Ahmed Ben Bella : de la lutte nationale à la course au pouvoir (1952-1962)

Premier président de l’Algérie et héros de la guerre d’indépendance, Ahmed Ben Bella est décédé à l’âge de 95 ans, le mercredi 11 avril 2012, à son domicile d’Alger. À cette occasio, l’historien Omar Carlier a rédigé pour Jeune Afrique une biographie de cet homme qui a marqué l’histoire de l’Algérie contemporaine. Il relate ici les dix années qui ont conduit Ben Bella de la lutte nationale pour l’indépendance à la course au pouvoir en 1962.

Ben Bella, Hassan et Ben Khedda defilant à Rabat après la libération du leader du FLN. © Dalmas/Sipa

Ben Bella, Hassan et Ben Khedda defilant à Rabat après la libération du leader du FLN. © Dalmas/Sipa

Publié le 13 avril 2012 Lecture : 4 minutes.

Algérie : Ben Bella, l’homme, le mythe et l’histoire
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Algérie : Ben Bella, l’homme, le mythe et l’histoire

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C’est le premier exil d’Ahmed Ben Bella : début 1953, il est envoyé au Caire, après quelques mois en « planque » à Paris. Incarcéré à la suite du démantèlement de l’Organisation spéciale (OS), il s’est évadé en mars 1952. Dans la capitale égyptienne, il retrouve d’autres cadres du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), comme Mohamed Khider.

Une nouvelle crise interne du parti va remettre en selle ces exilés, confortés, en Égypte même, par la victoire des Officiers libres. Sur la base d’un accord de principe antérieur conclu entre Mohamed Boudiaf et Ben Bella, réitéré et concrétisé en Suisse – où ce dernier confirme le soutien promis par Nasser à condition que les Algériens fassent leurs preuves –, la mise en place du mécanisme insurrectionnel va se réaliser en trois mois, entre août et octobre.

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Ennemi public numéro un

Le 2 novembre 1954, la presse française consacre sa une aux attentats de la veille, dont le nombre et la simultanéité laissent supposer une organisation cohérente d’envergure nationale. Mais c’est à partir du Caire, le même jour, que les correspondants de presse du monde entier apprennent l’insurrection et répercutent l’information qu’ils viennent de recueillir auprès de la « délégation extérieure » du Front de libération nationale (FLN).

À Paris et à Alger, l’Égypte est montrée du doigt. Bientôt, Ben Bella est réinstallé dans la position d’ennemi public numéro un, et capitalise du même coup sur son nom le prestige de l’action. Il est le seul – et pour cause – à être bien connu en France ; d’autant plus vilipendé qu’il a servi sous son uniforme. Il est également mis en avant par les Officiers libres, dont le nouveau chef voit en lui le contre-type du politicien.

Les hommes forts du FLN

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Très vite, la tête de l’insurrection échappe au duo Ben Bella-Boudiaf. Entre-temps, un pôle de pouvoir s’est constitué à partir d’Alger autour d’un nouveau duo, formé de Krim, chef de la zone III (Kabylie), et d’Abane, un ancien cadre du Parti du peuple algérien (PPA) sorti de prison début 1955.

Paradoxalement, le détournement de l’avion du sultan marocain par les services français, le 22 octobre 1956, et l’arrestation corrélative de la délégation extérieure du FLN, en route pour Tunis, où elle comptait reprendre la main, va profiter à terme à Ben Bella. Sans fief personnel, devenu insupportable aux autres hommes forts du FLN, les « trois B » (Krim Belkacem, Abdelhafid Boussouf et Lakhdar Ben Tobbal), qu’il brocarde et méprise, Abane est assassiné par ces derniers en décembre 1957. L’ennemi personnel de Ben Bella est définitivement écarté. Mais le triumvirat fait peu de cas des prisonniers, bien qu’il les nomme ministres, et de Ben Bella lui-même, bien qu’il lui donne raison rétrospectivement en consacrant de facto la primauté des militaires sur les politiques et de l’extérieur sur l’intérieur, avec la création d’un gouvernement provisoire (GPRA) tenu sous contrôle.

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À la fin de la guerre toutefois, les cartes sont une nouvelle fois rebattues. Promu chef d’état-major, Houari Boumédiène réduit progressivement les « trois B » au rôle de faire-valoir, puis s’oppose directement à Ben Khedda, président du GPRA, qui tente en vain de le destituer. Le futur « groupe d’Oujda », qu’il dirige, détient la force armée la plus cohérente et la mieux équipée, mais pas la légitimité politique et historique. Tandis que s’achèvent les négociations à Évian, il sonde Boudiaf, qui se récuse ; il contacte alors Ben Bella, qui voit immédiatement le balancier de l’Histoire revenir vers lui.

Homme de contact

À Rabat et à Tlemcen, l’accueil est favorable à Ben Bella. Les anciens traits de sa personnalité se glissent dans son nouveau personnage public. C’est un homme de contact, d’abord facile. Tout le contraire d’un Boumédiène timide, introverti, longtemps mal à l’aise avec les médias. Grand, souriant, affable, peu soucieux du protocole, l’ancien chef de l’OS met à l’aise ses interlocuteurs par sa simplicité, donne l’impression d’être sur la même longueur d’onde qu’eux, ou du moins de comprendre leurs problèmes et de savoir se mettre à leur place. En cas de tension, de conflit d’intérêts insurmontable, le même homme pourra toutefois se montrer brutal et même grossier.

La course au pouvoir va durer tout l’été 1962, alors que l’indépendance est survenue le 5 juillet, après un vote d’autodétermination sans surprise, mais organisé dans un contexte de violence endémique, marqué par les exactions et les crimes de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), la revanche individuelle ou collective contre les harkis. Dans l’intérieur du pays, une insécurité résiduelle perdure près d’un an.

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>> Lire aussi «Une soirée avec Ben Bella », article paru dans le n° 2626 de Jeune Afrique (daté du 8 au 14 mai 2011). Son parcours, ses anciens compagnons, le Printemps arabe, Abdelaziz Bouteflika… Le premier président de l’Algérie indépendante nous livrait ses vérités au cours d’une soirée mémorable0, 0);">.

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