Afrique : pour une approche maîtrisée des partenariats public-privé

Benjamin Labonnélie est docteur en droit international, chargé d’enseignement à la Faculté de droit de Paris XII et consultant à la Banque africaine de développement (BAD) et Isabelle Coutant Peyre est avocate et conseil en droit international public et privé, consultante à la Banque africaine de développement (BAD), et arbitre auprès de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA.

Benjamin Labonnélie et Isabelle Coutant Peyre. © D.R.

Benjamin Labonnélie et Isabelle Coutant Peyre. © D.R.

Publié le 25 janvier 2012 Lecture : 3 minutes.

Comment être aujourd’hui exemplaire et satisfaire l’intérêt général ? Les États peuvent-ils se dispenser du concours du secteur privé pour répondre aux besoins collectifs ? Le thème des partenariats public privé, dits « PPP », est trop souvent mal compris, selon que l’on fait prédominer une vision privatiste ou publiciste, en privilégiant l’une et excluant l’autre au détriment de solutions « gagnant-gagnant ». Il n’est pas contestable que les besoins en services publics doivent être satisfaits à tous niveaux : l’eau potable vaut mieux que son contraire, l’électricité que la bougie, les routes tracées que la brousse, etc…

Comment, dès lors, ne pas saluer la volonté des présidents gabonais et burkinabè, Ali Bongo Ondimba et Blaise Compaoré, de doter leur pays de l’encadrement juridique le plus favorable en la matière ? Comment ne pas espérer une Côte d’Ivoire comme « réparée » par le lien tissé par de futures infrastructures à travers le pays, en se souvenant qu’il s’agit de l’un des premiers pays d’Afrique à avoir eu recours au privé ?

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Cependant, de nombreux États africains semblent se hâter trop lentement sur ce chemin. Et nombre de symposium internationaux ne font que retarder ce que d’aucuns savent déjà : on ne peut pas attirer de nouveaux partenaires privés sans écrire efficacement les règles qui gouvernent l’articulation des secteurs public et privé, pour accéder à ce que l’ONU appelle joliment « le droit international du développement ».

Il faut imaginer sans plus tarder des solutions à la fois pleinement africaines et pleinement internationales.

Force est de constater que beaucoup de législations sont trop souvent déconnectées des réalités profondes des pays, d’autant que des solutions se trouvent d’ores et déjà dans le génie propre de l’Afrique, ainsi, une « palabre » rénovée organisant la médiation en cas d’expropriation lors de la construction de grands projets d’aménagement.

Il faut prendre l’exacte mesure de ce qu’une législation posant clairement les principes généraux des PPP est indispensable, à la fois comme outil informatif du secteur privé pour faciliter l’accès aux informations spécifiques et comme outil démultiplicateur des sources de financement pour le secteur public. Cette législation doit également définir la maîtrise de l’opération par les autorités publiques notamment dans la sélection des partenaires privés, pour ne plus faire des PPP au coup par coup, dans tel ou tel secteur, au gré de propositions pas toujours équilibrées au regard de la transmission du savoir-faire ou de l’emploi de la main d’œuvre locale.

Ainsi, en 2004, le Sénégal s’est doté d’une législation très innovante. Le président Abdoulaye Wade, sous la primature d’Idrissa Seck largement ouvert à une culture internationale en la matière, a su en faire l’outil numéro un du développement de ses projets, au premier rang desquels le futur aéroport international. Si l’on peut juste regretter, en l’absence d’un cadastre parfaitement rigoureux, que des procédures de conciliation modernes n’aient pas été introduites dans le cœur même de la loi, cette volonté d’encadrement générale doit être résolument saluée pour sa vision d’avenir.

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Il faut imaginer sans plus tarder des solutions à la fois pleinement africaines et pleinement internationales, sur-mesure pour chaque pays, à la hauteur des enjeux posés par l’immense richesse du continent qui a si bien su, par le passé, anticiper, à l’avant-garde des principes en matière de droits de l’homme et de bonne gouvernance comme ce fut le cas de la Charte de Kurukan Fuga dans l’empire Mandingue au XIIIème siècle, bien longtemps avant  la révolution française, et sans « adapter » ou adopter un prêt-à-porter de modèles venus d’ailleurs…

C’est en elle-même que l’Afrique et ses dirigeants, dans une approche « PPP » maîtrisée en adéquation avec les besoins de ses peuples, pourra devenir, dans les vingt ans à venir, une terre de nouveaux conquérants et non une seule terre de conquête. Nous espérons contribuer à cette prise de conscience par cet appel.

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