Bénéwendé Sankara : « Le pouvoir burkinabè manoeuvre pour modifier l’article 37 » de la Constitution
Le assises nationales du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) se sont ouvertes le 6 décembre à Ouagadougou, avec quelque 2 000 représentants de partis politiques, de la société civile, de chefs coutumiers et religieux et de la diaspora burkinabè. Mais la plupart des partis d’opposition en sont absents. Il soupçonnent Blaise Compaoré de vouloir faire sauter le verrou de l’article 37 qui limite à deux le nombre des mandats présidentiels. Entretien avec l’avocat Bénéwendé Stanislas Sankara, chef de file de la principale coalition de l’opposition, l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (Unir/PS).
Jeuneafrique.com : Pourquoi avoir choisi de boycotter les assises nationales sur les réformes ?
Bénéwendé Stanislas Sankara : Ces assises se tiennent sur la base des conclusions du Conseil consultatif pour les réformes politiques (CCRP), qui lui-même est un organe illégal, en ce sens que les représentants qui ont siégé pour le compte de l’opposition ne sont pas reconnus par la coalition des 46 partis d’opposition que nous représentons. Le pouvoir a coopté des représentants de l’opposition sur la base de la complaisance. Pour nous, le CCRP a donc été constitué sur une base fausse dès le départ.
Dans le fond, n’était-il pas finalement indiqué de participer aux assises, après que le Conseil d’État burkinabè a débouté votre recours contestant la présence des représentants de l’opposition au sein du CCRP ?
Le Conseil d’État nous a débouté sur la forme, et n’a donc pas statué sur le fond. Le Conseil d’État a estimé que nous n’avions pas qualité pour le saisir de cette plainte. Pourtant, nous avons bien qualité pour le faire, sur la base de la loi de 2009 votée par une Assemblée nationale dominée à 90% par la mouvance présidentielle, et qui définit le statut de l’opposition politique.
Nous ne pouvons pas participer au CCRP parce que c’est un congrès bis du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès, du président Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 24 ans, NDLR), avec des délégués choisis sur la base d’on ne sait quoi. L’argent utilisé pour organiser ces assises inutiles – au départ, on a parlé de 500 millions FCFA, peut-être qu’à la fin, ce sera plus…- aurait pu servir à financer la Commission électorale nationale indépendante (Ceni, qui doit organiser les élections législatives en 2012, NDLR). La question sur les réformes, nous la posons depuis 2000, ce n’est donc pas un débat nouveau.
L’une de ces questions est relative à l’article 37 de la Constitution qui définit les conditions d’éligibilité à l’élection présidentielle. Le débat se situe au niveau du verrou des deux mandats non renouvelables, qui empêche pour l’instant le président Compaoré de se représenter en 2015. Quelle est votre position sur cette question ?
Pour nous, le débat sur l’article 37 ne se pose pas. La Constitution dit que le président ne peut se représenter après deux mandats consécutifs. Il n’y a plus de débat. La société civile ne veut pas d’une autre modification, la classe politique – y compris certains responsables du CDP et des « opposants » qui siègent au CCRP -, ne veut pas d’une nouvelle modification. Le fait de poser le problème au CCRP était donc déjà pernicieux. C’est pourquoi nous disons qu’en réalité, ces assises sont une manœuvre du pouvoir, pour aboutir à une proposition selon laquelle l’article 37 peut être modifié.
Qu’allez-vous faire si la modification de l’article 37 est proposée à l’issue des assises qui prennent fin vendredi 9 décembre ?
Nous avons interpellé Blaise Compaoré et nous continuerons de l’interpeller sur sa responsabilité personnelle. Il doit s’exprimer clairement sur la question comme l’a fait au Mali, le président Amadou Toumani Touré et comme le fait au Bénin, le président Boni Yayi. Il doit pouvoir dire au peuple burkinabè qu’il n’a pas l’intention de toucher à l’article 37 et qu’il va se retirer, comme le recommande la Constitution, après ce mandat.
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Propos recueillis par André Silver Konan
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