Sénégal : les cinq défis de Macky Sall

Tidjani Thiam est président de l’Association pour la promotion des activités pétrolières en Afrique (Apapa).

Publié le 27 mars 2012 Lecture : 4 minutes.

La situation politique du Sénégal a retenu l’attention de la communauté internationale depuis la préparation de la présidentielle de 2012. Le premier coup de projecteur s’est porté sur les tractations engagées par Abdoulaye Wade pour briguer un troisième mandat alors même que la Constitution qu’il avait lui-même contribué à faire adopter dans un élan de maturation démocratique louable ne le lui permettait plus. (…)

Ainsi rattrapé par les démons de la politique politicienne, le président Wade a pris le risque d’hypothéquer durablement son héritage politique, lui qui faisait partie des potentiels « panthéonisables » dans le temple symbolique des grandes figures de l’Afrique contemporaine. Mais, et il faut l’en féliciter, il a compris qu’il fallait absolument qu’il esquive l’opprobre en prenant courageusement le parti de reconnaître qu’un raz de marrée « mackyste » s’était emparé de son pays. Il est donc tombé comme un combattant qui sait se souvenir qu’il faut respecter les règles du jeu. Et comme on dit, mieux vaut tard que jamais. (…) Bien qu’il sorte de la scène politique sénégalaise avec un peu moins de dignité que s’il avait pris le parti de ne pas se représenter, souhaitons-lui une bonne retraite politique.

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Quant au président Macky Sall, cinq grands challenges urgents l’attendent sur le front de ses premières actions politiques et il ne fait aucun doute qu’ayant montré qu’il était capable de s’affranchir du clan et du réseau Wade pour construire une véritable plateforme d’alternance politique, il sera en mesure de mobiliser l’ensemble des ressources et soutiens nécessaires pour relever ces défis.

1) Rassurer la jeunesse sénégalaise

Macky Sall devra immédiatement prendre des mesures pour apporter des assurances à la jeunesse sénégalaise sur sa volonté de rechercher des solutions durables aux problèmes qui lui sont spécifiques, à savoir la formation et l’insertion professionnelle. Il devra donc s’attacher les services des experts les plus notoires de ces questions et développer des réseaux sur l’ensemble du territoire national afin de mobiliser les formateurs, les employeurs et institutions diverses autour des solutions qui peuvent être retenues en termes de stages en entreprise, de contrats pour jeunes diplômés ou encore d’apprentissage. Ce gage doit être donné aussi bien aux « goorgoorlu » qu’aux jeunes dont certains acteurs politiques nouveaux comme Youssou Ndour ont porté les espoirs.

2) Renforcer la compétitivité de l’économie sénégalaise

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Fortement orientée vers le tertiaire, Macky Sall doit relever le défi de l’émergence industrielle. Il doit prendre des mesures législatives et faire adopter des dispositifs permettant d’encourager les initiatives industrielles au Sénégal. Le développement des petites industries et la facilitation de leur accès aux financements bancaires, mais aussi la facilitation de l’implantation des groupes industriels étrangers notamment dans l’agro-industrie sont des enjeux essentiels d’une mandature dynamique. D’ailleurs, l’expérience du président au département des Mines dans le gouvernement Wade constitue un précieux atout, étant donné qu’il aura désormais les coudées franches pour aller plus loin dans ses initiatives.

3) Accroître la tonicité de la diplomatie sénégalaise

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Macky Sall doit redonner des lettres de noblesse à la diplomatie sénégalaise qui a parfois manqué de pétulance dans les grandes crises qu’a récemment traversées le continent. Il doit lui insuffler son esprit d’offensivité et renforcer son activisme sur le front des grands dossiers qui attendent l’Afrique dans les prochains mois et les prochaines années, à savoir la situation de l’UA qui est en crise de leadership, la crise touarègue au Nord du Mali, les rapports entre l’Afrique et les grandes institutions économiques internationales.

4) Structurer les infrastructures du pays en vue d’un aménagement du territoire plus dynamique

Avec 25 % de la population vivant à Dakar, Macky Sall devra affronter courageusement l’épineuse question du développement des infrastructures qui permettront d’accroître l’attractivité des autres villes du pays et de mieux aménager le territoire national. Cet objectif principal devra être conduit en liaison avec le renforcement de la compétitivité de l’économie sénégalaise car un redéploiement industriel durable n’aura de sens que si la répartition des sites industriels pilotes tient compte des besoins exprimés sur l’ensemble du territoire national. Là aussi, l’activisme que pourra insuffler Macky Sall sur le plan diplomatique pourra faciliter la mobilisation des moyens supplémentaires qui permettront, notamment sur le plan financier, de poursuivre ces objectifs. Il s’agira aussi de mieux vendre le Sénégal à l’étranger car une bonne politique touristique ne peut se concevoir sans une bonne stratégie d’aménagement du territoire qui mettrait en avant toutes les richesses et potentialités du pays.

5) Stabiliser le jeu politique

Les turbulences que le pays a connues au cours des deux tours de la présidentielle (et plus au premier qu’au second) ont tracé des clivages profonds entre les sénégalais. Macky Sall doit s’attacher à apaiser les esprits. Il a déjà fait un pas significatif dans ce sens en déclarant dimanche soir qu’il sera le président de tous les Sénégalais. L’exercice de cette stabilisation est plutôt délicat dans la mesure où, pour le second tour de la présidentielle, toute l’opposition a opportunément fait bloc autour de lui. Il s’agira pour lui de trouver un équilibre stratégique lui permettant de dérouler un programme politique dynamique autour des grands problèmes des Sénégalais en bénéficiant de l’adhésion de cette coalition sans en devenir l’otage. Le président de la République revêt une stature qui doit lui permettre de faire avancer le pays dans toutes ses composantes en demeurant au dessus de la mêlée.
Il va sans dire que pour relever ces importants défis et bien d’autres qu’on ne peut citer exhaustivement ici, le président aura besoin de toutes les bonnes volontés pour mobiliser les ressources nécessaires et pour mener les actions appropriées. Je voudrais ici lui souhaiter un franc succès dans cette lourde mission et l’assurer de ma fraternelle considération.

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