Prix des Cinq Continents de la Francophonie : réunion de famille à Paris

Après Bruxelles, Ougadougou, Bucarest, Québec et Montreux, pour la première fois depuis sa création, en 2001, à Beyrouth, le Prix des Cinq Continents de la Francophonie a été remis à Paris, au nouveau siège de l’OIF. Un dixième anniversaire, ça se fête. C’est aussi l’occasion de voir comment « le petit » a grandi. Et combien il a révélé de talents.

La photo de famille du jury pour le 10e anniversaire du Prix des cinq continents. © STM/OIF

La photo de famille du jury pour le 10e anniversaire du Prix des cinq continents. © STM/OIF

CECILE-MANCIAUX-2024

Publié le 13 décembre 2011 Lecture : 5 minutes.

« Chaque année, j’ai hâte d’être au début de juillet. Je reçois enfin la sélection des romans finalistes et je la dévore. Je lis tout, du début à la fin. Tout, le bon et le mauvais. Et, surtout, j’appelle tous les autres : « Tu l’as lu ? Comment tu le trouve ?… » Bon, à part Le Clézio – c’est un prix Nobel, tout de même -, j’appelle sa femme : « Il l’a lu ? Comment il le trouve ? »… » On aurait pu la croire blasée. Elle qui a reçu en 2009, le Grand prix de poésie de l’Académie française et, le 6 décembre dernier, le prix Goncourt de la poésie pour l’ensemble de son œuvre – excusez du peu. Mais après les milliers de pages qu’elle a écrites et lues, en vers ou en prose, la romancière d’origine libanaise Vénus Khoury-Ghata garde intact son enthousiasme. Et un plaisir manifeste, depuis dix ans, à être l’un des dix membres du jury du Prix des Cinq continents de la Francophonie.

Diversité culturelle et émotion commune

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Pour une fois, quelque chose d’institutionnel a une dimension subversive. Ce prix est ouvert. Ouvert, dans la composition de son jury et dans les auteurs qu’il distingue, à toutes les communautés et toutes les cultures de la langue française.

Lyonel Trouillot, Romancier et poète haïtien, président du jury

Les fameux « autres », qui, justement, sourient et opinent en l’écoutant, ce sont les neuf autres écrivains qui composent le jury du Prix des Cinq continents. Tous ont répondu présents pour la dixième édition : son président, l’Haïtien Lyonel Trouillot, l’académicien français René de Obaldia, l’ambassadeur du Congo à Paris, Henri Lopes, et l’ambassadeur du Burkina Faso au Danemark, Monique Ilboudo, le « nobélisé » franco-mauricien Jean-Marie Gustave Le Clézio, la Franco-Algérienne Leïla Sebbar, la Française Paula Jacques, la Québécoise Lise Bissonnette, la Suisse Pascale Kramer, ainsi que, pour cette session, la Roumaine Liliana Lazar, lauréate 2010.

Alain Mabanckou,

Les lauréats du Prix des Cinq continents depuis 2011

2001 – Yasmine Khlat (Liban) pour Le Désespoir est un péché, (Éd. Seuil)
Mention spéciale à Ahmed Abodehmane (Arabie Saoudite) pour La Ceinture (Éd. Gallimard)

2003 – Marc Durin-Valois (France) pour Chamelle (Éd. JC Lattès)
Mention spéciale à Fawzia Zouari (Tunisie) pour La Retournée (Éd. Ramsay)

2004 – Mathias Énard (France) pour La Perfection du Tir (Éd. Actes Sud)
Mention spéciale à Seyhmus Dagtekin (Turquie) pour À la source, la nuit (Éd. Robert Laffont)

2005 – Alain Mabanckou (Congo) pour Verre Cassé (Éd. Seuil)

2006 – Ananda Devi (Maurice) pour Ève de ses décombres (Éd. Gallimard)
Mention spéciale à Pierre Yergeau (Québec) pour La Cité des Vents (Éd. L’instant même)

2007 – Wilfried N’Sondé (Congo) pour Le Cœur des enfants léopards (Éd. Actes Sud)

2008 – Hubert Haddad (Tunisie-France) pour Palestine (Éd. Zula) *

2009 – Kossi Efoui (Togo) pour Solo d’un revenant( Éd. Seuil)

2010 – Liliana Lazar (Roumanie) Terre des affranchis Éd. Gaia.2011 – Jocelyne Saucier (Canada-Québec) pour Il pleuvait des oiseaux (Éd. XYZ)
Mention spéciale à Patrice Nganang (Cameroun) pour Mont Plaisant (Éd. Philippe Rey).

