Ballaké Sissoko : « Il n’y a pas de mauvaise musique, tout dépend du moment où on l’écoute »
Actuellement en tournée avec le violoncelliste Vincent Segal, le célèbre joueur malien de kora Ballaké Sissoko était de passage à Paris, invité du Trio Chemirani lors du festival « Au fil des voix ». Jeune Afrique l’a rencontré. Interview.
« L’échange culturel nourrit la musique ». Cette phrase, Ballaké Sissoko la répète sans cesse. Peut-être parce qu’il a bâti une bonne partie de ses trente ans de carrière sur ce concept. Célèbre joueur de Kora, le musicien malien aime mélanger les influences, les instruments et les sonorités venus du monde entier. Il s’essaye à de multiples répertoires et n’hésite pas à conjuguer son instrument traditionnel aux sons du violoncelle, des tablas ou de la guitare acoustique. Pourvu que le résultat soit « naturel, dit-il. Il n’y a pas de mauvaise musique, tout dépend du moment où on l’écoute… »
Vous êtes actuellement en tournée avec le Français Vincent Segal, parlez-nous de votre rencontre avec cet artiste "classique"…
De façon générale j’aime les échanges culturels, connaître d’autres univers musicaux. J’écoutais souvent la musique de Vincent puisque nous partagions le même label. À l’époque, je ne connaissais pas le violoncelle. J’étais incapable de faire la différence entre violon et alto. Un jour, je lui ai simplement dit : « j’aime bien la sonorité de ta musique ».
Il m’a semblé que le son de son instrument pouvait trancher avec celui de la kora. Surtout, le violoncelle pouvait éviter le côté « monobloc » qu’on retrouve souvent dans la musique malienne. Nous avons donc commencé à discuter avec Vincent, à jouer. J’ai aimé cette idée de pouvoir faire évoluer la musique traditionnelle malienne, de la rendre plus actuelle en mélangeant des sonorités venues d’horizons différents.
Ballaké Sissoko raconte sa rencontre avec Vincent Segal
Votre album commun « Chamber music » a rencontré un immense succès. Vous y attendiez-vous ?
En fait, on s’y attendait un peu, et ce pour une raison. Quand je fais des rencontres musicales, quand je travaille sur un nouveau projet, j’essaie d’abord de connaître la réaction du public. Je prépare donc l’album tout en le jouant lors des concerts, à la différence de beaucoup d’autres musiciens ou chanteurs maliens. Ainsi, je peux voir si oui ou non les personnes vont apprécier l’opus. C’est ce qui s’est passé avec Vincent ; nous avons joué sur scène avant de proposer l’album. Avant d’écouter, les gens se disaient : tiens, violoncelle-kora, ça donne quoi ?
Au Mali, la musique ne s’écrit pas. Elle n’est qu’improvisation.
Et ils ont finalement beaucoup apprécié. C’est comme ça que j’aime construire ma musique. C’est ce que j’ai toujours fait en trente ans de carrière.
Vous avez choisi un registre très différent de vos précédents…
Ce n’est pas quelque chose de réfléchi mais de tout à fait naturel. Chez nous la musique ne s’écrit pas, elle n’est qu’improvisation. Au Mali, on joue comme ça, dans des milieux mal insonorisés, on essaie des associations musicales et puis on voit si ça coule. Exactement ce qu’il s’est passé avec Vincent.
Je peux passer d’un style à l’autre car, pour moi, il n’y a pas de mauvaise musique. Tout dépend du moment où on l’écoute ! J’apprécie vraiment tous les styles musicaux.
Quels sont vos projets en cours ?
Je reviens du Mali, où nous avons travaillé pendant deux mois sur un nouvel album. Il s’agit d’une nouvelle formule avec Vincent Segal et des musiciens maliens. La musique mêlera guitares acoustiques et kora, avec le violoncelle de Vincent. Je voudrai aussi inviter Edouard Prabhu, le célèbre joueur indien de tabla. Ce sera donc beaucoup de mélanges musicaux, avec des accents de type flamenco.
Je prépare aussi un second album pour le projet 3MA [Mali/Madagascar/Maroc, avec Rajery et Driss El Maloumi, NDLR].
Les projets en cours ?
La musique traditionnelle malienne a-t-elle un avenir ?
La musique fait partie de notre culture, et tant que la création musicale existe, tout va bien.
C’est une bonne question ! Je dirai qu’elle en a moins au Mali qu’ailleurs, je pense à l’Europe notamment, ou des jeunes s’intéressent aux sonorités des instruments traditionnels maliens. Au Mali, la nouvelle génération se tourne vers d’autres styles musicaux. Ce que je comprend très bien d’ailleurs ! Avec internet, le satellite, les jeunes ont accès à des répertoires venus d’ailleurs. Ils aiment la musique occidentale, qui forcément les influence. Tout ça n’est pas important. De toute façon, la musique fait partie de notre culture, et tant que la création musicale existe, tout va bien. Traditionnelle ou moderne, ça reste de la musique…
La musique selon Ballaké Sissoko
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