Patricia Elias Smida : « En France, on fait l’amalgame entre exilés fiscaux et Français de l’étranger »

Les 3 et 17 juin 2012, les Français de l’étranger voteront pour la première fois, via Internet, pour élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. Rencontre avec la candidate indépendante Patricia Elias Smida, ancienne membre de l’UMP, qui brique la députation de la 10e circonscription, qui comprend l’Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient.

P. E. Smida, candidate à a députation de la 10e circonscription des Français de l’étranger. © wikepédia/Julianz3012

P. E. Smida, candidate à a députation de la 10e circonscription des Français de l’étranger. © wikepédia/Julianz3012

Publié le 3 février 2012 Lecture : 4 minutes.

C’est une première : en 2012, les Français de l’étranger voteront via Internet pour élire leurs représentants à l’Assemblée nationale. Cette nouvelle disposition résulte de la réforme constitutionnelle de 2008. Les expatriés doivent dès maintenant téléphoner au consulat de leur pays ou se connecter sur monconsulat.fr afin d’actualiser leurs coordonnées en vue du scrutin. La France a divisé le monde en onze circonscriptions, chacune étant représentée par un député. La candidate indépendante Patricia Elias Smida brigue la députation de la dixième circonscription, qui comprend l’Afrique hors Afrique du Nord, le Moyen-Orient hormis Israël, ainsi que Madagascar et l’île Maurice, soit 49 pays. En campagne à Paris au mois de janvier, elle nous a accordé une interview pour se présenter et parler de ses motivations.

Jeune Afrique : Quelle légitimité avez-vous à briguer la dixième circonscription ?

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Patricia Elias Smida : Je suis avocate en droit international, spécialiste en droit français, international privé, anglais et nord-américain des affaires et des pays arabes. Je connais donc les lois qui régissent nos pays. De surcroît, je suis une candidate du terrain car j’appartiens aux deux pôles de cette circonscription, à savoir le Moyen-Orient et l’Afrique, puisque je vis et je travaille entre le Liban et le Gabon. J’ai vécu plusieurs expatriations, au Cameroun notamment, où j’ai construit un orphelinat en 1999. Enfin, mon suppléant sera originaire de l’Océan indien. Je serai légitime pour chacun des habitants de la dixième circonscription. Je suis très engagée dans la défense de nos droits et de nos intérêts.

La bataille s’annonce difficile…

Chaque parti a un candidat, mais peu sont légitimes car ils n’habitent pas nos régions. Ils ne peuvent ni comprendre nos besoins, ni les défendre. La tâche ne sera pas si ardue, car les Français de l’étranger ne sont pas dupes.

Nous payons déjà des impôts dans les pays dans lesquels nous résidons. Je ne vois pas pourquoi imposer une taxe supplémentaire aux Français de l’étranger.

Ancienne membre de l’UMP, vous faites campagne sans étiquette. Pourquoi ?

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Parce que la droite et la gauche ont fait des propositions de loi extrêmement abouties pour taxer les Français de l’étranger. En ce qui me concerne, je serai intraitable sur la question car nous payons déjà des impôts dans les pays dans lesquels nous résidons. Aussi, je ne vois pas pourquoi imposer une taxe supplémentaire aux Français de l’étranger. Serions-nous punis ?

Mais le projet de taxation de la résidence secondaire en France pour les "non-résidents" a été abandonné…

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À mon sens, il a seulement été mis de côté le temps de la présidentielle. Mais je serai là après l’élection pour veiller à ce que ce projet ne soit pas mis en œuvre.

Quelles seront vos grandes priorités si vous êtes élue ?

En premier lieu, l’éducation. Je souhaite maintenir un enseignement de qualité dans les lycées français de l’étranger, égal à celui qui est dispensé dans l’hexagone. Les Français de l’étranger sont une force économique, qu’il est très important de stabiliser. Je milite également pour une retraite digne, harmonisée sur le modèle européen. Ensuite, je me bats pour la création d’un fonds en cas de rapatriement forcé. Nous devrions être assurés d’avoir un minimum vital à notre retour, lorsque l’on n’a plus que nos vêtements sur le dos. Enfin, je milite pour une meilleure accessibilité de nos représentations à l’étranger. La France est une terre d’accueil et nos ambassades doivent l’être aussi pour nos ressortissants.

Il existe déjà une Assemblée des Français de l’étranger. Quel sera alors le rôle des onze nouveaux députés ?

Cette Assemblée, constituée par nos sénateurs et nos conseillers, n’a qu’un avis consultatif. Nos députés vont légiférer et ainsi, nous ne serons plus oubliés dans les textes législatifs. Par exemple, quand le rachat des trimestres pour faire valoir ses droits a été voté en France, on a décidé qu’il fallait avoir cotisé cinq ans à la Sécurité sociale. Or, les Français de l’étranger cotisent à la Caisse des Français de l’étranger (CFE). La loi a dû être modifiée, afin que nous soyons pris en considération ! Nous aurons désormais une entité complète, comme pour tous les Français de France, et notre statut sera enfin pris en compte.

Justement, pourquoi n’existe-t-il toujours pas de véritable statut de Français à l’étranger ?

En France, on fait l’amalgame entre exilés fiscaux et Français de l’étranger. Or, un exilé fiscal choisirait plutôt la Suisse que l’Afrique ou le Moyen-Orient ! Non, nous ne sommes pas tous des milliardaires allongés sous les cocotiers, avec de l’argent qui coule à flots. Nous sommes des gens honnêtes, qui gagnons de l’argent à la sueur de notre front et nous payons des impôts dans nos pays. Notre quotidien est très difficile à gérer et nous payons notre choix de vivre à l’étranger tous les jours. Notre image doit être rétablie.

La création en juin 2011 du poste de secrétaire d’État aux Français de l’étranger n’est-elle pas une forme de reconnaissance ?

Tout à fait. Nous avons soutenu cette initiative, car nous souhaitions avoir davantage d’autonomie par rapport au ministère des Affaires Etrangères. Ceci dit, il est nécessaire de laisser passer une année ou deux avant de juger de son efficacité.

Soutiendrez-vous un candidat à la présidentielle ?

J’attends qu’ils se déclarent tous, afin de déterminer celui qui défend le mieux nos intérêts, puis j’aviserai. Si on veut que la France se rappelle de nous, il faut que notre voix compte.

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Propos recueillis par Justine Spiegel
 

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