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Chacun a témoigné de ses émotions et de son attachement à ces moments qu’ils partagent à lire, à s’appeler, à se rencontrer, plusieurs fois par an, au sein de ce que tous appellent « une amitié », « une famille » : la francophonie. « Ce qui ne m’est jamais arrivé avec d’autres écrivains. Ici, on échappe aux travers et à tous les vices coutumiers du milieu littéraire, précise Le Clézio. La francophonie – même si c’est un mot très laid, il faudrait en trouver un autre… -, la francophonie ouvre véritablement sur une amitié beaucoup plus grande que la langue, qui passe par la littérature. »

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Les lauréats 2011

En les récompensant, le jury vient d’ouvrir les portes de sa grande famille à deux petits nouveaux : la Québécoise Jocelyne Saucier, lauréate pour Il pleuvait des oiseaux (Éd. XYZ), ainsi que le Camerounais Patrice Nganang, auquel il remet une mention spéciale – qui n’est pas attribuée tous les ans -, pour Mont Plaisant (Éd. Philippe Rey).

Et entrer dans la famille des Cinq continents de la Francophonie, s’est changer de vie. Pas à cause de sa dotation (10 000 euros pour le Prix, 5 000 pour la mention spéciale). C’est surtout changer de dimension. Car force est de constater que, si le prix s’est donné pour vocation de mettre en lumière des talents littéraires et de les promouvoir sur la scène littéraire internationale, il ne le fait pas à moitié.

Je me souviens de ma promenade silencieuse avec Le Clezio à Matonge, le quartier africain à Bruxelles, avant la remise de mon prix, en 2005. Notre partage ne fait pas forcément de bruit. La France est petite comparée à la francophonie. La langue française est ailleurs… Et c’est tant mieux !

Alain Mabanckou, Romancier congolais, lauréat en 2005 pour Verre cassé

Pour preuve, moins d’une semaine après la remise de son prix à Paris par le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, Jocelyne Saucier est déjà en tournée au Sénégal. Le 14 décembre, elle participait à une table ronde aux côtés des écrivains Cheikh Hamidou Kane, Ken Bugul, Nafissatou Dia-Diouf, Felwine Sarr et, avec le romancier haïtien Dany Laferrière, parrain de l’événement, elle est l’une des invitées de la Foire internationale du livre de Dakar (Fildak 2011, du 17 au 22 décembre). En janvier, elle sera à Haïti, avant de repasser à Paris, pour le Salon du livre, en mars. Sa « vie est chamboulée », pour le meilleur, Jocelyne Saucier semble ne toujours pas en revenir, mais ne doute plus, désormais, que son « roman éminemment nordique [l’histoire de vieillards dans une forêt de l’Abitibi, dans le Nord du Québec, NDLR] (…), avec ce prix, va trouver son chemin dans la Francophonie, surtout dans les pays du Sud ».

Révélateur de talents

Membres à part entière de la famille, la plupart des anciens lauréats (voir encadré) avaient tenu à être présents, le 9 décembre, pour célébrer la dixième édition du Prix. Alain Mabanckou, Ananda Devi, Kossi Efoui (venu avec quelques mots d’amitié de la part de Wilfried N’Sondé), Hubert Haddad… Autant de noms devenus familiers, sinon célèbres, qui témoignent, eux aussi, de l’originalité et de la profondeur du lien qui les unis au sein de la Francophonie.

« Ce dont je me souviens, raconte Alain Mabanckou, c’est que quand j’ai reçu mon prix et qu’ils ont appris que le lauréat remportait 10 000 euros, les Congolais m’ont tous dit “Il faut nous envoyer le chèque !” Plus sérieusement, je me souviens de ma promenade silencieuse avec Le Clézio à Matonge, le quartier africain à Bruxelles, avant la remise de mon prix, en 2005. Notre partage ne fait pas forcément de bruit. La France est petite comparée à la francophonie. La langue française est ailleurs… Et c’est tant mieux ! »
 

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