Syrie : le cessez-le-feu, un nouvel atout pour Bachar al-Assad ?

Les événements s’accélèrent en Syrie. Alors que les Nations unies tentent de contraindre Damas et les rebelles à appliquer un cessez-le-feu à compter du 10 avril, Bachar al-Assad adapte sa stratégie. Avec pour objectif d’accentuer la répression pour affaiblir le plus possible la rébellion avant la date butoir.

Alors que la répression s’intensifie, les manifestations se poursuivent contre le régime syrien. © AFP

Alors que la répression s’intensifie, les manifestations se poursuivent contre le régime syrien. © AFP

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Publié le 9 avril 2012 Lecture : 3 minutes.

Si l’expression est sur toutes les lèvres, le « cessez-le-feu » en Syrie tarde, c’est un euphémisme, à devenir réalité. S’ils devraient s’achever au plus tard le 12 avril, selon les recommandations de l’ONU et du plan Annan (voir encadré), les combats continuent d’ensanglanter le pays. Vendredi 6 avril, des affrontements ont même été constatés par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) aux alentours de Damas.

La pression exercée par les troupes de Bachar al-Assad, positionnées autour des villes rebelles, ne fait en réalité que s’intensifier ces derniers jours. Dans la zone proche de la frontière turque, les témoignages sont sans ambiguïté. « Depuis trois jours, des corps jonchent les rues. Deux cents personnes ont été tuées. La ville est déserte maintenant », constatait vendredi 6 avril un témoin originaire de Kastanaz, petite ville syrienne de 20 000 habitants. Comme 2 800 de ses compatriotes, pour les seules dernières vingt-quatre heures, il est réfugié en Turquie.

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Que propose le plan de Kofi Annan ?

Approuvé le 21 mars par le Conseil de sécurité des Nations unies, le plan Annan se décline en plusieurs clauses :

– Cessation de toutes les violences, via le retrait des troupes du régime syrien le 10 avril, suivie dans les 48 heures par une cessation complète des hostilités et des violences de l’armée régulière et de l’Armée syrienne libre.

– Aide humanitaire à la population.

– Libre circulation des journalistes.

– Instauration d’un dialogue entre le régime et l’opposition.

Course contre la montre

Bachar al-Assad semble donc s’être lancé dans une course contre la montre. Objectif : asphyxier l’Armée syrienne libre (ASL) et réprimer toute tentative d’opposition avant l’échéance avancée par l’ONU pour le retrait des troupes le 10 avril et la cessation totale des hostilités deux jours plus tard. Avec une marge de manoeuvre de quatre jours, le dirigeant syrien a désormais peu de chances de parvenir à mater définitivement une rébellion, qui lui tient tête depuis plus d’un an.

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En revanche, le plan Annan, soutenu par l’ONU et par la Ligue arabe, faute de faire cesser les combats sur le terrain, pourrait apporter une nouvelle carte au jeu de Damas. Demander sans distinction aux deux parties le retrait de leurs troupes sur le terrain met en quelque sorte sur un pied d’égalité le pouvoir syrien et la rébellion. Une égalité symbolique qui pourrait donner au régime des arguments pour combattre bientôt l’opposition avec d’avantage de violence encore.

Manifestations citoyennes réprimées

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Or sur le terrain, la situation reste totalement aymétrique. D’abord parce que le niveau d’armement des combattants de l’opposition n’a aucune commune mesure avec celui du régime. Si l’ASL réussit à s’équiper, avec notamment, le soutien du Qatar et de l’Arabie Saoudite – elle est bien loin d’égaler l’arsenal de Bachar al-Assad. Ensuite, parce que la révolution syrienne n’a pas perdu sa dimension citoyenne, bien au contraire.

Vendredi 6 avril, ce sont des dizaines de milliers de manifestants qui ont défilé dans tout le pays contre le régime. Et ce sont ces mêmes protestataires civils qui ont subi les tirs de l’armée syrienne à Douma (nord de Damas), à Hama ou encore à Idleb, selon les Comités locaux de coordination (LCC) qui animent la contestation sur le terrain.

En ménageant le régime syrien avec un plan dans lequel il n’est pas stigmatisé, Kofi Annan est parvenu à le ramener à la table des négociations. Mais, avec un scénario de cessez-le-feu plus adapté en réalité à une guerre entre deux armées régulières qu’à la situation syrienne, il a sans doute peu de chances de rencontrer le succès qu’il prétend. Et le bilan de la révolution syrienne risque de s’alourdir un peu plus chaque jour. Selon l’OSDH, celui-ci a déjà franchi la barre des 10 000 morts.

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