Libye : la France a failli « casser la coalition », selon un diplomate européen

En lançant une attaque trois heures avant le début de l’opération militaire en Libye, la France a bien failli faire capoter l’intervention de l’Otan, rapporte le journal quotidien américain The Washington Post.

Nicolas Sarkozy à Benghazi, le 15 septembre 2011. © AFP

Nicolas Sarkozy à Benghazi, le 15 septembre 2011. © AFP

VINCENT-DUHEM_2024

Publié le 31 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

Le 15 septembre 2011, Nicolas Sarkozy, sourire aux lèvres et mine des grands jours, débarque en Libye à Benghazi. Accompagné du Premier ministre britannique David Cameron, il se félicite du rôle « primordial » joué par la France dans la chute du régime de Kadhafi. La foule est en liesse : le peuple de Benghazi acclame le président français tel un héros.

La France a pourtant bien failli faire capoter l’opération en Libye, révèle lundi 31 octobre le Washington Post. Le 19 mars, trois heures avant le début officiel de la campagne aérienne, quatre avions français Rafales traversent la mer méditerranée et détruisent une colonne de tanks Kadhafistes se dirigeant vers la ville de Benghazi alors encerclée. L’attaque a bien failli mettre un terme à l’alliance internationale censée venir sauver Benghazi d’un possible massacre.

la suite après cette publicité

"Cela a presque cassé la coalition"

Côté français, Nicolas Sarkozy tenait à lancer cette attaque aérienne et symbolique avant le début officiel de la campagne et les États-Unis ne l’en ont pas empêché, assure le Washington Post. Furieux, le président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, menace alors de fermer l’accès des bases italiennes aux avions de la coalition. L’Italie, qui avec la Turquie s’oppose au souhait de la France de créer une cellule de commandement externe à l’Otan, composée de certains pays arabe mais excluant notamment l’Allemagne, soupçonne alors français et américains d’avoir un« agenda caché », selon la formule du président turc, Abdullah Gül.

« Cela a presque cassé la coalition » concède un diplomate européen cité par le quotidien américain, ajoutant que le salut de l’opération est venu d’Hillary Clinton après quatre heures passées au téléphone avec Silvio Berlusconi et le ministre des Affaires étrangères italien Franco Frattini.

Un épisode en tout point symbolique du rôle joué par les États-Unis, et particulièrement par Hillary Clinton, dans l’intervention en Libye. Dès le début de l’opération, sous l’impulsion de la secrétaire d’État américaine, l’Irak et l’Afghanistan en tête, les États-Unis plaident pour que Kadhafi tombe sans aide occidentale. Réalisant assez vite que l’option est caduque, une stratégie précise se dessine.

la suite après cette publicité

Laissant à Nicolas Sarkozy la scène médiatique, l’administration américaine se fait l’arbitre des dissensions entre les membres de l’alliance, s’assurant du soutien, crucial, des pays arabes. Discrète mais très précieuse, Hillary Clinton parvient alors  à imposer ses vues sur le dossier libyen.

La patte d’Hillary Clinton

la suite après cette publicité

D’abord opposée à la « zone d’exclusion aérienne », la secrétaire d’État américaine se bat pour y apposer un certain nombre de conditions, dont l’aval des 22 pays de la Ligue Arabe.

Quand trois jours après le début de la campagne aérienne, les pays arabes s’inquiètent des possibles répercussions intérieures et hésitent à poursuivre leur implication, c’est elle qui appelle les ministres des Affaires étrangères du Qatar et des Émirats arabes unis, Cheik Hamad Ibn Jassim et Cheik Abdallah bin Zayed al-Nahyan, ainsi que le roi Abdallah II de Jordanie.

« C’est important aux yeux des États-Unis, c’est important aux yeux du président, et c’est important à mes yeux », leur dit-elle, rapporte un membre du Département d’État américain.

Plus tard quand en juin l’opération s’enlise, que les rebelles butent sur les forces pro-Kadhafi, Hillary Clinton obtient au forceps la reconnaissance du CNT par Barack Obama, et l’accès pour la rébellion libyennes aux avoirs gelés de Mouammar Kadhafi.
 

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, le 27 octobre 2011 à Berlin. © Odd Andersen/AFP

Libye : la mission de l’Otan prendra fin dans deux jours

Nicolas sarkozy et David Cameron, le 1er septembre 2011 à Paris. © AFP

Libye : Sarkozy et Cameron en route vers Benghazi

L’épave d’un véhicule de l’armée libyenne, le 26 juin 2011 à Al-Wayfiyah. © AFP

Libye : cent jours de raids et l’Otan dans l’impasse

Contenus partenaires