Égypte : grand succès des premières élections législatives de l’ère post-Moubarak

Le deuxième jour des élections législatives égyptiennes s’est déroulé dans le calme, marqué par une mobilisation plus faible que celle du premier jour.

File d’attente devant un bureau de vote le 28 novembre 2011 au Caire. © Mohammed Hossam/AFP

File d’attente devant un bureau de vote le 28 novembre 2011 au Caire. © Mohammed Hossam/AFP

Publié le 29 novembre 2011 Lecture : 4 minutes.

 « C’est important pour moi de voter car je sens que pour la première fois, ma voix compte », explique Rafiq, 30 ans, interrogé par l’AFP devant un bureau de vote du quartier huppé d’Héliopolis, à l’Est du Caire.

Comme Rafiq, ils sont plusieurs à s’être déplacés mardi matin pour ce deuxième jour des élections législatives égyptiennes. Un scrutin historique, dont le déroulement sans heurt et l’affluence sans précédent ont été salués par la presse égyptienne : « naissance d’une nouvelle Égypte » titrait ainsi le quotidien gouvernemental Al-Akhbar. « Le peuple réussit le test de la démocratie », clamait de son côté le quotidien indépendant Al Masri al-Youm.

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Lundi soir, l’ouverture des bureaux de vote a ainsi été prolongée de deux heures, pour faire face à la forte affluence des électeurs et compenser la perte de temps due à quelques problèmes techniques. C’est ainsi que dans certaines circonscriptions, les électeurs se sont retrouvés à court de bulletins de vote alors que dans d’autres, les juges qui supervisaient le scrutin sont arrivés en retard.

Pour éviter tout risque de fraude pendant la nuit, les urnes ont été scéllées lundi soir par les juges puis placées sous la responsabilité des forces de sécurité du ministère de l’Intérieur. D’une manière générale, le scrutin s’est bien déroulé même si les partis ont continué à faire campagne devant les bureaux de vote, en dépit de l’interdiction légale. Certains observateurs ont par ailleurs dénoncé des achats de voix dans ce qui semble être des incidents marginaux.

Si la mobilisation du deuxième jour des élections semblait moins importante que pour le premier, plusieurs files d’attentes s’étaient déjà formées mardi matin devant les bureaux de vote, avant même leur ouverture. Les médias ont particulièrement salué la participation des femmes, dont les files d’attentes devant les bureaux de vote étaient jugées plus longues que celles des hommes. Des femmes dont le quota de représentation fixé à 20 % par l’ancien régim, a été supprimé pour ce premier scrutin postrévolutionnaire.

Élections pharaoniques

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Dans le pays le plus peuplé du monde arabe avec 80 millions d’habitants, les statistiques sont tout de suite impressionnantes : 17,5 millions d’électeurs sur 50 millions, étaient ainsi appelés à participer à cette première phase des élections. Soit un tiers des circonscriptions électorales du pays, qui comprennent plusieurs gouvernorats importants, comme celui du Caire ou d’Alexandrie.

Les électeurs doivent élire 168 des 498 députés de la chambre basse. Pour ce faire, ils devaient faire leur choix entre les alliances formées par la cinquantaine de partis qui constituent aujourd’hui le paysage politique égyptien, et les 1 563 candidats indépendants.

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Les restes des circonscriptions égyptiennes voteront lors des deuxième et troisième phases, qui auront lieu successivement jusqu’au 11 janvier. Avant que ne débutent les élections pour le Sénat, qui prendront fin début mars.

Les frères donnés favoris

Après les scrutins largement remportés par les islamistes au Maroc et en Tunisie, les Frères musulmans restent plus que jamais confiant dans leurs chances de remporter ces élections. Les résultats complets ne seront pas connus avant des mois, mais pour le vice-président du parti de la confrérie, Liberté et Justice, l’islam politique va s’imposer également en Égypte, comme en Tunisie ou au Maroc, et obliger le monde à l’accepter. « Il est temps désormais que les capitales du monde qui ont soutenu Moubarak disent qu’elles acceptent l’issue du scrutin. Maintenant, pas après les résultats », a indiqué Essam al-Erian à l’AFP.

Face aux Frères musulmans se présentent des dizaines de partis salafistes (fondamentalistes musulmans), libéraux ou de gauche, le plus souvent récents et encore mal implantés. De nombreux élus de l’ancien parti de Moubarak, aujourd’hui interdit, tentent également leur chance comme indépendants ou sous des bannières politiques nouvelles.

De son côté le Conseil suprême des forces armées s’est exprimé par la voix de son porte-parole, Ismaïl Etmane qui a indiqué que « le maréchal Hussein Tantaoui [était] ravi de constater la participation massive de l’ensemble des citoyens, et notamment celle des femmes et des jeunes ».

Dopé par l’euphorie électorale, le principal indice de la Bourse du Caire (EGX) a clôturé sur une forte hausse de 5,48%, soit des gains de plus de deux milliards de dollars en une journée, selon les médias.

Appels au boycott

Il y a une semaine, personne n’aurait pourtant pu parier sur la réussite de ces élections : les campagnes électorales des partis et des candidats avaient été éclipsées par une poussée de contestation du pouvoir militaire qui dirige le pays depuis la chute de Moubarak, émaillée ces derniers jours de violences qui ont fait 42 morts et plus de 3 000 blessés.

Une contestation qui ne s’est toujours pas essoufflée. L’enthousiasme général ne semble pas avoir gagné la place al-Tahrir, épicentre de la contestation. « Ce qu’on demande ici, c’est la chute du maréchal Tantaoui, donc évidemment je ne participerai pas aux élections qu’il organise », explique Omar Hatem, étudiant de 22 ans.

Non loin de l’emblématique place, face aux bureaux du premier ministre, une partie des manifestants affirme ne pas avoir confiance dans le pouvoir des urnes et appelle au boycott des élections. Pour beaucoup, le futur parlement, qui doit nommer une commission chargée de rédiger la future Constitution du pays, n’aura que des pouvoirs très limités.

Un sentiment conforté par une récente interview du général Mamdouh Shahine, membre du Conseil suprême des forces armées. Ce dernier expliquait ainsi que légalement, le Parlement ne peut avoir qu’une faible influence sur le gouvernement. Et ne pourra exercer de motion de censure sur l’appareil exécutif.

Car jusqu’aux élections présidentielles, prévues avant juin 2012, le Conseil suprême conserve un contrôle absolu sur les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire du pays. C’est en tout cas ce que prévoit la déclaration constitutionnelle adoptée unilatéralement en Mars 2010 par les nouveaux maîtres de l’Égypte.

(Avec AFP)

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