« Mini-Constitution » tunisienne : une polémique et des compromis
Les débats pour l’adoption de la « mini-Constitution » se poursuivent à l’Assemblée tunisienne. Le parti vainqueur des élections a fait un pas vers l’opposition en accédant à certaines de ses demandes, mais les détracteurs d’Ennahdha fustigent la volonté du parti islamiste de vouloir « concentrer tous les pouvoirs ».
À la faveur de deux jours de débats houleux, l’Assemblée constituante tunisienne a posé la première pierre des futures institutions du pays. Alors que la composition du gouvernement devrait être annoncée samedi 10 décembre, un mois et demi après les élections du 23 octobre, le préambule et les six premiers articles de la « mini-Constitution », qui définit les l’organisation des pouvoirs de la république, ont été adoptés mercredi par les élus.
Selon le préambule du texte, les députés s’engagent à « réaliser les objectifs de la révolution et à réussir le processus fondateur de la démocratie ». Les élus sont donc les détenteurs du « pouvoir législatif originel ayant mandat du peuple pour rédiger une constitution conforme aux objectifs de sa révolution ».
De lourdes controverses agitent cependant l’élaboration de cette « mini-Constitution », notamment en ce qui concerne les articles régissant les prérogatives des têtes de l’exécutif, le président et le Premier ministre. Les députés du PDP (centre-gauche) sont montés au créneau, reprochant au projet de loi « de ne pas tenir compte de l’équilibre entre les différents pouvoirs, et de concentrer tous les pouvoirs entre les mains du Premier ministre », selon les propos d’Ahmed Nejib Chebbi, le fondateur du parti. L’élu regrette que « le président de la République soit dessaisi de toutes ses prérogatives et que le peu de pouvoirs qui lui soient dévolus dépendent de l’autorité du Premier ministre ».
Jeudi matin, les élus devaient débattre de l’un des textes les plus délicats, l’article 7 du projet d’organisation provisoire des pouvoirs. Cet article prévoit de déléguer les pouvoirs exécutifs et législatifs, ou une partie d’entre eux, aux trois présidents (Président de l’Assemblée, de la République et le chef du gouvernement) en cas de « circonstances exceptionnelles », sans en définir les conditions. Noômane Fehri, un élu Afek Tounes, a donc demandé à ce que les discussions sur cet article soient reportées à une date ultérieure. « Nous connaissons le résultat si nous passons immédiatement au vote, a-t-il affirmé, mais nous ne pouvons pas nous permettre de prendre à la légère un article présentant autant de dangers et pouvant ouvrir la porte à une nouvelle dictature », a-t-il déclaré, cité par le site internet Business News.
"Concessions positives"
Sous la pression de l’opposition et de la société civile, Ennahdha a déjà fait quelques concessions. Comme l’opposition qualifiait « d’hérésie » la possibilité de pouvoir voter à la majorité qualifiée une motion de censure contre le gouvernement, le parti islamiste a fait marche arrière. La majorité absolue sera désormais requise pour accorder ou retirer la confiance au gouvernement, au président de la République et au président de la Constituante. Ennahdha a par ailleurs accepté d’inscrire le Code du statut personnel dans la loi fondamentale.
« Ce sont des concessions positives, nous en prenons acte et nous continuerons à être vigilants pour obtenir une organisation qui assure le meilleur équilibre possible entre les pouvoirs », a estimé Ahmed Nejib Chebbi. « Ces concessions sont le fruit de la pression de l’opinion publique, de l’opposition et des partis minoritaires », a déclaré de son côté Khemais Ksila, du parti Ettakatol.
L’opposition souhaitait par ailleurs inscrire la limitation à un an du mandat de l’Assemblée constituante, mais cette proposition n’a pas été retenue, au motif que cette disposition faisait déjà l’objet d’un accord de principe entre onze des principaux partis tunisiens. Les élus de la coalition tripartite formée par le parti islamiste Ennahdha (89 élus) et ses deux alliés de gauche Ettakatol (20 élus) et le Congrès pour la République (29 élus) ont été ralliés par d’autres députés pour voter contre cet amendement.
Une fois la « mini-Constitution » adoptée, les députés pourront procéder à l’élection du président de la République, poste réservé au dirigeant du Congrès pour la République, Moncef Marzouki. La primature reviendra à Hamadi Jebali, le numéro 2 d’Ennahdha.
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