est l’un des moments essentiels de sa vie, à la fois comme expérience humaine et comme mise à l’épreuve concrète de la guerre, vécue en première ligne. C’est aussi son second titre de gloire. Si le récit de guerre qu’il nous laisse est enjolivé, sa bravoure au feu est incontestable. Les quatre citations et la médaille militaire ne doivent rien à la légende ; elles vont simplement la servir.
Mais bien avant que celle-ci ne prenne corps, elles accentuent chez leur récipiendaire le choc éprouvé par l’ensemble des soldats algériens regagnant leurs foyers, en mai et juin 1945. À Oujda, après une permission à Maghnia, le héros de Monte Cassino, qui a perdu trois de ses frères à la guerre, apprend presque simultanément la fin du conflit et la répression sans mesure du soulèvement de Sétif, au lendemain du 8 mai. Il n’est plus question de rempiler. Pour le jeune Ben Bella, se profile le temps de l’action politique.

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Lire aussi «Une soirée avec Ben Bella », article paru dans le n° 2626 de Jeune Afrique (daté du 8 au 14 mai 2011). Son parcours, ses anciens compagnons, le Printemps arabe, Abdelaziz Bouteflika… Le premier président de l’Algérie indépendante nous livrait ses vérités au cours d’une soirée mémorable

 

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