France : quand Marine Le Pen se met à table avec les « femmes arabes de la presse »
Printemps arabe, immigration, conflit israélo-palestinien, Françafrique… Invitée à déjeuner par l’Association des femmes arabes de la presse et de la communication (Afacom), le 9 novembre, Marine le Pen s’est livrée à son sport favori : rassurer et tenter de séduire ceux qui, a priori, lui sont opposés. Morceaux choisis.
C’est une grande blonde élégante, à la poignée de main ferme et au regard perçant qui se présente au déjeuner organisé par l’Association des femmes arabes de la presse et de la communication (Afacom) le 9 novembre. Déjà en campagne, la candidate du Front national (FN), Marine Le Pen, commande un verre de vin blanc et allume la première cigarette d’une longue série. « Je n’ai aucun tabous. Demandez moi ce que vous voulez je répondrai », prévient-elle d’entrée. Chaleureuse, celle qui se dit victime de « préjugés et d’a priori blessants sur [sa] supposée islamophobie » est en opération séduction.
« Je n’ai de réticence vis-à-vis d’aucun peuple », explique-t-elle, précisant d’ailleurs avoir passé des vacances au Maroc, dans un club modeste de Marrakech avec ses enfants. « Les serveurs étaient tous étonnés de me voir là… Ils se demandaient pourquoi je n’étais pas à la Mamounia ! » dit-elle avec un rire bruyant. Elle a également été plusieurs fois en Turquie, un pays qu’elle aime beaucoup et dont elle trouve les habitants « charmants ». Mais Marine Le Pen reste la présidente du FN, un parti qui a fait de la lutte contre les immigrés et de l’attaque de l’islam son fonds de commerce, à grands renforts de formules chocs. Même entre deux bouchées d’houmous. Petit florilège :
La démocratie au bout des missiles, je n’y crois pas.
1) Printemps arabe : « Les Tunisiens ont choisi d’élire des islamistes. C’est leur plus grand droit et j’espère qu’ils n’auront pas à le regretter. Nous n’avons aucune leçon à donner », dit-elle. Comme le reste de la classe politique française, Marine Le Pen s’est réjouie du réveil des peuples pendant le printemps arabe. Mais elle se fait véhémente quand il s’agit de la Libye, où « les choses vont tourner au vinaigre et où les djihadistes vont prendre le pouvoir », croit-elle savoir.
« La démocratie au bout des missiles, je n’y crois pas », poursuit-elle. Pour elle, l’Occident avait avant tout pour but de « décapiter le clan Kadhafi. La façon dont il a été tué est scandaleuse ». Mais c’est sans doute sur la Syrie que ses propos prêteront le plus à controverse. La candidate frontiste semble moins confiante sur ce dossier, qu’elle maîtrise mal.
« Il n’y a pas les méchants pas beaux d’un côté et les jolis tout plein de l’autre », avance-t-elle. Une position qui s’explique sans doute par l’influence d’un de ses proches, Frédéric Chatillon, en affaires avec le régime d’El-Assad. Par ailleurs, elle est particulièrement agacée par le rôle du Qatar, « qui a comportement de duplicité et soutient les fondamentalistes en sous-main ». Avec Marine, la théorie du complot n’est jamais loin.
Apparemment, Israël a trop d’amis. Ils ont peut-être besoin d’ennemis supplémentaires.
2) Conflit israélo-palestinien : Alors que circule dans les médias une rumeur sur un prochain voyage en Israël, la candidate est très claire. « Je n’irai en Israël que si je suis invitée par le gouvernement. Reste que je n’irai jamais dans les colonies. Je suis contre, c’est aussi simple que ça ». Après sa rencontre avec l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, ce dernier se serait fait tancer par les autorités de l’État hébreu qui ont alors évoqué un « malentendu ». « C’est pathétique. Apparemment, Israël a trop d’amis. Ils ont peut-être besoin d’ennemis supplémentaires », persifle-t-elle. Pour elle, la France n’a plus aucun poids dans le dossier du conflit israélo-palestinien. « La France est devenu le Pinocchio du Geppetto américain. »
La France est devenu le Pinocchio du Geppetto américain.
3) Françafrique : « La Françafrique est humainement condamnable et politiquement stupide, puisqu’elle donne aux plus riches et affame les peuples, qui deviennent alors des immigrés potentiels. » Certes, le père de marine était proche de certains dirigeants africains, mais il n’a jamais reçu de valises… parole de fille chérie.
4) Filiation : « Et vous, en quoi êtes-vous différente de votre père ? », répond-elle à ceux qui lui demande ce qui la distingue de Jean-Marie Le Pen. Car si elle reconnaît de nombreux désaccords avec son père, Marine en parle avec lyrisme. « Mon père est un homme extrêmement respectueux. Pendant la guerre d’Algérie, c’est lui-même qui se chargeait de faire enterrer les Algériens selon le rite musulman. » Un homme qui a également été accusé à plusieurs reprises d’avoir pratiqué la torture en Algérie…
Marine refuse de condamner son père en place publique. « Il n’y a que chez Pol Pot qu’on fait des choses pareilles ». Fille loyale, femme et mère, le combat politique ne rime pas pour elle avec désir mais avec sacrifice. « Je n’ai pas de vie amicale, je ne vois pas mes enfants grandir. C’est mon amour de la France qui me guide ».
Je n’ai pas de problème avec les musulmans. Seulement avec les fondamentalistes qui ne respectent pas les lois et les valeurs de la France.
5) Identité : « Qu’on le veuille ou non l’identité française se fonde sur ses racines chrétiennes ». C’est pour cela qu’elle se désole de ces quartiers ghettos qui prolifèrent et où « les gens se regroupent en fonction de leur origine ou de leur religion ». Selon elle, on doit comprendre que les gens soient choqués par « l’arrivée massive de l’islam durant les trente dernières années ». « Cela crée forcément des heurts. Mais je n’ai pas de problème avec les musulmans. Seulement avec les fondamentalistes qui ne respectent pas les lois et les valeurs de la France. »
6) Extrémisme : « Je déteste la provocation. Je n’aime ni les homosexuels qui s’embrassent devant les églises, ni ceux qui amènent des têtes de cochon dans les quicks hallal », lance celle qui se dit blessée par les accusations de racisme dont elle est l’objet. Elle jure avoir purgé son parti de tous les extrémistes et vouloir parler à tous les Français, quelle que soit leur origine.
7) Immigration : « On a accepté trop d’immigrés sans pouvoir les intégrer, ni par le logement, ni par le travail », regrette-t-elle. Si elle devient présidente, elle mettra un terme à l’immigration, renverra dans leurs pays les immigrés au chômage et les délinquant et interdira la binationalité. « Contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, l’immigration ne rapporte rien économiquement.»
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Propos recueillis par Leïla Slimani
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