Égypte : quand les islamistes du PLJ soignent leur image sur le web 2.0

À l’image d’Ennahdha en Tunisie, les Frères musulmans égyptiens du PLJ sont en passe de remporter les législatives égyptiennes. Et comme d’autres partis islamistes maghrébins, ils ont fait des réseaux sociaux un de leurs outils stratégiques. Entre communication politique et recherche de respectabilité internationale.

Capture d’écran du site officiel des Frères musulmans égyptiens. © D.R.

Capture d’écran du site officiel des Frères musulmans égyptiens. © D.R.

Publié le 2 décembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Dans l’Égypte révolutionnaire où ils sont en tête des législatives, les Frères musulmans ont compris l’utilité des réseaux sociaux, outils phare du Printemps arabe. Sur Twitter, le Parti de la justice et de la liberté (PLJ) dispose de son compte officiel : @FJparty. Près de 5 000 « tweets » y ont déjà été postés et 8 031 personnes s’étaient abonnés au 1er décembre. La mouvance islamiste est également bien implantée sur le « roi » des réseaux sociaux Facebook, où 165 000 fans suivent l’actualité du PLJ, qui dispose aussi de nombreux sites d’informations sur la Toile, comme sa plateforme officielle Ikhwanweb.com.

À première vue, la raison de cette forte présence des Frères musulmans sur le Web 2.0 est évidente. « Comme les autres acteurs du monde politique, ils ont compris que les réseaux sociaux offrent l’opportunité de s’adresser à l’opinion et d’établir un lien social », note François-Bernard Huyghe, chercheur spécialiste des stratégies de l’information à l’IRIS et interrogé par jeuneafrique.com.

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Mais derrière les « like » Facebook du PLJ, se cache autre chose qu’une simple présence sur le web 2.0. « L’une des raisons de la venue des islamistes sur les réseaux sociaux est la recherche d’une certaine respectabilité à l’échelle internationale », poursuit Huyghe. « Ils sont conscients du rôle de l’opinion. À l’image des périodes électorales où les islamistes ont joué la carte de l’apaisement, les réseaux sociaux leur permettent de s’offrir une nouvelle image. C’est une illusion d’optique ».

D’ailleurs si les Frères musulmans s’expriment en partie en anglais sur les réseaux sociaux, ce n’est pas un hasard. Dans un article intitulé « Les Frères musulmans prennent Twitter » paru sur le site Foreign Policy, Ed Husain auteur de l’ouvrage Les Islamistes, s’exprime sur ce choix linguistique. « Les islamistes permettent à leurs membres qui parlent anglais couramment et qui s’expriment bien de se mettre en avant. Mais ce n’est pas une population représentative de l’épine dorsale des Frères musulmans, qui est vraiment conservatrice. »

Une équipe web de 15 à 20 personnes

Les Frères musulmans ne sont pas des nouveaux venus sur le web. Leur compte Twitter date de 2009. Une autre époque, celle de l’Égypte de Moubarak, où l’accès aux médias leur était interdit. « Les réseaux sociaux leur ont offert l’opportunité de contourner cette exclusion de la sphère médiatique et de s’offrir une tribune », affirme Malky, administrateur sur le compte Twitter du PLJ, interrogé par Foreign Policy.

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Aujourd’hui, les islamistes égyptiens sont devenus de vrais professionnels des réseaux sociaux. De leur site officiel à leurs comptes Facebook où Twitter, une équipe de 15 à 20 personnes gèrent leur « e-reputation ». Une politique visible sur le site de micro-blogging où les islamistes sont beaucoup plus « agressifs » qu’à leur arrivée en 2009. Au contraire du leader du PLJ Mohammad Moursi, qui est suivi par 1 156 followers mais ne « tweet » quasiment pas, les administrateurs du compte Twitter du PLJ ont instauré un véritable dialogue avec les internautes et commentent sans cesse l’actualité politique égyptienne.

Au risque d’aller parfois à l’encontre de la ligne du parti ? Technophiles et très jeunes, les membres du pôle Internet des Frères musulmans peuvent paraître en décalage avec le parti. Des rappels à l’ordre des caciques du PLJ ont d’ailleurs déjà eu lieu sur des questions sensibles. Dernièrement, les community managers du PLJ ont « tweeté » qu’une femme copte pourrait être nommée à la présidence « si cela était nécessaire ». Le parti a aussitôt nuancé ce propos, se disant favorable à la nomination d’« une femme copte comme présidente si le peuple l’élisait ». Puis il avait ajouté : « La nomination est une chose, l’élection par la majorité en est une autre ». Un quiproquo qui avait rendu la position du PLJ sur le sujet pour le moins confuse.

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Mais ce léger hiatus n’est pas un véritable problème pour le PLJ, selon François-Bernard Huyghe. « Il y a beaucoup de conformisme sur Internet et sur les réseaux sociaux en particulier. Les internautes échangent avec des gens qui ont les mêmes caractéristiques sociales qu’eux. Le risque de s’exposer aux critiques est donc limité. » Mais il devrait s’accroître sensiblement dans un proche avenir, si le PLJ s’empare des rènes de l’Égypte post-Moubarak…

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