Algérie : l’État cherche-t-il à reprendre la main sur Fertial ?

La co-entreprise algéro-espagnole Fertial, leader méditerranéen des fertilisants, pourrait être amené à réduire sa production suite à un rappel à l’ordre de l’Autorité de régulation des hydrocarbures. Peut-être une manière pour l’État algérien de chercher à réévaluer ses parts face à son partenaire majoritaire.

Fertial a enregistré en 2012 ses meilleurs résultats, avec un chiffre d’affaires de 444 millions d’euros, dont 330 millions à l’export. DR

Fertial a enregistré en 2012 ses meilleurs résultats, avec un chiffre d’affaires de 444 millions d’euros, dont 330 millions à l’export. DR

Publié le 31 juillet 2013 Lecture : 3 minutes.

Après Djezzy et ArcelorMittal, l’Algérie s’engagerait-elle dans un nouveau processus de (re)nationalisation d’une entreprise privée ? Le site d’information en ligne Maghreb Emergent rapporte que l’Autorité de régulation des hydrocarbures (ARH), dépendante du ministère algérien de l’Énergie, a demandé le 1er juillet dernier à la société Fertial, leader méditerranéen sur le marché des fertilisants, et dont le groupe espagnol Villar Mir est actionnaire majoritaire (66%), « de réduire (son) exploitation au minimum technique garanti (…) soit 70% de la consommation actuelle au plus » de gaz (subventionné et très compétitif). L’ARH demande également « de procéder à la réduction des quantités de gaz naturel livrées aux complexes industriels » de l’entreprise.

Pour motiver ces décisions, l’institution s’appuie sur des audits réalisés en début d’année sur les sites de Fertial, à Annaba et à Arzew. Ceux-ci souligneraient « la non mise en conformité des installations », « le constat de surconsommation en énergie » ou encore « la non-réalisation des engagements par le Groupe Villa Mir », notamment en termes d’« optimisation de la consommation spécifique du gaz naturel », indique Maghreb Emergent, qui a obtenu une copie du courrier de l’ARH adressé à Fertial.

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« Les dirigeants algériens de l’époque ont très bien négocié »

Fertial est née en 2005 de l’ouverture de capital de certaines activités du groupe public Asmidal, lui-même issu en 1984 du géant des hydrocarbures Sonatrach (qui garde des actions dans Fertial). L’espagnol Grupo Villar Mir est entré à son capital contre 160 millions de dollars, puis y a investi 220 millions de dollars et remboursé une dette de 200 millions de dollars, provenant précisément de la facture énergétique. Une opération qui s’est avérée payante : Fertial a enregistré en 2012 ses meilleurs résultats, avec un chiffre d’affaires de 444 millions d’euros, dont 330 millions à l’export, pour 245 000 tonnes d’engrais écoulés en Algérie et 858 000 tonnes d’ammoniac dans le monde, essentiellement en Europe. Elle est la deuxième société exportatrice d’Algérie hors hydrocarbures (et bien que les hydrocarbures sont l’une des matières premières des fertilisants).

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L’État souhaiterait-il augmenter ses parts dans l’entreprise, alors que les Premiers ministres algériens successifs assurent que la loi sur les investisseurs étrangers, obligeant depuis 2009 ces derniers à céder 51% d’une co-entreprise à un partenaire algérien, ne sera pas rétroactive ? L’accord de partenariat signé en 2005 prévoit-t-il une réévaluation de ses participations ? La direction de Fertial n’a pas souhaité répondre à nos questions. Interrogé par nos soins en mai dernier, à propos du partenariat signé en 2005, M. Jorge Requena Lavergne, directeur général de l’entreprise, expliquait néanmoins que « même si l’actionnariat est de 66% pour Grupo Vilar Mir et 34% pour Asmidal, les dirigeants algériens de l’époque ont très bien négocié. Une clause valorise le prix du gaz et les dividendes que perçoit l’État algérien ne montent pas à hauteur de 34% mais 55%. »

Sonatrach, actionnaire minoritaire dans Fertial, exigerait de monter dans le capital de ce joint-venture

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Fertilisants : Sonatrach bientôt incontournable

Toujours d’après Maghreb Emergent, le PDG du groupe Villar Mir, qui assure que Fertial était en train de prendre en compte les résultats de l’audit de l’ARH, a écrit au ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi. « Il serait fait une allusion directe à des correspondances du PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine, dans lequel le groupe, actionnaire minoritaire dans Fertial, exige de monter dans le capital de ce joint-venture ». Le PDG rappelle également que le principal manquement aux engagements signés en 2005 est à chercher du côté algérien : il s’agit de la non-construction d’une nouvelle usine d’ammoniac à Arzew. Interrogé en mai dernier sur les retards concernant ce projet, M. Requena Larvergne expliquait que Sonatrach avait souhaité qu’une nouvelle société soit créée, « ce qui a été fait en 2007 entre Fertiberia (filiale de Grupo Vilar Mir) et Sonatrach. Une étude de viabilité et de faisabilité a été réalisée et nous attendons les décisions de Sonatrach de ce côté-là ».

Entre temps, l’entreprise publique est entrée en partenariat avec d’autres sociétés dans le secteur des fertilisants. Dans les projets récents, qui doivent faire de l’Algérie un grand producteur et exportateur de ces produits, l’entreprise publique est incontournable. Elle a signé en 2007 un accord avec l’égyptien Orascom Construction Industries (51%) pour créer Sorfert. La société est censée entrer en production commerciale ce mois d’août.

Sonatrach s’est aussi allié au groupe omanais Suhail Bahwan (pour plus de deux milliards de dollars) afin de créer Algeria Oman Fertilizer Company.

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