Libye : la CPI enquête sur les femmes victimes de viols
Une délégation de la Cour pénale internationale (CPI) a commencé à enquêter sur les crimes sexuels en Libye jeudi 1er décembre. L’objectif est de faire la lumière sur les viols commis pendant les huit mois de révolte qui ont conduit à la chute du colonel Kadhafi.
« Nous sommes ici pour mener une enquête sur des crimes sexuels », a expliqué Jane O’toole, qui dirige une équipe de la Cour pénale internationale (CPI) arrivée en Libye mercredi 30 novembre. La délégation a pour mission de faire la lumière sur les viols commis par des fidèles de feu Mouammar Kadhafi, lors des huit mois de révolte populaire qui ont conduit à sa chute.
Viols en série
Dès le mois de juin, le procureur de la CPI Luis Moreno Ocampo avait déclaré disposer de preuves à l’encontre du « Guide ». L’ex-dictateur aurait en effet ordonné des viols en série lors de la révolte. Pour mener à bien cette « mission », il aurait même fait distribuer des stimulants sexuels – du type viagra- à ses soldats.
Les membres de la CPI ont écouté les témoignages des victimes libyennes dès mercredi soir lors d’une conférence de presse. Plusieurs femmes ont raconté les atrocités subies, avant ou pendant la révolution, et qu’elles imputent à des responsables du régime de Kadhafi. L’une d’elle, Latifa Mesbah Humayar a relaté son agression sexuelle en 1999 à l’orphelinat de Tripoli, lieu dans lequel elle avait grandi puis passé une parti de sa vie d’adulte. « J’ai été violée à l’orphelinat par des fonctionnaires du ministère de la Santé parce que j’ai parlé ouvertement contre Kadhafi. C’était choquant. Des gens qui étaient censés prendre soin des orphelins comme moi, se sont transformés en ennemis ».
Dénonçant la connivence de hauts responsables du régime, elle a précisé qu’il « y avait des agressions sexuelles régulières ». « J’ai souffert de séquelles physiques et sexuelles. Tout cela a été commis par l’ancien régime », a-t-elle expliqué, appelant la CPI à « enquêter et à traduire les criminels devant la justice ».
Une autre femme a raconté sa triste expérience. Militante féministe et blogueuse, Ghaida Touati a été emprisonnée durant trois mois dans la célèbre prison d’Abou Slim à Tripoli, quatre jours après sa rencontre avec le colonel Kadhafi dans sa résidence de Bab al-Aziziya.
"Vous êtes une brave fille"
« Je l’ai rencontré pour lui parler des violences contre les femmes en Libye et il a dit: « vous êtes une brave fille, et nous avons besoin de nombreuses filles comme vous en Libye ». Quatre jours plus tard, j’ai été arrêtée », a-t-elle expliqué. « J’ai été menacée, agressée et insultée. Tout cela pour avoir écrit sur les violences contre les femmes. Il est de notre devoir de traduire ces criminels de Kadhafi devant la justice… des criminels qui ont violé nos vies privées juste parce que nous avons réclamé la liberté », a-t-elle clamé. « J’espère que la communauté internationale nous aidera en portant nos cas devant la Cour (pénale) internationale », a demandé Ghaida Touati.
« Nous n’enquêtons pas sur chaque crime mais sur les plus graves et ceux qui constituent des crimes majeurs » a indiqué Jane O’toole, précisant que l’objet de l’enquête était également de savoir qui avait ordonné ces crimes.
Pourtant, la délégation de la CPI ne prévoit de rester en Libye que jusqu’à vendredi. Pas sûr que ces trois jours suffisent pour entendre les victimes. D’autant que ces crimes pourraient concerner des milliers de femmes. « Les associations qui ont récolté des informations à ce sujet estiment à 8000 le nombre de cas », explique Jalila Ouraieth, fondatrice de l’ONG libyenne Phoenix.
Attentes
Samedi 26 novembre, l’association a organisé une marche silencieuse dans les rues de Tripoli. Une centaine de femmes s’est réunie afin de réclamer de l’aide du nouveau gouvernement libyen. Ces libyennes, qui ont osé briser le tabou du viol, veulent aujourd’hui être entendues par les autorités. « Nous avons attendu des actions concrètes, une aide gouvernementale ou un soutien officiel, mais jusqu’à présent, la seule réponse a été le silence », déplore Jalila Ouraieth.
Le Premier ministre a pour sa part assuré à ces femmes que leur revendication constituait « une priorité », selon les propos rapportées par la co-fondatrice de Phoenix, Amira Alshokri. « Il nous a dit « votre demande a du sens et sera adressée au ministre des Affaire sociales, avec laquelle vous pourrez être en contact », a expliqué la militante.
(Avec agences)
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