Congo : « La situation sanitaire est catastrophique » à Brazzaville
Près d’un mois après l’explosion d’un dépôt de munitions à Brazzaville, qui a entraîné la mort de 223 personnes, des milliers de sinistrés ont violement manifesté lundi 26 et mardi 27 mars, alors que l’aide d’urgence promise par le gouvernement ne leur avait pas été versée. Dans le même temps, la situation au sein des sites d’hébergement de la ville se dégrade, avec notamment l’apparition du choléra. Roch Euloge N’zobo, responsable des programmes de l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH), met en cause le manque de compétences techniques du gouvernement congolais.
Jeune Afrique : Quelle est la situation après les émeutes des lundi 26 et mardi 27 mars ?
Roch Euloge N’Zobo : Le problème n’est pas réglé. Les listes des bénéficiaires de l’aide d’urgence ont été élaborées par des personnes non compétentes. On a également constaté la mauvaise fois de certains chefs de quartiers qui ont également participé à leur élaboration. Des personnes fictives ont ainsi été inscrites sur les listes, alors que les sinistrés n’ont pas été pris en compte. C’est quand les sinistrés concernés l’ont constaté que les émeutes ont débuté.
Deux listes ont été créées, une pour les propriétaires – à ce niveau les versements ont été effectués ou sont en cours -, l’autre pour les locataires. C’est à ce niveau là que le gouvernement rencontre un problème. Le décompte est difficile car plusieurs familles pouvant habiter à la même adresse. Le gouvernement a donc suspendu la distribution du fonds d’urgence afin d’approfondir les listes.
Des cas de choléras signalés
Déjà jugée catastrophique, la situation sanitaire se dégrade dans les sites d’hébergement provisoire des sinistrés sans-abri à Brazzaville. « La situation a évolué défavorablement et nous faisons actuellement face à une dizaine de cas de choléra, qui touche deux sites », a affirmé mercredi 28 mars le Dr Youssouf Gamatié, représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Congo. Et le directeur général de la santé au Congo, le Professeur Alexis Elira Dokekias, de confirmer : « Depuis le 4 mars, nous avons 13 cas de choléra suspects dont un cas confirmé au niveau des sites et un décès ». Les deux lieux affectés sont la cathédrale Sacré coeur, proche du centre-ville, et le marché couvert Nkombo, au Nord, qui accueillent respectivement environ 6 000 et 5 000 personnes, sur les 14 000 hébergées au total dans une dizaine de sites. « Des quartiers populaires sont également touchés. Ce sont les conditions déplorables d’hygiène, l’insuffisance de l’assainissement qui font le lit du choléra. On a eu aussi de fortes pluies qui sont un facteur déterminant », explique Gamatié. (Avec Agences).
Le gouvernement congolais a assuré que l’argent était disponible et serait versé à toutes les personnes enregistrées. Est-ce réalisable ?
Je pense que oui. Le fond d’urgence promis sera versé. Il faudrait ensuite que les victimes soient indemnisées. Mais les dégâts matériels n’ont pas encore été évalués. Une commission doit être mise en place afin d’étudier cela.
Les organisations humanitaires font état d’une dégradation de la situation sanitaire dans les centres d’hébergement (voir encadré). Qu’en est-il exactement ?
La situation sanitaire est catastrophique. Dans les sites de la cathédrale Sacré coeur et du marché couvert, la distribution des aliments est chaotique. Les conditions de vie sont insalubres, les odeurs nauséabondes, les toilettes pas bien entretenues, il a de graves problèmes d’assainissement. On a constaté des cas de rougeoles à la cathédrale.
Comment l’expliquez-vous ?
Le gouvernement a les moyens, de la bonne volonté, mais le ministère des Affaires sociales, qui est responsable des différents sites, n’a pas les compétences techniques pour gérer ces sites. Ils auraient mieux fait de transférer la gestion des sites d’accueil à des organismes ayant l’habitude de traiter ce genre de situation. Certaines organisations internationales comme MSF et la Croix-rouge assistent tout de même le ministère.
De plus, les gens se plaignent de vols, qu’une partie de l’aide (médicaments, vêtements) est détournée par des agents du ministère. Les cas de détournements ont d’ailleurs été dénoncés par la ministre des Affaires sociales elle-même.
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Propos recueillis par Vincent Duhem
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