Présidentielle : au Sénégal, la violence couve sous les urnes
Alors que des violences meurtrières ont fait au moins 6 morts et plus de 150 blessés fin février, le calme qui a regné dans les derniers jours de la campagne présidentielle paraît bien précaire. Les deux camps, ceux de Abdoulaye Wade et de Macky Sall, recrutent des gros bras, sans formation, qui n’entrent dans aucun cadre légal. Et qui sont prêts à en découdre dès que l’occasion se présentera.
C’est sous un grand arbre, en face du Pavillon A de l’Université publique de Cheikh Anta Diop, à Dakar, que se réunissent les membres de l’association Kekendo. Ce n’est un secret pour personne : le camp présidentiel a recruté dans ce groupe nombre des « gros bras » dont la mission était de renforcer la sécurité des caravanes de Abdoulaye Wade lors de la campagne de l’entre-deux-tours de la présidentielle sénégalaise.
« Il arrive qu’on nous attaque avec des pierres, alors on riposte. Après ça se transforme en bataille rangée avec les gros bras de l’opposition. On utilise des bâtons, des machettes, des couteaux. Il y a un pick-up à l’arrière du convoi, recouvert d’une bâche. C’est là que sont les armes », explique Mamadou Badiane, grosse montre en argent au poignet et président des Kekendo. Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’on leur demande aussi de disperser par la manière forte les meetings de l’opposition.
Salles de musculation
Payés entre 8 000 et 25 000 francs CFA la journée, ces jeunes sont des étudiants mais aussi des lutteurs, ou des hommes au chômage qui fréquentent assidûment les salles de musculation. Et ce n’est pas un hasard si, le 14 mars, la Ligue sénégalaise des droits de l’homme (LSDH) s’est alarmée de l’exacerbation de la violence politique pendant la campagne.
« Il y a un peu près 100 hommes qui devancent la caravane de Macky Sall pour vérifier qu’il n’y a pas de pro-Wade. On négocie d’abord pour qu’ils partent mais la négociation ne dure pas longtemps. Nos jeunes utilisent des Taser, des couteaux, des battes de base-ball », indique un proche de Macky Sall qui a tenu à garder l’anonymat.
Un climat violent lié à l’histoire politique de nombreux pays africains, explique l’analyste Abdou Khadre Lô. « Très souvent, sur le continent, l’État en général et la police en particulier sont à la solde du chef de l’État. L’absence de séparation des pouvoirs fait que les auteurs de violences, lorsqu’ils sont issus du camp présidentiel, ne sont presque jamais inquiétés ».
Sall obtient des gendarmes pour sa sécurité
Les choses sont-elles en train de changer ? Pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal, le candidat de l’opposition a demandé à l’État sénégalais de lui détacher des gendarmes, pour assurer sa sécurité. Ce qui a été chose faite.
Comble de l’hypocrisie, les deux camps se rejettent la faute et démentent l’utilisation de jeunes armés. « Nous n’avons recruté personne qui n’ait pas la formation de garde du corps, indique Amadou Sall, un des porte-parole de la présidence, avant d’ajouter que « seul le camp présidentiel fait l’objet d’attaques car l’opposition craint notre victoire ». Du côté de Macky Sall, même réponse. « Notre pratique n’est pas de recourir à des nervis, seul le Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir, NDLR) le fait », précise Seydou Gueye, chargé de la communication auprès de Macky Sall.
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