Égypte : veille d’élections historiques dans un contexte chaotique

L’armée au pouvoir en Égypte s’est excusée jeudi pour les morts tombés place Al-Tahrir. Mais les manifestants restent plus que jamais déterminés à faire tomber le régime militaire.

Affrontement près de la place Tahrir le 23 novembre 2011. © AFP

Affrontement près de la place Tahrir le 23 novembre 2011. © AFP

Publié le 24 novembre 2011 Lecture : 4 minutes.

35 morts et 2000 blessés. Tel est le bilan, à ce jour, des affrontements en Égypte qui opposent depuis vendredi 18 novembre jeunes révolutionnaires et forces de l’ordre. Une recrudescence de la violence qui, loin de décourager les manifestants, a permis au pays de renouer avec l’esprit révolutionnaire.

« Le conseil suprême s’est déjà aliéné les coptes après les évènements de Maspero, le reste de la population soutenait l’armée, mais ce soutien est en train de disparaître» explique Ammar Ali Hassan, célèbre écrivain et politologue égyptien. Il renchérit : « la violence avec laquelle les manifestations sont réprimées depuis vendredi fait que les gens se rendent compte qu’il n’y a pas de changement. Le ministère de l’Intérieur emploie les mêmes politiques de répression. Les révolutionnaires se rendent compte que la confrontation directe est devenue inévitable.»

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Jeudi pourtant, un accord était conclu entre les forces de l’ordre égyptiennes et les manifestants, afin d’assurer une trêve des combats. « Un accord a été conclu entre les forces de sécurité et les manifestants portant sur l’arrêt total des heurts entre les deux parties dans la rue Mohamed Mahmoud qui mène au ministère de l’Intérieur », près de l’emblématique place Tahrir, a indiqué le Conseil des ministres.

Sursaut révolutionnaire

Mardi 22 novembre, la mobilisation avait été particulièrement importante place Al-Tahrir, après des mois de relâchement causés par la chaleur estivale, le mois du jeûne de ramadan, et la lassitude d’une grande partie des citoyens inquiétés par les répercussions économiques de l’effervescence politique.

« Nous devons revenir à la place Tahrir pour réaliser notre objectif de faire tomber le maréchal Hussein Tantawi », explique à l’AFP Sameh Mahmoud, un avocat de 35 ans.

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L’armée égyptienne a pourtant exprimé « ses regrets » et présenté « ses profondes excuses pour la mort en martyrs d’enfants loyaux de l’Égypte ». Mais rien y fait. Après des mois de mauvaise gestion politique, les manifestants ne veulent pas quitter la place tant que le Conseil suprême n’abandonne pas le pouvoir au civil.

Dans une tentative d’amadouer les manifestants, le maréchal Hussein Tantawi, est apparu mardi soir à la télévision, pour annoncer la démission du gouvernement et promettre une présidentielle avant fin juin 2012. Un discours qui n’a pas manqué de rappeler ceux du président déchu Hosni Moubarak, amenant certains à prédire au Maréchal un avenir similaire à celui de l’ancien dictateur accusé aujourd’hui de corruption et du meurtre de 850 manifestants.

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Violences policières

Comme en Janvier, les affrontements ont eu lieu dans tout le pays : sur la côte méditerranéenne, à Alexandrie et à Marsa Matrouh, mais aussi dans le Sinaï, dans les villes de Suez et de Port Saïd, ainsi que dans le sud du pays, à Assouan et à Assiout. Les forces de l’ordre sont accusées par des militants et des médecins de viser les manifestants aux yeux, avec des tirs de balles en caoutchouc.

Une vidéo vue des milliers de fois sur Youtube a particulièrement choqué dans le pays : elle montre un officier féliciter un de ses collègues qui tirent sur les manifestants : « Dans son œil ! C’est dans son œil ! Bravo ! ». L’usage massif de gaz lacrymogènes toxiques est également mis en cause dans des décès par asphyxie. Tout comme les médecins ont signalés des décès par tirs à balles réelles.

Dans une prise de position d’une fermeté inédite, le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed al-Tayeb, plus haute institution de l’islam Sunnite, qui siège au Caire, a appelé la police à ne pas tirer sur les manifestants. Des cheikhs ont également réussit à négocier mercredi un cessez-le-feu de quelques heures, avant que les violences ne reprennent aux abords de la place Al-Tahrir.

Quid des élections ?

Dans ce contexte, personne ne semble se préoccuper des législatives, qui doivent débuter lundi 28 novembre. Le conseil suprême refuse de décaler les élections, à l’heure où plusieurs candidats ont déjà momentanément suspendu leurs campagnes électorales, par solidarité avec les manifestants de la place.

« Ces élections, si elles sont maintenues la semaine prochaine, vont se dérouler dans un contexte catastrophique » prédit Névine Mossaad, professeur de Sciences Politiques à l’Université du Caire.

Plusieurs personnalités politiques ont renouvelé leurs appels à « un gouvernement de salut national ». Mais si le gouvernement du premier ministre Essam Sharaf a effectivement démissionné, il est prévu qu’il reste au pouvoir jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement, reporté sine die. Des négociations ont eu lieu entre les généraux du conseil suprême et les chefs de partis politiques. L’ancien chef de l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mohamed al-Baradai, est pressenti pour prendre la direction du nouveau gouvernement. Ce dernier a cependant indiqué qu’il n’accepterait le poste de premier ministre qu’après s’être assuré que ses prérogatives ne seraient pas entravées.

(Avec AFP)

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