Sénégal : à qui profite la désunion de Benno ?
À trois mois de la présidentielle sénégalaise, la scission de la principale coalition de l’opposition, Bennoo Siggil Senegal, ouvre une large voie à Abdoulaye Wade dont la candidature à un troisième mandat est controversée. Mais aussi à ses anciens dauphins Macky Sall et Idrissa Seck, ce qui rend un second tour quasiment inévitable.
Ils étaient nombreux, les militants et sympathisants de la coalition de l’opposition, à attendre le candidat de « l’unité et du rassemblement ». Mais leur rêve s’est brisé : Bennoo Siggil Senegal s’est divisé en deux camps, celui de Moustapha Niasse et celui de Ousmane Tanor Dieng. La déception est palpable chez de nombreux leaders, militants et sympathisants de sensibilité socialiste. Et la candidature d’Abdoulaye Wade, très controversée et soumise à l’autorisation de la Cour constitutionnelle, en sort renforcée. « L’échec de Bennoo est un renoncement à l’engagement fait aux Sénégalais de mettre fin au régime de Wade », a déclaré Moussa Tine, le président de l’Alliance démocratique/Pencoo, moins de vingt quatre heures après l’éclatement de la coalition.
Ce jeune leader de l’opposition va même plus loin. « Comme nous n’avons pas tenu promesse, il se peut que beaucoup d’électeurs s’abstiennent ». Un risque de démobilisation qui n’échappe pas aux autres observateurs. « Aujourd’hui, explique l’analyste politique Ibrahima Sané, la déception est telle que les Sénégalais ont perdu espoir en Bennoo. Or tout ce qui affaiblit Bennoo renforce le candidat Wade qui reste son principal adversaire ». Un avis partagé par Malick Diagne, enseignant-chercheur en sociologie politique à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. « En plus, Bennoo avait su capitaliser toutes les frustrations contre le régime de Wade et engager le combat contre la validité de sa candidature », ajoute-t-il.
Nouveaux acteurs
C’est peu dire que la dynamique unitaire de l’opposition enchantait une bonne partie de l’opinion. À preuve, sa victoire surprise aux élections locales de 2009. Mais la désunion de Benno ne fait pas que l’affaire de Wade. Les autres candidats de l’opposition se posent désormais en alternative. « En terme de report de voix, indique Malick Diagne, la situation sera sûrement beaucoup plus bénéfique aux nouveaux acteurs : Idrissa Seck, Macky Sall et dans une certaine mesure Ibrahima fall », avance-t-il.
Et ces derniers entendent bien tirer la couverture à eux, multipliant les alliances et les partenariats pour élargir leur base électorale. D’autant qu’au vu de la configuration des forces politiques, un deuxième tour à la présidentielle semble inévitable. « Il y a un éclatement des forces et des candidats comme Macky Sall et Idrissa Seck [anciens n° 2 du PDS de Wade, NDLR] vont aussi puiser dans l’électoral libéral, ce qui renforce l’hypothèse d’un second tour », résume Abdou Rahmane Thiam, docteur en science politique.
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Par Nicolas Ly, à Dakar
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