Côte d’Ivoire : le « black market » d’Adjamé sort du noir

Sous l’impulsion des nouvelles autorités ivoiriennes, depuis le mois d’octobre, le marché noir d’Adjamé (commune commerciale d’Abidjan), plus connu sous le nom de « black market », essaye de se refaire une réputation. Avec un certain succès commercial.

Une rue du black market d’Adjamé, à Abidjan. © D.R.

Une rue du black market d’Adjamé, à Abidjan. © D.R.

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 18 novembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Un samedi de début novembre au « black market » d’Adjamé. Les vendeurs ambulants de téléphones portables neufs, d’occasion, ou volés, froncent les sourcils au passage d’un 4X4 rempli de soldats des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Le véhicule roule à tombeau ouvert, et manque de renverser une vendeuse d’eau glacée en sachets.

La voie empruntée par le véhicule militaire a été dégagée il y a peu à coups de matraques, de bottes et de ceinturons par les FRCI. Il y a deux mois encore, nul ne se doutait que cette voie où passe aujourd’hui sans trop de problème les voitures et les « gbaka » collectifs en était une. Elle ne servait alors que de lieu de regroupement de revendeurs de téléphones portables, de chaussures, de vêtements, etc. et de clients, à la recherche de produits moins chers. Dans un brouhaha indescriptible, les marchandages allaient bon train. Cette voie principale du « black market » était aussi un repère de jeunes dealers, et un refuge pour arracheurs de sacs à main, de bijoux et de portefeuilles, qui pouvaient se fondre dans l’immensité de la foule.

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Depuis août, après le lancement de l’opération « Pays propre » par la ministre de la Salubrité urbaine, Anne Désirée Ouloto, celle-ci menaçait de faire déguerpir les commerçants illégaux du « black market ». C’est-à-dire tous ceux qui s’y « débrouillaient » sans avoir été recensés par les services municipaux et qui, de ce fait, n’avaient pas d’espace fixe et ne payaient ni taxes ni patente.

Vives altercations

Quand l’opération de salubrité publique a démarré, de vives altercations avaient éclaté entre les jeunes « blackistes », comme on les appelle à Abidjan, et les FRCI. L’un d’entre eux, Laurent Adji, raconte : « Les autorités voulaient que nous quittions carrément les lieux. Pour nous, cela signifiait le chômage. De même, les FRCI ont usé de violences inutiles. Mais nous nous sommes compris : en fin de compte, les autorités ont expliqué que ce n’était pas un déguerpissement, mais l’ouverture des voies du marché pour plus de sécurité », poursuit ce revendeur de téléphones portables « Chinetoc » (contrefaçon fabriquée en Chine), qui est aussi étudiant à l’université de Cocody (Abidjan), fermée depuis la chute de Laurent Gbagbo, le 11 avril.

En fait, les « blackistes » craignaient que la réorganisation du marché ne détruise le mythe du « black market », à l’instar de ce qui s’est passé avec la « Rue Princesse », aujourd’hui rasée et assainie. Mais ils admettent qu’ils s’étaient en partie trompés car « depuis que les voies sont dégagées et que les FRCI font souvent des rondes, il y a moins d’agressions et les petits dealers qui salissaient la réputation du marché commencent à déguerpir des lieux », explique Laurent.

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Les affaires au rendez-vous

Le « black market » d’Adjamé ne fait plus (trop) peur. Un sentiment de sécurité partagé par la plupart des habitués du marché qui se déplacent plus aisément dans le quartier. Tt les commerçants réguliers qui vendent leurs marchandises (appareils électroménagers, vêtements, étoffes, etc.) se frottent eux aussi les mains car les affaires sont au redez-vous.

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Quand les FRCI ne sont pas là pour dissuader d’éventuels voyous, les vigiles aux muscles saillants et au regard grave de la société de gardiennage « Black Tiger », dont le siège est dans l’enceinte du « black market », sont prêts à s’occuper des fauteurs de troubles. Progressivement, le marché émerge à la lumière. Mais ce n’est pas la première fois que les autorités tentent d’y mettre bon ordre. La question est de savoir combien de temps cela va durer…

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Par André Silver Konan, à Abidjan

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