Sénégalais tués en Italie : acte isolé ou dérive idéologique?
L’Italie est sous le choc. Après les deux meurtres de deux vendeurs ambulants sénégalais sur deux marchés de Florence par un militant d’extrême droite le 13 décembre, le pays s’interroge sur la portée de ce drame.
Comment interpréter les meurtres, mardi 13 décembre, de deux vendeurs ambulants sénégalais sur deux marchés de Florence en Italie, par Gianluca Casseri, un militant d’extrême droite ? Acte isolé ou expression d’une dérive idéologique ? Telle est la question qui habite les consciences dans un pays confronté depuis des années à de nombreux problèmes de racisme.
Le maire de Florence Matteo Renzi, étoile montante de la gauche transalpine a dénoncé « la folie raciste et xénophobe » d’un acte qualifié de « geste isolé ». « Florence n’est pas une ville raciste (…) mais victime du racisme », a-t-il affirmé. « Cet homme est parti avec l’idée de tuer, cela aurait pu se produire n’importe où », a-t-il poursuivi.
Allant dans le même sens, l’éditorialiste Vittorio Feltri, dans Il Giornale (droite), quotidien de la famille Berlusconi, a cherché à relativiser la portée du massacre : « Nous sommes seulement en présence d’un individu qui (…) avait déjà montré qu’il n’était pas entièrement sain d’esprit. Un fou, rien de plus ».
Un "climat de racisme et de xénophobie"
Mais pour le Haut-Commissariat pour les Réfugiés de l’ONU (HCR), cette tuerie « met en évidence le climat de racisme et de xénophobie croissants qui a émergé ces dernières années en Italie et dans d’autres pays européens, un danger trop souvent sous-évalué ».
Contre la thèse de l’acte isolé, beaucoup d’éditorialistes souhaitent également donner plus d’importance à ce drame. « Ne traitons pas de fous nos Breivik » estime Adriano Sofri dans La Repubblica (gauche), en allusion à l’auteur du massacre de 77 personnes en Norvège le 22 juillet.
Adriano Sofri dénonce les « errements idéologiques qui ont conduit Breivik, dans sa croisade contre les corrupteurs de la race, à tuer de jeunes Norvégiens et (le tueur de Florence Gianluca) Casseri à passer du fantasme antijuif au massacre de Sénégalais ».
Samedi à Turin, une centaine de jeunes cagoulés, armés de bâtons, de barres de fer et de pierres avait mis le feu à un camp de Roms dans la banlieue de la métropole piémontaise, après l’annonce d’un viol inventé par une Italienne de 16 ans.
"Avec la crise les pires poisons reviennent"
Dans le quotidien La Stampa (modéré), Gianni Riotta va encore plus loin: « Existe-t-il un lien entre la crise de la dette européenne, l’impuissance manifestée lors des sommets et la tragédie de Florence ? », se demande-t-il dans un éditorial titré : « Avec la crise les pires poisons reviennent ».
Gianluca Casseri, était membre de « Casa Pound », une organisation néofasciste friande des thèses identitaires qui stigmatisent les étrangers et dont le nom fait référence au poète américain Ezra Pound, qui, dans les années 1940, a ouvertement soutenu les théories racistes du dictateur fasciste Benito Mussolini.
L’organisation a tenu à prendre ses distances avec l’auteur de la tuerie. Pour Sébastien Manifitat, responsable des relations extérieures à Casa Pound, l’organisation est étrangère à cet acte, le fait d’« un fou, un homme qui a perdu la raison ».
Son président Gianluca Iannone, a adressé à l’ambassadeur du Sénégal à Rome une lettre dans laquelle il exprime sa « condamnation totale et inconditionnelle du geste fou qui a ensanglanté Florence ». La direction de Casa Pound doit également rencontrer des responsables de la communauté sénégalaise en fin de semaine.
(Avec AFP)
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