Les armateurs mettent le cap sur la croissance africaine
La part de l’Afrique dans le commerce mondial ne cesse d’augmenter, et les armateurs l’ont compris. Confrontés à la crise partout ailleurs (ou presque), ils intensifient leurs activités en direction du continent.
Transport maritime : ports à prendre
«Qui tient la mer tient le commerce du monde », écrivait le poète et explorateur anglais sir Walter Raleigh (1552-1618). Au sortir de la crise de 2008-2010, les trois grands armateurs mondiaux que sont Maersk, CMA CGM et Mediterranean Shipping Company (MSC) ont bien compris que le maintien de leur hégémonie passait par le renforcement de leur positionnement sur le continent, où le commerce maritime est en expansion constante.
« En 2009, les 30 plus grandes compagnies maritimes de ligne ont enregistré les pires résultats de leur histoire, avec des pertes collectives estimées à 19,4 milliards de dollars [13,5 milliards d’euros], après des bénéfices de 5 milliards de dollars l’année précédente », révélait la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) dans un rapport publié en 2011. Mais en 2010, « les mêmes compagnies ont réalisé des bénéfices cumulés de 17 milliards de dollars », soit plus du double de leurs prévisions. Entre-temps, elles se sont réorganisées en remplaçant certains de leurs navires et ont bénéficié d’une baisse providentielle des prix du carburant.
Après une perte collective record en 2009, les transporteurs ont réorganisé leur flotte.
Alliances
Dans cette dynamique, l’Afrique est devenue une destination phare. La part du continent dans le commerce maritime mondial reste encore largement marginale, mais elle croît constamment. « En 1974, l’Afrique représentait 10,2 % des cargaisons embarquées dans le monde et 2,5 % des cargaisons débarquées. Ces pourcentages ont nettement augmenté, surtout pour les tonnages débarqués, qui ont plus que doublé », constate l’expert maritime Serigne Thiam Diop, secrétaire général de l’Union des conseils des chargeurs africains.
Les principaux armateurs ont donc renforcé leur présence en Afrique en procédant à des alliances et des fusions. Ils ont aussi diversifié leurs activités dans la manutention, la gestion des terminaux et la logistique. Enfin, ils ont réorganisé leurs lignes maritimes afin que leurs navires se croisent sur des plateformes de transbordement, réduisant ainsi les coûts d’escale.
Du coup, les pays côtiers s’organisent afin d’adapter leurs interfaces portuaires aux navires de nouvelle génération. Grand rival d’Algésiras (Espagne), le port de Tanger Med, au Maroc, n’a que six années d’existence mais la ferme détermination de capter sa part des 100 000 navires qui passent chaque année par le détroit de Gibraltar (20 % du trafic mondial). Il vise 8 millions de conteneurs manutentionnés par an à l’horizon 2016, en construisant une extension portuaire d’une capacité de 5,2 millions de conteneurs qui viendra s’ajouter aux 3 millions actuels.
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Dans le golfe de Guinée, la grande plateforme de transit régional d’Abidjan se dote d’un second terminal à conteneurs, dont la concession a été attribuée à Bolloré Africa Logistics (BAL), tandis qu’un mégaport est prévu à Badagry, au Nigeria, dont les travaux doivent débuter en 2016. Le projet de l’investisseur APM Terminals (APMT, filiale de Maersk) doit permettre au pays d’éviter une saturation de ses capacités portuaires et d’absorber un trafic de 10 millions d’équivalents vingt pieds (EVP) par an, volume que le Nigeria pourrait atteindre d’ici à trente ans.
En Afrique de l’Est, la Tanzanie s’apprête à abriter le plus grand port d’Afrique à Bagamoyo (lire p. 92). Objectif : devenir l’interface de référence pour toute la côte orientale, reléguant Port Louis et Djibouti (qui prévoit cinq nouveaux terminaux d’ici à 2017) au rang de destinations secondaires. Enfin, les ports sud-africains font quant à eux à l’objet d’un investissement national de 4,5 milliards d’euros jusqu’en 2019, afin de conserver leur leadership dans la zone australe.
Les pays côtiers doivent adapter leurs interfaces portuaires aux navires de nouvelle génération.
Aubaine
Si ces investissements devraient pallier à moyen terme l’insuffisance d’infrastructures modernes, des freins à l’activité demeurent. « Les opérateurs restent confrontés à l’existence de formalités qu’ils souhaiteraient voir simplifier et à des délais relativement longs pour récupérer les conteneurs, surtout ceux acheminés dans les pays de l’hinterland », souligne Serigne Thiam Diop. Ils se rattrapent quelque peu en maintenant les taux de fret, qui baissent partout sauf en Afrique. « L’expédition de fret à destination du continent, qui correspond en moyenne à 10,6 % du prix des produits finis, est plus coûteuse que vers les pays développés, où cette proportion est de 6,4 %, en moyenne », indique la Cnuced. Une aubaine pour les armateurs.
Adébayo Samson Balogoun : « C’est avec la Chine que l’Afrique de l’Ouest échange le plus »
Le trafic entre le continent et le reste du monde croît, c’est un fait. Mais vers quelles destinations et sous quelle forme ?
Jeune Afrique : Observe-t-on une croissance du trafic vers les destinations africaines ?
Adébayo Samson Balogoun : Les études sur les terminaux portuaires à conteneurs en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale confirment effectivement une croissance du trafic vers les destinations africaines : près de 3 millions de conteneurs ont ainsi été acheminés en Afrique de l’Ouest en 2011. Ce chiffre remarquable pour la zone doit cependant être relativisé par rapport aux 500 millions d’EVP [équivalents vingt pieds] échangés dans le monde.
Quels sont les pays d’Afrique de l’Ouest avec lesquels le continent échange le plus en volume ?
La Chine, l’Inde, la Malaisie et la Corée du Sud. Cette situation se justifie notamment par l’émergence de nouveaux ports en Asie. À titre d’exemple, les importations provenant d’Europe par voie maritime, qui représentaient 42 % des importations totales du Togo en 1991, sont tombées à 32 %, tandis que les importations d’Asie, qui étaient de 17 % en 1991, on atteint 49 % en 2011.
Quelles sont les marchandises les plus échangées entre l’Afrique et le reste du monde ?
Globalement, les importations représentent une plus grande part du volume de fret que les exportations. Les produits à l’importation sont essentiellement des produits finis de consommation : alimentation, boissons et tabac, matériaux de construction, hydrocarbures, machines et matériels de transport, articles manufacturés, pièces détachées et composants utilisés comme intrants dans les processus de production… Quant aux produits à l’exportation, ils sont composés de matières premières ou de produits semi-finis tels que le coton, les produits agricoles, les cuirs et les peaux, les produits de l’artisanat et les ressources minières. A.P.
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