Libye – CPI : bras de fer en gants de velours sur le cas Seif el-Islam
Les autorités libyennes sont devant un dilemme : soit elles jouent le jeu des instances internationales en livrant à la CPI Seif el-Islam Kadhafi et Abdallah Senoussi, soit elles montrent leur indépendance vis à vis des Occidentaux, en risquant de perdre une partie de leur soutien.
Mis à jour à 12h41
Alors que les autorités libyennes ont affirmé ne pas vouloir livrer à la justice internationale Seif el-Islam Kadhafi, capturé dans la nuit de vendredi à samedi dernier, ou Abdallah Senoussi, ancien chef des renseignements libyens arrêté dimanche, le procureur de la Cour pénale internationale, Luis-Moreno-Ocampo est arrivé dans la capitale libyenne ce mardi. Objectif : plaider sa cause et faire respecter à Tripoli ses obligations en vertu d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU datant du 26 février.
Mais le chemin est étroit pour Moreno-Ocampo, qui devra d’abord travailler avec humilité. « Le test pour le procureur est de trouver le bon équilibre entre le respect des nouvelles autorités et le rappel de leurs obligations », explique Dov Jacobs, professeur de droit international à l’Université de Leiden (ouest des Pays-Bas).
Si Moreno-Ocampo devra « être logique et clair avec les autorités libyennes sur ce que la loi exige de leur part », précise Richard Dicker, expert en justice internationale de l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch, « il devra le faire de manière très respectueuse et respecter le peuple libyen. Il doit garder à l’esprit que sa compétence est limitée à des faits qui portent sur quelques semaines en février, alors que les Libyens ont souffert sous le régime Kadhafi pendant les quatre dernières décennies ».
Demande à la CPI
En fait, la CPI ne peut poursuivre des auteurs de génocide, de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre que lorsque la justice nationale ne veut pas ou ne peut pas mener une enquête ou des poursuites à leur encontre. Après la saisie de la Cour, les nouvelles autorités libyennes peuvent toujours poursuivre dans leur pays Seif el-Islam Kadhafi (39 ans) et Abdallah Senoussi (62 ans), qui font tous deux l’objet de mandats d’arrêt de la CPI depuis le 27 juin. Mais pour le faire, elles devront soumettre une demande formelle à la CPI et convaincre les juges que le justice nationale est opérationnelle. Or c’est là que le bât blesse.
« Étant donné l’effondrement total du système judiciaire libyen et les difficultés à trouver des juges impartiaux et indépendants, étant donné ce qui est arrivé (…) à Kadhafi, tout cela suggère qu’ils auront de grandes difficultés à convaincre la CPI », assure Christopher Hall, conseiller légal d’Amnesty International pour la justice internationale.
Arrestations arbitraires et mauvais traitements
De fait, le nouveau régime tarde à mettre en place une justice de transition. Des centaines de prisonniers sont toujours détenus dans l’attente de leur procès. Des organisations de défense des droits de l’Homme ont demandé sans succès aux nouvelles autorités de mettre fin aux arrestations arbitraires et aux mauvais traitements infligés aux prisonniers. Et les établissements pénitntiaires sont tenus par des volontaires.
Pour pallier l’insuffisance du système judiciaire libyen, certains analystes avancent l’idée d’un procès en Libye sous l’autorité de la CPI. Mais la solution comporte de gros problèmes de sécurité.
« Il n’y a qu’une seule option », conclut finalement Christopher Hall : « la Libye a l’obligation, conformément à la résolution 1970 du Conseil de sécurité, de remettre les deux personnes rapidement à la CPI. » Les autorités vont-elles plier ? « C’est un test crucial pour le gouvernement libyen, commente Richard Dicker. Cela serait une erreur d’ignorer ou de bafouer la résolution du Conseil de sécurité qui a déclenché tout le processus » menant à la chute du régime, ajoute-t-il. Mais ce serait aussi une manière pour le gouvernement libyen de prouver qu’il s’affranchit du soutien occidental.
(avec AFP)
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