Les pays africains doivent se doter de législations portuaires adaptées

Martin Ndendé est professeur à l’université de Nantes (France), avocat-conseil, expert en droit des activités maritimes et des transports.

Martin Ndendé. DR

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  • Martin Ndendé

    Martin Ndende est professeur en droit privé et sciences criminelles à la Faculté de droit et de sciences politiques de Nantes (France). Il enseigne également à Tulane (Nouvelle-Orléans, États-Unis) et à Ottawa (Canada). Il Il est conseiller juridique aux Nations unies.

Publié le 8 août 2013 Lecture : 3 minutes.

La mise sous concession des terminaux portuaires africains fait régulièrement l’objet de procès d’intention ou d’accusations de positionnement monopolistique. Celles-ci méritent d’être dépassionnées et scrutées à la lumière du droit. En effet, la sécurité juridique est le préalable nécessaire à tout développement économique. Il s’agit aussi d’un impératif pour protéger au mieux les intérêts des investisseurs. Les profits réalisés par l’opérateur concessionnaire, les redevances versées à l’État, la qualité des services, la performance des équipements ou encore le caractère raisonnable des coûts portuaires imposés aux usagers constituent des gages de concessions prometteuses. Ces contrats doivent donc être obligatoirement soumis à un régime équilibré et minutieusement réglementé, ainsi qu’à un cahier des charges fixant clairement les droits et obligations de chacun. D’où l’urgence de doter les pays africains de législations portuaires modernes, adaptées et respectées de tous.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces concessions ne constituent nullement des opérations de privatisation des ports au profit d’opérateurs étrangers. Elles établissent la nécessaire libéralisation d’activités qui ont trop longtemps pâti d’un manque chronique de compétitivité dû à l’impuissance d’États englués dans des gestions portuaires bureaucratiques.

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Le contexte africain est également marqué par des décennies de crise et par l’insuffisance des investissements. Les équipements portuaires coûtent des centaines de milliards de F CFA. L’arrivée de grands groupes solvables et spécialisés dans l’exploitation et la logistique multimodale constitue une réelle chance pour la modernisation et la compétitivité des ports du continent. C’est pour consolider cette démarche synergique que les concessions portuaires sont désormais organisées et réglementées dans le cadre de partenariats public-privé. Les États cessent d’être de simples spectateurs et s’engagent contractuellement et financièrement aux côtés des concessionnaires. Au Congo-Brazzaville, l’État s’est ainsi engagé à hauteur de 80 milliards de F CFA sur les 450 milliards de l’opération (soit environ 122 millions d’euros sur 687 millions d’euros). Plus les gouvernements africains s’impliqueront efficacement dans ces partenariats stratégiques, plus leurs ports gagneront en indépendance et en rentabilité.

Les pays africains doivent se doter d’urgence de législations portuaires adaptées et respectées de tous.

Comme l’ont montré la crise ivoirienne et la transition chaotique en Guinée, il n’y a point de concession portuaire durable ou rentable sans paix civile, sans le respect de la légalité républicaine et sans le jeu des « règles de police » garantissant les intérêts des investisseurs.

L’autre point faible des concessions est incontestablement la tendance à une application douteuse et lapidaire des règles de concurrence. En effet, des procédures d’attribution parfois galvaudées et les pratiques de gré à gré – totalement condamnables et anachroniques – parfois guidées par des intérêts purement politiques, en témoignent. S’y ajoutent certaines violations des exigences du service public durant la concession (égalité des usagers, homologation des tarifs…) ainsi que des pratiques anticoncurrentielles. Ces dernières auraient conduit à des abus de position dominante dont se saisissent de plus en plus les autorités de la concurrence, notamment au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEOMA) ou de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Les conflits de Conakry, d’Abidjan ou de Douala ont laissé des traces, et l’on saisit mal l’intérêt de remplacer des monopoles d’État par des monopoles privés.

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Sur fond de forte croissance économique, le contentieux de la concurrence portuaire risque donc d’aller crescendo. D’autant qu’après la bataille autour des terminaux à conteneurs viendra celle de la concession des terminaux minéraliers, pétroliers, gaziers ou même rouliers. Reste que tous les concessionnaires des ports savent que le droit est en marche en Afrique et qu’ils ont tout intérêt à jouer pleinement le jeu de la transparence et de la légalité. Il en va de la sécurité de leurs investissements.

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