Coup d’État au Mali : la déclaration de Soumaïla Cissé
La déclaration de Soumaïla Cissé, leader de l’Union pour la République et la Démocratie (URD).
Au moment d’écrire cette déclaration, des centaines de milliers de Bamakois sont terrés chez eux de peur d’être violentés ou vandalisés par des soldats mutins. Des membres du gouvernement et des hommes politiques maliens sont arrêtés. Le même soir, des hommes de tenue, venus, sans succès, m’arrêter, ont détruit tout ce qui pouvait l’être chez moi. Jeudi 22 mars, un groupe de soldats est apparu, à travers les antennes de la télévision nationale, pour annoncer la dissolution des institutions, la suspension de la constitution, décrété un couvre-feu et décidé de la fermeture des frontières.
Je condamne de la façon la plus ferme et la plus énergique ce coup d’Etat qui remet en cause l’ensemble de nos acquis démocratiques et isole totalement le Mali de la marche du monde, à un moment où notre pays a, particulièrement, besoin de l’appui de ses partenaires pour faire face aux défis du développement et au péril sécuritaire du Nord. Je demande la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées et exige un retour à « l’ordre constitutionnel » dans les meilleurs délais.
Cette tentative de coup d’Etat est l’acte réactionnaire le plus bas de l’histoire politique du Mali au cours des vingt dernières années. La pratique du coup d’Etat, en elle-même, est totalement révolue comme mode d’accession au pouvoir. Et le peuple malien ne s’est pas levé, comme un seul homme, un jour de mars 1991, pour proclamer sa foi en la démocratie, et accepter, aujourd’hui, que des militaires décident de s’emparer des institutions étatiques et occuper le pouvoir d’Etat.
Il appartient au peuple malien de choisir ses dirigeants. Ce lundi, 26 mars 2012, sera célébré, à travers le pays, le souvenir des martyrs qui se sont sacrifiés, il y a de cela exactement 21 ans, pour qu’enfin, règne la démocratie et le respect des institutions républicaines. Pour honorer leurs mémoires, nous n’avons pas mieux à faire que d’exiger le retour à la démocratie.
Notre responsabilité nationale est d’autant plus engagée, qu’à la suite de l’avènement démocratique du Mali, d’autres peuples d’Afrique et du Maghreb ont exigés d’être dirigés en toute démocratie. C’est pourquoi, l’Union Africaine, par la déclaration d’Alger de 1999, condamne toute rupture de l’ordre constitutionnel résultant des coups d’État avec des sanctions automatiques contre les auteurs.
Les auteurs du coup du 22 mars prétextent la crise au Nord et le nécessaire rétablissement de la démocratie pour justifier leur tentative de prise du pouvoir par les armes. Cet argument est d’autant plus faible que depuis l’annonce du coup d’Etat, le Nord du pays n’est plus défendu, ni sécurisé. Je m’incline devant la mémoire de nos soldats tombés au front et réaffirme avec force la nécessité de pourvoir notre vaillante armée de tous les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission de défense de l’intégrité territoriale du Mali.
Quant à la démocratie, il n’ y a rien de mieux que de respecter le calendrier électoral et laisser les Maliens choisir, en âme et conscience, les dirigeants qu’ils considèrent aptes à gérer leur pays. Notre calendrier républicain prévoit des élections présidentielles le 29 avril et des élections législatives le 1er juillet 2012. Pourquoi donc vouloir se substituer aux choix que les Maliennes et Maliens exerceront, en toute légalité, dans 35 jours ?
Les tensions politiques que connaît actuellement le Mali doivent se résoudre dans le cadre institutionnel mis en place depuis la transition démocratique. Nous ne pouvons accepter aucune solution qui n’incorpore comme une base minimale le rétablissement des institutions républicaines et le respect du calendrier électoral. La condamnation unanime de la communauté internationale du coup d’Etat et les conséquences de suspensions de programmes de coopération, qui en découlent, illustrent, s’il en est besoin, que la solution est uniquement politique. Le Mali ne se relèverait pas d’une suspension de ses programmes de coopération et les progrès engrangés depuis 20 ans seraient perdus à jamais. Nous retournerions à la période où l’Etat pouvait rester plus d’un an sans pouvoir payer les salaires.
L’heure est, donc, suffisamment grave pour que tous les Maliens et Maliennes se lèvent pour exiger la restauration des institutions légales et la tenue, à date échue, d’élections libres et transparentes pouvant conduire à des alternances démocratiques. A défaut d’élections libres et transparentes qui pourront permettre de voir se succéder aux affaires des hommes et des femmes plus inspirés et animés par l’exigence de résultats, proposant des idées nouvelles et performantes pour sortir résolument les populations de la misère et de l’insécurité , le Mali risque de connaître des coup d’Etat en série. Ce qui est une calamité pour tout pays qui aspire au progrès.
Notre pays, le Mali, riche d’un passé glorieux, a su, à tous les moments, redresser la tête et relever les nombreux défis qui ont jalonné sa longue et prestigieuse histoire. C’est au nom de ce Mali, notre fierté à tous, que je nous invite à nous tenir debout et à exiger la restauration des institutions et le respect des règles républicaines.
Soumaila Cissé, leader de l’Union pour la République et la Démocratie (URD).
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