Ahmed Ben Bella : une personnalité réservée et pudique
Premier président de l’Algérie et héros de la guerre d’indépendance, Ahmed Ben Bella est décédé à l’âge de 95 ans, le mercredi 11 avril 2012, à son domicile d’Alger. À cette occasio, l’historien Omar Carlier a rédigé pour Jeune Afrique une biographie de cet homme qui a marqué l’histoire de l’Algérie contemporaine. Il s’intéresse ici à la personalité de Ben Bella, réservé et pudique.
Algérie : Ben Bella, l’homme, le mythe et l’histoire
Derrière l’homme symbole qui semble résister à tous les repositionnements politiques ultérieurs, derrière ce personnage en kit, il faut revenir à l’homme « réel », inséparablement public et privé, et à ses ressorts intimes, afin de mieux éclairer les manières successives qu’il a eu d’investir ses fonctions et d’incarner ses rôles. Un homme non pas secret mais réservé et pudique, dont certains des gestes ont été peu médiatisés, en tout cas peu mis en avant par lui-même, à l’inverse de ce qui touche à sa biographie politique.
Ben Bella a remarquablement surmonté l’épreuve exceptionnelle que représentait l’isolement absolu pendant plusieurs années, et un enfermement continu de quatorze ans. Pour une fois, les adjectifs ne sont pas de trop. L’exploit n’est pas politique, mais physique et mental, dans une sorte d’inversion du geste et du temps.
Un mariage tardif
À cette résilience impressionnante, qui nourrit la légende dès sa libération, s’ajoutent deux données significatives du for intérieur, faisant lien entre la vie carcérale et la liberté retrouvée. La première seule, par son côté romanesque, a retenu en son temps l’intérêt des médias. Son mariage tardif, en prison, distingue en effet Ben Bella de tous les autres personnages politiques de son pays et de son temps. On sait que Boumédiène – marié lui-même sur le tard avec une fille de la meilleure bourgeoisie algéroise – a fini par desserrer le carcan. Il a accepté que le prisonnier reçoive quelques visites, d’abord celles de sa mère, une veille dame presque centenaire, longtemps humiliée par les conditions d’attente des visites, puis celles d’une journaliste, au départ hostile au détenu en tant que sympathisante proclamée de Boudiaf. Mais voici que celle-ci tombe sous le charme du reclus, l’épouse, accepte de le suivre en prison pendant de longues années.
Séparément, une fois libres, l’un et l’autre ne fuient pas les questions de la presse, qui observe de son côté une incontestable retenue. L’épouse prend volontiers la parole sur d’autres sujets, puisqu’elle suit l’évolution de son mari dans un énième bricolage politique entre islam et modernité, et porte le voile suivant un mode qui voudrait en fixer l’expression corporelle, avant de se replier définitivement sur son foyer.
Réussite familiale
La seconde donnée touchant à l’intime n’a pas, en revanche, retenu l’attention des publicistes, ni celle des spécialistes. Il s’agit de l’adoption par le couple de deux filles et un garçon handicapé, aussi aimé de ses parents que ses sœurs. Une ultime réussite, familiale cette fois, assez forte pour atténuer la frustration puis les regrets suscités par un final politique un moment entrevu à une toute autre échelle, et d’un tout autre éclat.
Sans attendre de découvrir dans « l’enfance d’un chef » un éventuel « Rosebud », pour explorer plus avant les liens entre moi social et moi profond, retenons ces indices tardifs qui éclairent les ressorts d’un personnage privé et public plus complexe qu’on ne l’a dit.
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Algérie : Ben Bella, l’homme, le mythe et l’histoire
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