Coup d’État au Mali : scènes de pillages à Bamako, le pays plonge dans l’inconnu
Prise du pouvoir par une junte isolée et menée par des jeunes, scènes de cambriolages et de pillages à Bamako commis par des soldats, arrestations de ministres et d’hommes politiques… Le coup d’État qui a eu lieu au Mali ressemble à un saut dans l’inconnu aux conséquences incalculables pour les droits de l’homme et la fragile démocratie malienne.
Comme le disait jeudi à Jeune Afrique Ali Nouhoum Diallo, ancien président de l’Assemblée nationale du Mali : « Ces jeunes [putschistes, NDLR] ont énormément à prouver avant d’être applaudis par les honnêtes gens. » Et leur entrée en scène commence plutôt mal, à en juger par le manque de leadership dont font preuve ceux qui ont renversé dans la nuit de mercredi à jeudi le président malien Amadou Toumani Touré (ATT) – qui reste introuvable -, faisant au moins quatre morts et une quarantaine de blessés.
> > Lire le écit des événements de la journée du jeudi 22 mars, et une synthèse de la situation au début de la journée de vendredi.
Si une partie des Maliens, excédés par la corruption et le manque de succès militaires contre la rébellion touarègue et les djihadistes, peut comprendre les motivations de la junte, qui prétend vouloir rendre rapidement le pouvoir aux civils, les pillages en cours à Bamako risquent d’aliéner rapidement l’ensemble de la population malienne aux putschistes. Dans la journée de jeudi et dans la nuit qui a suivi, des particuliers ont été rackettés ou cambriolés; notamment dans les quartiers de Magnambougou et de Kalaban Koura, des voitures ont été volées même devant l’ambassade de France, les locaux de la présidence, de la radio-télévision nationale (ORTM) et des douanes ont été pillés et saccagés…
Les jeunes militaires menés par le capitaine Amadou Haya Sanogo sont dans un dilemme : aucun officier supérieur ne se serait pour l’instant rallié au coup de force, qui n’a réussi que grâce à l’appui des soldats de rang, ceux-là même qui commettent aujourd’hui pillages et cambriolages, en nuisant à l’image d’un mouvement qui reste très isolé, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Mali.
Voir un extrait de l’interview du capitaine Amadou Haya Sanogo sur Africable
Seul le Sadi est d’emblée favorable à la junte
Parmi les hommes politiques, seul Oumar Mariko, lui-même un ancien protégé de Mouammar Kadhafi, et son parti de la Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), s’est prononcé en faveur des mutins. Par ailleurs, la junte a été unanimement condamnée par la communauté internationale. Ne lui resterait pour mener son programme à bien, sans employer une force démesurée, que de s’appuyer sur un soutien populaire fort, ce qui est encore loin d’être acquis…
Dans ces conditions, la junte ne risque-t-elle pas de se radicaliser ? Quel est l’avenir immédiat pour le Mali ? L’extrême accélération des événements ne permet pas encore de répondre à ces questions. Mais une chose est sûre : la junte ne prend pas le chemin de l’apaisement avec l’entourage de ATT, dont elle retient prisonnier au moins trois membres du gouvernement. Il s’agit du Premier ministre Mariam Kaidama Sidibé, du ministre des Affaires étrangères Soumeylou Boubèye Maïga et celui de l’Administration du territoire Kafougouna Koné, qui seraient détenus « au camp militaire de Kati », ville-garnison à 15 km au nord-ouest de Bamako d’où est partie la mutinerie qui a mis fin au pouvoir d’ATT.
> > Lire un éclairage sur les mutineries qui ont éclaté au Mali le mercredi 21 mars
Mais bien d’autres responsables et hommes politiques seraient aussi retenus, probablement au camp de la police nationale, dont l’ex-Premier ministre Modibo Sidibé, candidat à la présidentielle qui était prévue le 29 avril prochain. Difficile de savoir dans ces conditions sur quoi débouchera la crise politique en cours. D’autant que les rebelles touaregs pourraient être amenés à pousser leur avantage au Nord du pays, ce qui risquerait de créer les conditions d’une véritable guerre civile.
Voir le reportage de l’ORTM au palais présidentiel
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