Guy Scott : « Oui, Sata est parfois impulsif »

Démagogue et impulsif pour certains, courageux et intègre pour d’autres… Un mois après son élection à la présidence zambienne, le style de Michael Sata fait débat. Son vice-président, Guy Scott, le premier Blanc à occuper ce poste depuis l’indépendance du pays en 1964, répond aux critiques.

Guy Scott, le premier Blanc vice-président depuis l’indépendance du pays en 1964. © Amos Gumulira/AFP

Guy Scott, le premier Blanc vice-président depuis l’indépendance du pays en 1964. © Amos Gumulira/AFP

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Publié le 28 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

Jeuneafrique.com : dans un câble diplomatique américain daté de 2008 dévoilé par WikiLeaks, l’ambassadeur américain en Zambie d’alors jugeait que le choix entre Michael Sata et Rupiah Banda (son prédécesseur) était plus une question « de style que de fonds » et « ne donnera pas lieu à de grands changements politique au final ». Avait-il raison ?

Guy Scott : Ce n’est pas un commentaire très intelligent. Qu’est-ce qu’on dirait à propos des élections aux États-Unis ? Les républicains sont plus à droite que les démocrates, mais ça ne veut pas dire qu’il y a un vrai choix.

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Il y a une différence considérable entre Sata et son prédécesseur sur le fond. Et on l’a vu ces dernières semaines. Il a pris des positions très anti-corruption, très anti-élites et pro-pauvres. Ses objectifs sont très différents.

On dit de Sata qu’il est impulsif, ce qui inquiète les investisseurs étrangers. Par exemple, le 6 octobre, il a  pris la décision de suspendre les exportations de cuivre (la principale ressource de la Zambie) avant de revenir en arrière le jour même. Que répondez-vous ?

Oui, il est parfois impulsif, mais accepte d’être éclairé, donc je ne pense pas que ce soit une faiblesse. Comme vous l’avez dit, cette mesure a été annulée dans la journée. Cela montre qu’il écoute les conseils, même après avoir fait quelque chose.

Une de ses premières décisions a été de renvoyer le directeur de la Banque centrale, le chef de la commission anti-corruption et tous les commissaires de district (équivalent des préfets français). Pourquoi était-ce si urgent ?

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Ces gens avaient des liens évidents avec l’ancien parti au pouvoir et auraient été utilisés contre nous. Le gouverneur de la Banque de Zambie s’octroyait plus d’un million de dollars par an. Mais nous n’avons pas touché aux vrais professionnels de la fonction publique.

Mais le mandat du gouvernement de la Banque centrale n’expirait que dans six mois…

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Et alors ? Pourquoi aurions-nous dû lui laisser gagner un demi-million de dollar ?

Nous essayons de professionnaliser la fonction publique pour sortir du système de parti unique…

Et comment allez-vous garantir que leurs remplaçants seront politiquement neutres ?

On ne peut pas le garantir. Mais c’est ce que nous voulons. Nous essayons de professionnaliser la fonction publique pour sortir du système de parti unique. Le président de la Cour suprême n’a pas été renvoyé par exemple.

En faisant ça, nous prenons même le risque de mécontenter nos supporteurs qui aurait voulu obtenir ce genre de postes.

Le président veut aussi réformer la Constitution…

C’est une demande du peuple depuis longtemps. Nous allons mettre sur pied un petit comité d’experts qui vont faire un certain nombre de recommandations que nous soumettrons au référendum.

Sur quel point exact voulez-vous la changer ?

Il y a plusieurs points. L’un d’eux est celui des droits opposables. Pour les Zambiens qui meurent de faim, on pourrait par exemple créer un droit à être nourri. Nous pourrions aussi faire en sorte que les candidats à l’élection présidentielle présentent un ticket avec son vice-président, comme c’est le cas au Malawi.

Est-ce que l’ancien président Banda pourrait être convoqué devant la justice ?

C’est possible. Mais il n’y a pas de poursuites à ma connaissance pour le moment.

Vous étiez au Malawi la semaine dernière pour représenter votre pays au sommet de la Comesa, car le président a refusé de s’y rendre. Comment ce boycott a-t-il été vécu là-bas ?

Il y a un faussé entre la plupart des Malawites et leurs dirigeants, et je pense que le peuple était plutôt content que cette affaire ait mis leurs chefs sous les projecteurs. En ce qui concerne ces dirigeants je ne sais pas vraiment. Mais ils n’ont pas encore présenté leurs excuses. (Sata réclame les excuses du président Malawite pour l’avoir expulsé du territoire lorsqu’il était encore un opposant, NDLR).

Vous avez autorisé la chaîne de télévision de l’opposition Joy TV, interdite au Malawi, à émettre depuis la Zambie. Est-ce que vous soutenez officiellement l’opposition malawite ?

On ne peut pas dire qu’on la soutienne officiellement, mais nous avons de bonnes relations avec eux.

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Propos recueillis par Pierre Boisselet
 

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