Arabie Saoudite : les hommes chassés des boutiques de lingerie féminine
Par un décret entré en vigueur le 5 janvier, le roi Abdallah a décidé d’imposer un personnel exclusivement féminin dans les boutiques de lingerie du pays. Une entorse à la loi islamique qui va faciliter le quotidien de nombreuses Saoudiennes.
La vente de lingerie féminine ne sera plus confiée aux hommes en Arabie Saoudite. Un décret royal, entré en application le 5 janvier, oblige à remplacer les vendeurs, souvent asiatiques, par des femmes de nationalité saoudienne. Il s’agit en réalité d’une loi datant de 2006 que le roi Abdallah avait décidé de mettre en œuvre en juin dernier en donnant six mois aux magasins de lingerie pour renouveler leur personnel. Après le droit de vote obtenu le 25 septembre dernier, les Saoudiennes ont donc marqué un point de plus.
Comme beaucoup de femmes, j’étais embarrassée de devoir acheter mes dessous à un homme me posant des questions sur mes mensurations.
Samar Mohammed, Institutrice
Elles bataillaient en effet pour pouvoir acheter leurs sous-vêtements sans être obligées de s’adresser à un homme. C’est Reem Assaad, une avocate des droits de l’homme vivant à Jeddah, qui avait lancé une campagne sur Internet en 2008 afin de faire part de leur exaspération et appeler au boycott des boutiques de lingerie féminine ayant des employés masculins.
« C’est une décision positive et courageuse », a affirmé à l’AFP Samar Mohammed, une institutrice de 37 ans. « Comme beaucoup de femmes, j’étais embarrassée de devoir acheter mes dessous à un homme me posant des questions sur mes mensurations ». Mais de façon paradoxale, les cabines d’essayage restent interdites dans tout le royaume. Les Saoudiennes se voient donc contraintes d’acheter des sous-vêtements trop grands ou trop petits ou bien d’utiliser les toilettes des centres commerciaux pour essayer leur lingerie.
Réforme contraire à la charia
La décision royale concerne 7 453 commerces, selon les chiffres du ministère du Travail, et 44 000 postes sont désormais à pourvoir. 28 000 Saoudiennes auraient d’ailleurs déjà posé leur candidature. Mais le décret ne contente cependant pas tout le monde dans un pays où la ségrégation des sexes est de rigueur. Le souverain saoudien se heurte ainsi à l’opposition du mufti cheikh Abdelaziz Al Cheikh qui a déploré lors de son sermon du vendredi 30 décembre que les vendeuses soient « en contact direct » avec les hommes gérant les commerces. « Les femmes vont vendre et compter l’argent », ce qui est « contraire à la religion », a-t-il ajouté. Il a averti les boutiques concernées qu’elles commettaient un « crime interdit par la loi islamique ».
En 2010, une haute instance religieuse avait émis une fatwa interdisant aux femmes de travailler comme caissières de supermarché – un emploi autorisé par les autorités. Le texte indiquait que les femmes devaient « rechercher des emplois où elles ne peuvent pas être attirées par les hommes ni les attirer »…
Pour l’heure, le ministère du Travail a annoncé qu’il placerait quelque 400 inspecteurs dans les centres commerciaux afin de s’assurer de la bonne application de la mesure, mais aussi vérifier que les nouvelles vendeuses ne soient pas inquiétées. Le décret royal s’appliquera dans un deuxième temps, avant juillet 2012, aux magasins de produits cosmétiques.
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